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L'EFFET NETANYAHU
3 rencontres arabes et un sommet au Caire le 21 juin
La victoire-surprise de Benyamin Netanyahu a eu pour effet d'activer les contacts et concertations au plus haut niveau au sein du monde arabe, tout comme à l'échelle régionale et internationale; de provoquer des réactions en chaîne et de motiver la tenue au Caire d'un sommet arabe. Déterminés à faire face aux options électorales du chef du Likoud avant même de connaître la formation et les options politiques de son gouvernement, les rois et chefs d'Etat arabes parviendront-ils à dépasser leurs conflits internes pour adopter une position unifiée en faveur de cette paix juste et globale qu'ils revendiquent constamment? Un fait est certain: cette paix est désormais un impératif pour tous les pays de la région.
Juste après l'élection-surprise de Netanyahu, le président syrien Hafez Assad s'est rendu au Caire pour y rencontrer son homologue égyptien, Hosni Moubarak.
Dans la semaine même qui a suivi les élections israéliennes et la victoire-surprise du chef du Likoud, trois rencontres au sommet ont eu lieu entre différents chefs du monde arabe, en vue d'examiner les perspectives du processus de paix face aux nouvelles donnes politiques israéliennes, d'autant plus que les déclarations de Netanyahu lors de sa campagne électorale étaient peu rassurantes. La première rencontre a lieu au Caire entre les présidents Hosni Moubarak et Hafez Assad qui mettront tous deux l'accent sur la nécessité de renforcer la solidarité arabe comme seule voie de salut. L'idée de convoquer un sommet arabe élargi fera rapidement son chemin. Pour les deux chefs d'Etat, il s'agit d'instaurer une paix juste et durable, conformément aux résolutions de l'ONU basées sur le principe de l'échange de "la terre contre la paix". Par ailleurs, les deux hommes sont d'accord pour reconnaître l'importance du rôle vital joué par les Etats-Unis, qui ont déjà démontré le sérieux de leurs efforts en vue d'instaurer la paix au Proche-Orient.
MOUBARAK, UN MODERATEUR
La deuxième rencontre réunit à Akaba, le roi Hussein, de Jordanie, le président égyptien Hosni Moubarak et le leader palestinien, Yasser Arafat. Des trois hommes, seule la position de Arafat est inconfortable face au Likoud, Netanyahu ayant déclaré à maintes reprises son refus d'un Etat palestinien et d'un compromis sur Jérusalem qui doit demeurer unifiée et la "capitale éternelle" d'Israël. Autant le leader palestinien se sentait à l'aise avec Pérès, autant il se sent à l'heure actuelle mis à l'écart par le chef de la droite israélienne. Que va-t-il advenir de ses aspirations quant à la création d'un Etat palestinien? Le roi Hussein et le président Moubarak semblent, par contre, appelés à jouer un rôle majeur face à la nouvelle conjoncture politique israélienne, d'autant plus que leurs pays ont déjà signé, - l'Egypte depuis longtemps, la Jordanie plus récemment - des traités de paix avec Israël. M. Moubarak fait figure de modérateur au sein du monde arabe, exhortant les responsables à attendre la formation du gouvernement de Netanyahu et sa déclaration officielle, avant d'adopter une quelconque position. C'est, d'ailleurs, le conseil américain aux Arabes. Le président Moubarak a déjà été invité à Washington au mois de juillet par le président Clinton, pour se concerter sur les nouvelles donnes au Proche-Orient.
La deuxième rencontre a lieu à Akaba en Jordanie entre le roi Hussein, le président Moubarak et le leader palestinien Yasser Arafat.
LE ROLE DE LA JORDANIE
Idem pour le roi Hussein qui s'est entretenu avec le président Clinton du processus de paix et des phases à venir. Un haut responsable jordanien devait affirmer que le rôle d'Amman sera encore plus important à l'avenir, par rapport au processus de paix, étant donné que la Jordanie est le seul pays arabe ayant la confiance des Israéliens de tout bord. On vient de voir récemment que six lignes directes d'autobus ont été ouvertes entre les principales villes jordaniennes et israéliennes, signe de plus de la normalisation des relations entre les deux pays. Mais tant le président que le roi Hussein ont leurs appréhensions. Le Raïs doit faire face aux courants intégristes qui refusent la normalisation avec Israël et risquent de s'activer davantage face à l'arrivée de la droite au pouvoir. Le roi Hussein, quant à lui, doit demeurer sur ses gardes vis-à-vis d'un projet souvent défendu par le Likoud et qui consiste à faire de la Jordanie une partie de substitution pour les Palestiniens. Ce qui brouillerait toutes les cartes.
LA PAIX JUSTE ET GLOBALE, UN OBJECTIF STRATEGIQUE
La troisième rencontre a lieu à Damas, plutôt qu'à Djeddah tel que cela avait été annoncé tout d'abord et groupera les présidents Hafez Assad et Hosni Moubarak, ainsi que le prince héritier Abdallah, d'Arabie Séoudite. Il est important de relever que M. Moubarak a été présent aux trois rencontres entre chefs et leaders arabes, ce qui confirme le rôle de modérateur et de conciliateur qu'il est appelé à jouer avec la bénédiction américaine. C'est à Damas que sera prise la décision de convoquer les chefs d'Etat arabes, à l'exception de ceux d'Irak et de Somalie, à un sommet qui doit se tenir au Caire du 21 au 23 juin courant. Il est important de rappeler que le dernier sommet arabe du genre avait eu lieu, toujours au Caire, en 1990. Depuis lors, les dissensions interarabes n'avaient ni favorisé, ni encouragé de telles assises. La déclaration finale de la rencontre de Damas définit, en quelque sorte, les grandes lignes du sommet du Caire. Dans cette déclaration il est dit notamment: 1 - L'aboutissement à une paix juste et globale est considéré comme un objectif stratégique. 2 - La seule voie possible pour aboutir à la paix est le retrait d'Israël de tous les territoires occupés (...) conformément au principe de l'échange de la terre contre la paix et aux résolutions 242, 338 et 425 du Conseil de Sécurité de l'ONU. 3 - Les trois dirigeants invitent la communauté internationale, notamment les parrains du processus de paix, à continuer à l'appuyer et à le faire avancer (...)
Suite à la rencontre de Damas entre le prince Abdallah Ben Abdel Aziz, les présidents Assad et Moubarak, la tenue d'un sommet arabe au Caire fut décidée.
OBJECTIFS DU SOMMET
Ce sommet qui se veut un plaidoyer en faveur d'une paix juste et globale pour un monde arabe réellement unifié, parviendra-t-il à adopter une véritable stratégie commune pour la paix? Ou faudra-t-il, comme à l'accoutumé, se contenter d'un communiqué et de quelques vœux et souhaits? L'avenir proche nous le dira, même si malgré soi, on demeure sceptique quant à l'aptitude des Arabes à adopter des mesures fermes et unifiées. Evidemment, les déclarations émanant de différentes sources arabes se veulent rassurantes. Telle cette assertion: "La tenue des sommets arabes constitue un message de force à l'intention d'Israël qui a toujours parié sur les divisions au sein du monde arabe". Ou cette autre: "Le sommet n'est pas un appel à la guerre, mais une mobilisation en vue de l'entité arabe et de l'unification des rangs". L'appel à ce sommet, qui est en soi un message direct à l'intention de Netanyahu, a suscité un intérêt et réactivé les contacts et concertations à l'échelle régionale et internationale. Le chef du Likoud ne fera pas de commentaire et l'un de ses proches affirme "qu'il le fera après la formation de son gouvernement. Il ne veut pas non plus s'engager dans un duel verbal avec les pays arabes qui ne rimerait à rien, leur rappelant une fois de plus, qu'il a promis de poursuivre le processus de paix". Pour le président de la municipalité de Jérusalem, Ehud Olmert, proche de Netanyahu: "les pays arabes sont inquiets, car ils réalisent que le chemin relativement facile suivi avec le gouvernement travailliste de Pérès est fini et qu'une nouvelle étape est sur le point de commencer".
MIEUX VAUT ATTENDRE LA FORMATION DU GOUVERNEMENT
Le président israélien, Ezer Weizman, a invité les Arabes et, surtout, l'Egypte à poursuivre le processus de paix, exprimant son regret que les pays arabes aient déjà adopté des positions radicales avant même que le Premier ministre élu exprime quoi que ce soit et sachant qu'il est toujours engagé dans le processus de paix. Le président américain Bill Clinton appelle les Arabes à ne pas tracer de politique avant de connaître les orientations du nouveau Premier ministre et la formation de son Cabinet. Certes, la mobilisation arabe est due au fait que Netanyahu avait, à leurs yeux, dépassé les lignes rouges, lors de sa campagne électorale et qu'il refuse de restituer le Golan, tout en se disant prêt à dialoguer avec le président Hafez Assad. Le style de l'homme est différent de celui de Pérès qui rassurait les Arabes. La politique du Likoud est plus intransigeante que celle des travaillistes. Mais le nouvel homme fort d'Israël continue d'affirmer que la paix reste avec la sécurité, son principal objectif. Son slogan de "la paix contre la paix" a, sans nul doute, choqué les Arabes qui sont partisans de "la terre contre la paix" prôné par Pérès. Mais après tout, par le dialogue, les deux thèses pourraient se rejoindre pour aboutir à une paix durable au Proche-Orient.
Au Liban-Sud, au même moment, la situation devenait de plus en plus explosive. Ici un soldat israélien blessé lors d'un attentat du "Hezbollah".
QUID DU LIBAN?
Reste, pour nous Libanais, la question cruciale: quel sort est réservé au Liban? Il n'a été convoqué à aucune des trois rencontres lui qui, pourtant, est le plus concerné par le conflit israélo-arabe Netanyahu qui a exprimé son intention de rencontrer le président syrien, n'a à aucun moment évoqué le cas du Liban. A Washington, la formation du groupe de surveillance issu de l'accord du 26 avril est gelée jusqu'à nouvel ordre. Et à l'heure où les pays arabes sont convoqués pour le sommet du Caire, la tension redevenait très vive au Liban-Sud. Ce sommet prendra-t-il la peine de se pencher, de façon plus spécifique sur le Liban, le seul front toujours chaud qui paye pour tous les autres? Il y a lieu de craindre que le Liban demeure l'éternelle victime en temps de guerre, comme dans la recherche de la paix.
NELLY HELOU