EDITORIAL
Par Melhem KARAM
LE SOMMET DU CAIRE... ET LE PRIX DE LA FOLIE DE "BIBI" NETANYAHU!
Le sommet attendu du Caire ne tiendra pas lieu de parade ou d'ultimatum s'arrêtant à la limite de la démonstration de force, comme le prévoient certains Israéliens. Il sera suivi de dispositions sévères et sérieuses, si Israël raidit sa position et se comporte de manière à ramener la crispation et la violence dans la région. Il en assumera seul la responsabilité face au monde, l'Amérique en tête. D'ailleurs, Washington a insinué qu'il n'était pas prêt à payer le prix et le tribut des surenchères et de la folie de Nétanyahu, s'il entreprenait une action inconsidérée pour relever le niveau de sa popularité, car il lui peine qu'elle dépasse celle de son adversaire d'une demi-voix. Dans son entourage intime, on propage une rumeur selon laquelle il désire l'élever au-dessus de 60 pour cent, ignorant la logique de la paix, ses impératifs et ses tabous. Les Etats-Unis refusent de se brouiller avec tout le monde pour les beaux yeux de "Bibi" et ses fous extrémistes; aussi, les laisseront-ils se tirer seuls d'embarras. Pour prévenir ce qui est apparu; ce à quoi a appelé le sommet de Damas et ce que prépare la rencontre du Caire, du 21 au 23 juin courant, le président israélien, Ezer Weizmann, a répondu à l'avance aux dirigeants arabes, en leur demandant de ne pas juger, prématurément, Netanyahu et de ne pas brandir les armes à sa face, alors qu'il n'a parlé que pour affirmer son engagement vis-à-vis de la paix. Aussi, les a-t-il appelés à poursuivre le processus de cette paix, sans emprunter des voies tortueuses. Le sommet de "la poignée de fer arabe" tiendra ses assises au Caire, en vue "d'assagir" Netanyahu, après le retour des extrémistes religieux, considéré comme une révolte tribale, une recherche d'identité et une vengeance de l'Etat moderne, après avoir été atteints par la fièvre de l'ennui politique, lequel constitue une sorte d'éclipse de l'Histoire et de saut en arrière, ce dernier survenant trois années après la reconnaissance mutuelle entre l'OLP et Israël; six mois après l'assassinat de Yitzhak Rabin et le retour des ennemis les plus féroces de la paix que Pérès a qualifiés de "peuple juif israélien". C'est ce qu'ont révélé les élections de "toutes les appréhensions": le manque de sécurité et le terrorisme fondamentaliste… Cela indique que la plupart des juifs israéliens ont opté pour l'isolement… Et que la paix s'estompe… "La paix de Pérès et de Rabin a paru quelque peu étrange, car c'est une paix entre une patrie palestinienne sans Etat et un Etat israélien sans patrie", dans la conception des extrémistes que la raison et la conscience mondiales condamnent. Le sommet qui s'est tenu à Damas n'avait pas pour seul but de renforcer Damas, mais tous les Arabes. De renforcer la solidarité arabe… et la raffermir. Le temps est venu de dépasser le seuil de la limite minima de la solidarité arabe, pour atteindre la scène de la solidarité arabe qui n'a pas de bornes. J'ignore si cette comparaison est permise. Pourquoi le résultat des élections israéliennes, après avoir dégagé les "non", tout en parlant de la paix, la cherchant comme dans les paroles de Netanyahu? Pourquoi ces élections ne seraient-elles pas le Cana des Arabes? Le Cana du Liban a beaucoup fait dans le domaine de l'unification nationale. Il a été dit qu'il s'est agi d'une histoire sentimentale, davantage que d'une histoire de foi. Il est vrai qu'il y a dans l'affaire quelque chose de cela. Sinon les élections auraient-elles émergé avec tant de virulence? Tout cela est juste. C'est un fait et un droit. Nul ne s'imagine que ce qui s'est produit au Liban… l'ancien et le moderne… peut être effacé par la solidarité de Cana. Tous nous savons que l'histoire est beaucoup plus profonde que cela. Beaucoup plus qu'une épine que nous aurions arrachée. L'unité des Libanais est une histoire de générations… A condition d'être prise en charge par une continuité orientatrice, aimante, sincère et sage, affranchie de l'allergie et de l'humeur, pour que le peuple s'unifie avec foi, de manière qu'un incident ne l'ébranle pas… Ni un cataclysme susceptible de changer des conceptions vécues durant longtemps, au point de s'incruster dans son âme, consolidée par un traitement quotidien dont il s'inspire. Nul ne sort de cela… Cependant, nous devons avoir un point de départ pour finir de cet état de choses. Une station tournant le dos au passé, tout en s'alliant au plan de la raison, de la vérité et de l'Histoire, avec l'avenir. Prenant de l'Histoire ce qui éclaire son chemin pour dépasser ses points de faiblesse et le revers… la station de départ devant être sincère avec l'Histoire et ne pas la relater en deux versions: l'une donnant satisfaction aux gens de la vision; l'autre, allant à l'encontre de la première et s'entretenant avec l'autre afin de satisfaire les gens de la seconde vision. Deux visages et deux langues. Nulle fois l'Histoire n'était ainsi, sauf chez ceux qui ignorent l'Histoire ou ses falsificateurs. Ceux-ci commettent le pire des crimes. Car la falsification délibérée, ici, est pareille à l'homicide intentionnel… dont l'auteur doit être passible de la peine extrême. Les élections israéliennes et ce qu'elles ont dégagé étaient-elles au sommet de Damas? Seront-elles au sommet du Caire… le Cana des Arabes… Comme le Cana du Sud fut le Cana de tout le Liban… Des frontières aux frontières? C'est-à-dire que le point de départ de la solidarité arabe excède sa limite minima. Ceci est devenu un devoir… et une responsabilité arabes. Il est vrai qu'il en était ainsi hier et que l'état des Arabes était délicat… Le danger empire, alors que les Arabes sont à la limite minima de leur solidarité. Si la solidarité extrême ne devait pas être, pourquoi donc serait-elle? Naturellement, le monde n'a pas pris fin le 29 mai 1996. Et, naturellement, "l'homme du 29 mai" qu'ils voulaient sous l'image de Shimon Pérès… mais est sorti sous l'image de Benyamin Netanyahu n'est pas "l'homme promis" pour que le monde se sauve par son intermédiaire. Il n'est pas vrai de dire que le raidissement ramollit sans susciter le soupçon. Surtout quand il lui est demandé de réaliser le charisme qu'on peut en tirer. Ben Gourion aurait pu favoriser la paix, s'il était persuadé de la nécessité de l'instaurer. On ne sait dans quelle mesure Menahem Begin en était capable. Quant aux gouvernants actuels, ils n'en sont pas capables, d'autant qu'ils n'ont pas foi dans la paix, car la colonisation et la paix ne peuvent coexister. Le fait de consacrer Jérusalem en tant que capitale d'Israël et de la paix, comme le refus de restituer le Golan et la paix ne peuvent cohabiter. Le sommet de Damas a su comment traiter avec cette réalité. Aussi, a-t-il traité avec elle, à la manière des gens de la paix qui n'ont pas peur des gens de la guerre… Tout en se tournant vers le monde avec l'unanimité arabe. Ceux qui s'absenteront du sommet arabe élargi du Caire, ont leur excuse. Le sommet de Damas se tourne vers le monde… le monde ayant écrit les pactes de la paix à Madrid… pour lui dire que les élections d'Israël ont engendré des gens de guerre… Mais ces élections ont été pour les gens de paix parmi les Arabes, pareilles au Cana du Sud libanais: il les a unis, tout en unifiant leurs rangs par la justice et l'universalisme, en vue d'une paix inébranlable.