Depuis des siècles, Beit-Chabab (caza du Metn) a été l’unique centre pour la fabrication de cloches dans tout le Proche-Orient. Ce monopole a été conservé pendant longtemps par la même famille (Naffah) qui interdisait à ses membres de divulguer le secret, jalousement gardé, quant au procédé de confectionner les cloches; surtout quand ils épousaient des “étrangers”. Dans “Histoire du Liban” de Restel Hubert (édition 1919), l’auteur, alors consul de France, précise que cette tradition se transmettait dans la famille mentionnée depuis le temps des Croisades. A ce sujet, une légende est transmise, de père en fils, dans la famille Naffah: Au XVIIème siècle, Pierre le Grand dépêcha un ingénieur russe au Liban, pour fabriquer une cloche à l’église Mar Abda, de Bickfaya, ce lieu de culte étant rattaché, à l’époque, à Beit-Chabab. L’ingénieur avait besoin d’un jeune homme versé dans le travail des métaux; il le trouva dans la personne de Youssef Naffah. Celui-ci aidait l'ingénieur durant la journée et accomplissait le même travail, la nuit, dans sa maison. Quand la cloche de Mar Abda fut achevée, une autre l’était aussi au domicile de Youssef Naffah qui se chargea de perpétuer la technique utilisée dans la fabrication des cloches à travers sa progéniture.

ON LES FABRIQUAIT VERS 2260 AVANT J.C.

L’invention des cloches est attribuée aux Chinois, relève-t-on dans une étude de la revue “Historia” d’avril 1980 (NÞ401). Ce serait l’empereur Hang-Chi qui, le premier, en fit fabriquer, vers 2260 avant J.-C. Mais ces cloches étaient sans battant. On les frappait de l’intérieur avec un maillet pour les faire tinter. On ne sait pas précisément quand fut introduit le battant. Suétona rapporte que l’empereur Auguste avait fait placer des clochettes au sommet d'un temple de Jupiter. D’autres historiens notent que les cloches étaient utilisées par les Romains pour annoncer la vente de certaines denrées, pour convoquer leurs esclaves et leurs clients et que les soldats grecs portaient une clochette au cours de leurs rondes nocturnes dans les camps et forteresses. Dans les églises d’Occident, l’usage de la cloche fut, pense-t-on, introduit au Ve siècle, par saint Paulin, évêque de Nole, en Campanie, d’où les mots campana, nola qui avec clocca et signum désignaient une cloche en Italie. Vers le VIIIe siècle, les cloches, de plus en plus volumineuses (il y en a déjà qui pèsent dix tonnes), nécessitèrent l’érection d’un réceptacle particulier qu’on appela “clocher” (campanila en Italie). C’est l’époque où les Carolingiens imposent la sonnerie des cloches pour annoncer les offices. C’est au XIIIe siècle, que l’Eglise adopta une clochette pour souligner, à la messe, le moment de l’Elévation. Au temps des Croisades, la sonnerie des cloches, matin et soir, était le signal d’une prière à l'intention de ceux qui étaient partis combattre pour Jérusalem. Et, pendant des siècles, les cloches serviront à appeler les fidèles à la prière, à célébrer les événements heureux, à annoncer les grands malheurs.

LA PLUS GROSSE CLOCHE DE FRANCE

La plus grosse cloche de France est la “Savoyarde” de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, qui pèse dix-neuf tonnes. Fondue à Annecy en 1891, elle avait été offerte par la Savoie à cette nouvelle église de Paris érigée après la guerre de 1870. Mais la Savoyarde est battue par le “Bolskoï” de Saint-Ivan, à Moscou: 67 tonnes. Et la reine des cloches - commandée par la tsarine Elisabeth en 1733 - est conservée au Kremlin, sur un socle, après avoir été félée durant l’incendie de Moscou en 1812. Son poids: 246 tonnes (6,90m de diamètre, 61cm d’épaisseur). L’”Emmanuelle”, de Notre-Dame de Paris, fondue en 1685, pèse 12 tonnes. Parmi les cloches de nos cathédrales, la “Potentienne” et la “Savinienne” de Sens (8 tonnes), fondues en 1560 et la “Charlotte” de Reims, fondue en 1570, sont sans doute les plus anciennes. Autrefois, il fallait huit hommes pour sonner les cloches à Notre-Dame de Paris. De nos jours, le fonctionnement automatique par l’électricité a fait disparaître, sauf dans certains villages, le sonneur de cloches.