LES EVENEMENTS DE LA SEMAINE
La loi électorale reste au cœur du débat politique et suscite une vive controverse. Le gouvernement continue à tergiverser, hésitant à prendre à propos du découpage des circonscriptions, une décision de nature à rasséréner l'atmosphère. Le ministre des Déplacés qui réclame le partage du Mont-Liban en cazas, a plaidé lundi pour sa paroisse au palais de Baabda. Etant entendu que le chef de l'Etat est en faveur d'une loi unique pour tout le pays. "Les exceptions auront pour conséquence d'ébranler l'entente nationale, soutient la président Hoss.
ELECTIONS, NEUTRALITE ET CRISE DE CONFIANCE
Il est curieux de constater que la plupart des responsables, si ce n'est tous, manquent de capacité de persuasion, surtout lorsqu'ils sont amenés à exposer leur point de vue ou à défendre une position déterminée à travers le petit écran. Nous en avons eu une nouvelle preuve dimanche dernier, à la faveur d'une émission (de près de trois heures), au cours de laquelle le ministre de l'Intérieur s'est employé à expliciter la conception du Pouvoir en ce qui concerne la nouvelle loi électorale. Le ministre a soutenu que le retard mis à élaborer cette loi, provient des profondes divergences opposant les Libanais. "Aussi, l'Etat cherche-t-il à dégager des dénominateurs communs, susceptibles de satisfaire toutes les parties" (sic). Pourquoi l'Etat a-t-il attendu tout ce temps pour envisager de mettre au point la nouvelle loi, plus exactement quatre bonnes années, depuis les législatives de l'été 92? La réponse a été évasive et, en tout cas, très peu convaincante. Autre question: le chef de l'Etat s'est prononcé en faveur "d'une loi unique pour tout le Liban, de façon que les citoyens puissent élire leurs représentants selon un même critère..." Réponse du ministre: le gouvernement veut élaborer une loi de nature à assurer l'égalité des chances (dans le succès et l'écnec) à tous les candidats... Les Libanais, en particulier les opposants, réclament un Cabinet neutre pour superviser le scrutin, dont aucun membre ne serait candidat aux législatives; pourquoi ne pas souscrire à leur requête? Réponse "géniale" du même ministre: "Le Liban est... politisé, au point qu'il n'existe aucun élément neutre parmi ses habitants (!)... Puis, je peux vous citer les noms de dix ministres de l'Intérieur ayant supervisé les élections depuis l'avènement de l'indépendance (en 1943), tout en ayant posé leur candidature..." Est-ce une raison valable? Celle-ci ne l'est pas aujourd'hui, d'autant qu'il existe une crise de confiance entre les gouvernants et les administrés, une large brèche séparant les uns des autres... ...Mais il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, ni de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre! Enfin, la dernière bourde du ministre de l'Intérieur a consisté à dire qu'il fallait faire les comptes, au plan démographique, sur la base ci-après: 55 pour cent de musulmans et 45 pour cent de chrétiens... "Mais aucun recensement officiel n'a été effectué à notre connaissance", a protesté un avocat présent à l'émission. Et le ministre de rétorquer: "Nous nous sommes basés sur les listes d'électeurs...", tout en admettant que celles-ci ne sont ni complètes ni sûres à cent pour cent... Une telle légèreté est-elle permise de la part d'un responsable de ce rang?
La situation redevient explosive au Liban-Sud où cinq militaires israéliens ont été tués. Au terme d'une inspection du front par Shimon Pérès et une entrevue de ce dernier avec son successeur, Benyamin Netanyahu, celui-ci a menacé "de sévir contre le Hezbollah et la résistance par ses moyens spéciaux"... Pendant ce temps, le mufti de Saida posait la première pierre (notre photo) du monument dédié aux martyrs sudistes.
ESCALADE AU SUD, LA PLUS VIOLENTE DEPUIS "L'ARRANGEMENT D'AVRIL"
Pendant que le président Clinton demandait à son homologue égyptien "de donner une chance au chef du Likoud" et, aussi, "de lui laisser le temps de former son gouvernement avant de se faire une opinion à son sujet"; alors que Warren Christopher, secrétaire d'Etat US mettait en garde les Arabes "contre toute initiative de nature à fermer la porte sur le processus de paix"; et que le chef de l'Etat hébreu, Ezer Weizman exhortait les Arabes "à poursuivre le processus de paix", une nouvelle escalade se produisait sur le terrain au Liban-Sud, la plus violente depuis "l'arrangement du 26 avril" ayant mis fin aux affrontements entre "Tsahal" et le "Hezbollah". Ces affrontements ont été si meurtriers - 5 soldats israéliens dont un lieutenant y ont trouvé la mort - que Shimon Pérès a inspecté la région frontalière nord d'Israël, avant de rencontrer Benyamin Netanyahu pour la seconde fois depuis les élections générales du 29 mai. Le chef du gouvernement sortant a déclaré au terme de son inspection du front, que "l'Etat hébreu ripostera au moment voulu et de la manière qu'il jugera opportune"… On sait ce que cela peut signifier, surtout lorsqu'un premier ministre Israélien sortant et son successeur confèrent pendant plus d'une heure sur la façon dont doivent s'opérer les raids de représailles ou les "expéditions punitives"… En fait, la nouvelle escalade traduit la crispation ayant succédé aux élections israéliennes lesquelles ont ravivé les sommets arabes (élargis ou restreints), trois s'étant déjà tenus à Lattaquieh, à Akaba et au Caire; le quatrième ayant été fixé au 21 juin dans la capitale égyptienne. Tous les Etats membres de la Ligue arabe, excepté l'Irak, ont répondu favorablement à l'invitation du président Hosni Moubarak. Ne voyant pas d'un bon œil ces retrouvailles arabes, le chef de la Maison-Blanche a invité le Raïs à Washington en juillet, partant de ses craintes de voir les sommets arabes déboucher sur un regroupement des voisins d'Israël, ce qui aura pour conséquence de compromettre le processus de paix. D'ores et déjà, un courant se dessine contre la normalisation des relations arabo-israéliennes. La Syrie a, d'ores et déjà, appelé ses partenaires de l'organisme panarabe qui en avaient l'intention, d'y renoncer, "parce que, observe-t-elle à travers ses médias, les visées de l'Etat hébreu et ses convoitises n'ont pas de limites". Fait à signaler: les délégués des cinq Etats arabes ayant une représentation officielle à Tel-Aviv (Jordanie, Egypte, Maroc, Tunisie et Mauritanie), s'y sont retrouvés mercredi, pour discuter des retombées politiques de la victoire du Likoud. Fait à signaler: le "Hezbollah" qui a revendiqué les nouvelles attaques contre les positions et patrouilles de "Tsahal" dans la zone frontalière, se dit disposé par la voix de son secrétaire général adjoint, Naïm Kassem, à laisser à l'Etat libanais, le soin de traiter des moyens à mettre en œuvre pour rétablir le calme dans la région méridionale du pays… … Sinon le "parti de Dieu" se verrait contraint de dénoncer "l'arrangement d'avril… Et advienne que pourra"!
L'accession du Likoud au pouvoir inquiète les dirigeants arabes. Mais l'Amérique et l'Union européenne leur demandent d'attendre la formation du nouveau Cabinet israélien avant de porter un jugement sur Netanyahu. Après avoir rencontré hier le président Clinton, le roi Hussein (notre photo) a déclaré: "Il n'y a pas de raison d'être pessimiste, le successeur de Pérès ayant promis de poursuivre le processus de paix... Nous combattrons les forces de l'extrémisme qui veulent le détruire".
NETANYAHU CHANGERA-T-IL DE TON ET LE FUSIL D'EPAULE?
"Les gouvernements de droite font souvent une politique de gauche et ceux de gauche font une politique de droite", observe un politologue français, en se basant sur les programmes des gouvernements qui se sont succédé à l'Hôtel Matignon. Cette réflexion mérite d'être discutée, au moment où le Likoud s'étant emparé des rênes du pouvoir en Israël, les dirigeants arabes s'inquiètent et craignent de voir compromettre le processus de paix. A tel point, qu'ils jugent nécessaire la tenue d'un sommet élargi dans la dernière semaine du mois courant, exactement du 21 au 23 juin. Il y a lieu de signaler, tout d'abord, que même l'électorat israélien était désemparé le 29 mai, date à laquelle s'est déroulée la consultation populaire. En effet, les Israéliens se demandaient s'il valait mieux placer à la tête du gouvernement un Pérès qui tenait un langage sobre et pondéré, tout en cachant un gros bâton derrière le dos, ou un Netanyahu qui brandissait un gros bâtons, tout en ayant l'intention de s'asseoir sur la table des négociations pour discuter des conditions conformément auxquelles on doit instaurer la paix… La réponse à cette question n'était ni claire, ni évidente, ce qui explique le faible écart des voix entre les chefs du Likoud et du parti travailliste. Est-il possible que Netanhyahu change de politique et de ton, après avoir accédé au pouvoir; autrement dit, que le "faucon" se métamorphose en "colombe", du jour au lendemain? Paris, Washington et d'autres capitales répondent à cette question par l'affirmative, preuve en est qu'elles recommandent aux Etats arabes de patienter et de ne juger le successeur de Pérès que sur ses actes. En d'autres termes, d'attendre qu'il forme son Cabinet et obtienne la confiance de la Knesset, sur base d'un programme dont les grandes lignes permettront de se faire une idée exacte de sa politique et de ses options. Il se peut que Netanyahu, chef du gouvernement, diffère de Netanyahu, candidat, usant d'un langage différent de celui qu'il est censé utiliser maintenant qu'il est au poste de commande, assumant de lourdes responsabilités, lesquelles exigent plus de pondération, de sagesse et de longueur de vue… Preuve en est qu'il a pris ses distances des "durs" du Likoud, Ariel Sharon en tête, à qui il a refusé de dévoiler ses intentions en ce qui concerne la composition de son équipe ministérielle. Il a même confié à ses proches: "Sharon peut être gênant"… De même, David Lévy qui lorgne du côté des Affaires étrangères, a sommé en quelque sorte le chef du gouvernement élu de divulguer le fond de sa pensée en ce qui a trait à l'équipe gouvernementale, sinon il se verrait contraint de modifier sa position à son égard. Le chantage lui a profité, puisqu'il a beaucoup de chance de reprendre en main le portefeuille des A.E. Sharon, lui, paraît devoir s'occuper des colonies de peuplement ou des problèmes socio-économiques, domaines où son bellicisme aura tendance à s'émousser… Tout compte fait, on ne perdrait rien à prêter l'oreille aux conseils amicaux et désintéressés des présidents Clinton et Chirac: les deux hommes d'Etat invitant les dirigeants arabes à attendre la mise sur pied du nouveau Cabinet à Tel-Aviv avant de porter un jugement sur le nouvel "homme fort" d'Israël et d'établir leur nouvelle stratégie en conséquence…
ECHOS ET REFLEXIONS
ESCLAVAGE DE FEMMES ET D'ENFANTS
L'esclavage de femmes et d'enfants figure parmi les fléaux de cette fin de siècle ayant tendance à empirer et à prendre plus d'ampleur. Aussi, les ministres du Travail de 173 pays se sont-ils réunis, cette semaine, à Genève à l'effet d'accélérer l'élimination du travail des enfants; en priorité, le travail forcé ou l'esclavage, l'exposition à des produits toxiques et la prostitution clandestine. En effet, une étude de l'ONU sur les questions sociales, indique que 73 millions de garçons et de fillettes, soit 13,2% de la tranche d'âge étudiée, travaillaient en 1995. Fait à signaler: la majorité des jeunes travailleurs, âgées de 10 à 14 ans, ont été recensés en Asie; 44,6 millions, soit 13 pour cent du nombre total. Le rapport du Bureau international du Travail (BIT) souligne que "l'esclavage des enfants demeure un problème extrêmement grave"... Autant que "l'esclavage sexuel", entendre par là le trafic des femmes ou la traite des blanches. Celles-ci proviennent du monde entier, un grand nombre d'entre elles étant originaires des pays d'Europe centrale et des pays en voie de développement. Ce problème a pris une telle expansion, qu'une conférence sur la traite des femmes a été organisée, cette semaine à Vienne par la Commission européenne et l'Organisation internationale de la migration (OIM), en présence de 150 spécialistes. Le Liban était-il représenté aux assises de Genève et de Vienne? Nous l'ignorons. Dans la négative, ce serait de la négligence de la part de ceux qui ont en charge de tels problèmes. D'aucuns pourraient dire que cette forme d'esclavage est inexistante chez nous. En sont-ils bien sûrs et qui peut le certifier en l'absence de statistiques, celles-ci faisant défaut dans la plupart des secteurs de notre vie nationale? Quoi qu'on dise, il faut nous prémunir contre de tels dangers qui pourraient se manifester d'une manière brutale, à un moment où on s'y attend le moins...
Edouard BASSIL.