LA CHRONIQUE
LA SOLIDARITE ARABE DE NOUVEAU A L'EPREUVE
L'élection de Benyamin Netanyahu à la tête du gouvernement israélien a provoqué de vives appréhensions dans le monde arabe, quant à l'avenir du processus de paix entamé en 1992 à Madrid. A en croire les médias, M. Netanyahu élabore avec les principaux partenaires, le programme de son gouvernement, qu'il présentera le 17 juin à la Knesset, pour le vote de confiance. Programme qui incluera entre autres, les principes suivants: extension irrévocable de la colonisation juive, rejet d'un Etat palestinien indépendant, et rejet de l'évacuation du plateau du Golan occupé en 1967. Ce message sans équivoque à l'adresse des pays arabes, a été vite entendu. Les deux mini-sommets tenus à Akaba et à Damas entre le roi Hussein de Jordanie et le président égyptien Hosni Moubarak, et entre celui-ci, le président syrien Hafez El Assad et le prince Abdallah d'Arabie Séoudite, témoignent de l'intérêt que portent les dirigeants arabes à l'égard de ces lourds contentieux qui pèsent sur l'avenir de la paix dans la région à tous les niveaux. Le sommet arabe qui se tiendra au Caire, le 21 courant, œuvrera sûrement dans cette direction. Les chefs d'Etat arabes vont-ils pouvoir affronter ce nouveau défi israélien qui, le cas échéant, renversera tout l'échiquier moyen-oriental? La solidarité arabe est de nouveau à l'épreuve. Puisse-t-elle ne pas décevoir! Le monde arabe est certes en mauvaise posture. L'antagonisme érodant ses gouvernements, n'est plus un secret pour personne. Une crise morale le menace, alimentée et exploitée par les intégristes de tous poils. Crise psychologique, qui ne fait que le minimiser face au sempiternel et redoutable adversaire sioniste. Crise de crédibilité, portant atteinte à la souveraineté de chacun et de tous, sans pouvoir alléger le fardeau harrassant qui pèse sur chacun des pays frères, prenant au fil du temps, un tour alarmant et révoltant.
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Mais il y a plus inquiétant: un monde arabe qui assiste impassible à son propre drame, sans jamais osé tuer la bête fauve qui, sous ses yeux, extermine, condamne et déporte des innocents, se contentant de balbutier quelques résolutions jamais exécutées - n'est nullement viable. A ce stade simuler l'indignation publique, rien de plus misérable, c'est l'indifférence plaidant pour l'arbitraire qui ne fait que renforcer les peuples opprimés, dans l'insignifiance et le mépris de soi. Les bâtisseurs de la solidarité arabe ceux d'hier d'aujourd'hui, et de demain, seront-ils vraiment conscients de cette dure réalité? D'aucuns s'illusionnent encore, qu'un quelconque sursaut, qu'un éventuel réveil de la solidarité arabe est possible, malgré les antagonismes, les divergences et les conflits de tous genres qui les opposent au quotidien. On a l'impression qu'après chaque sommet arabe, une crise franche et brutale menace leur unité, pour ne pas résister aux coups de forces de l'Etat hébreu, aux ingérences et aux flagorneries de la realpolitik qui gouverne la planète, tandis que les gouvernements arabes perdent la maîtrise de leurs moyens d'intervention diplomatiques et militaires, au nez et à la barbe d'un Conseil de Sécurité invalidé, en quête d'autorité et d'une paix de plus en plus chancelante et lointaine. Assistant passivement aux drames qui se jouent dans ses propres entrailles, le monde arabe est appelé, aujourd'hui plus que jamais à réagir. L'actuelle génération de leaders arabes aura sûrement des comptes à rendre face à une Histoire Justicière de ce qu'elle a fait, et de ce qu'elle a omis de faire en faveur d'une solidarité carentielle depuis la nuit des temps! Avons-nous conscience de vivre dans un Moyen-Orient ayant perdu tous les repères; où toutes les valeurs et les principes qu'il prétend incarner ont été foudroyés, cédant la place, gratuitement, aux différents courants intégristes qui planent sur le monde arabe, en cette fin de siècle? Si les nations arabes se résignent, il s'établirait derechef un funeste précédent, déjà initié dans d'autres poudrières tiers-mondistes et euro-africaines, dont l'explosion inévitable embraserait non seulement la région moyenne-orientale, mais la planète entière, à moins que la conscience arabe ne sorte de sa léthargie et décide de mettre fin à toutes les injustices qui se commettent en son nom, proches ou lointaines fussent-elles. Le conflit israélo-arabe, avant d'être une confrontation binaire entre les ennemis de toujours, est en réalité, l'arène privilégiée des antagonismes inter-arabes, d'un nationalisme inspiré par la hantise de la fausse grandeur et de l'égocentrisme les plus avilissants. Où va donc le monde arabe? A la dérive, à contresens de l'histoire, à la récupération d'une conscience collective dont il est dépourvu. Le sentiment de fraternité qu'on prête aux dirigeants arabes serait-il pure illusion? Les réponses à toutes ces inquiétantes interrogations sont divergentes. La guerre israélo-arabe, en réveillant d'anciennes intimidations, va-t-elle entraîner de profondes mutations qui mèneraient le monde arabe aux portes d'une nouvelle ère de récupération de sa dignité de sa souveraineté et de son honneur? Ou le conduiraient-il vers une histoire à rebours, un choc de fragmentation tous azimuts? Le sommet du Caire annoncé pour le 21 juin, va-t-il pouvoir secouer la conscience arabe pour forger à jamais une solidarité inébranlable, résistant à tous les défis, à tous les compromis d'avenir aussi difficiles soient-ils? En attendant une apocalyptique solidarité arabe, le Liban-Sud est transformé en volcan.
"Le monde arabe est en crise, ce n'est plus un secret pour personne, érodant ses gouvernements du Maghreb jusqu'aux confins de l'Orient."
Charles Malek (à la tribune de la Ligue arabe)
José M. LABAKI.