ON L’APPELAIT «L’HOMME DE LA RECONCILIATION»

Il y a 48 ans (le 2 novembre 1948) mourait Fadlallah El-Asmar le vétéran libanais de l'horlogerie et de la joaillerie.

Il y a près d’un demi-siècle (exactement quarante-huit ans), le 2 novembre 1948, mourait un vétéran de l’horlogerie et de la bijouterie: Fadlallah el-Asmar, dont l’établissement avait été fondé au début du siècle (en 1900) à Souk Tawilé. Eid à l’origine, sa famille prit le nom el-Asmar au temps de l’émir Bachir. Né à Deir el-Kamar en 1869, il était le fils de Youssef Chahine el-Asmar et de Hanné Tannous Jalkh, tous deux natifs de cette même localité choufiote. Il avait huit frères et sœurs dont Khalil el-Asmar, père de Emilie et Soussane, respectivement épouse et mère du romancier Karam Melhem Karam, dont les fils sont le bâtonnier Issam Karam et Melhem Karam, président de l’Ordre des journalistes libanais. A l’âge de 8 ans, le petit Fadlo (diminutif de son prénom), fit son apprentissage de l’horlogerie chez Béchara Jalkh, oncle de sa mère et père du premier médecin du Liban, Youssef Jalkh. Il continua de se perfectionner auprès de l’horloger Chaoul, où il fit la connaissance d’hommes de lettres, notamment de l’historien Jordak, celui-ci étant devenu l’un de ses meilleurs amis.

Baromètre que seul Fadlallah
el-Asmar savait réparer.
Phonographe-meuble, le premier
importé au Liban.
“Grand Father Watch”, dont quelques
spécimens se trouvent encore dans plus
d’un foyer libanais.

LES HORLOGERS CONNUS

Les horlogers connus de l’époque étaient les Jalkh, Chaoul, Bassoul, Acar et Asmar. A l’âge de 15 ans, il ouvre sa propre horlogerie. En 1895, il en ouvre deux autres à Souk Tawilé et, en 1900, quatre ateliers, toujours dans le même souk, ayant douze employés et ouvriers. Fadlallah el-Asmar correspondait et traitait avec les grandes fabriques d’horloges et bijouteries d’Europe, d’Amérique et des pays arabes, bien qu’il n’ait jamais été orfèvre ou joaillier. En Syrie, il était en contact permanent avec Khatchadour Chahine. Certains de ses employés se sont imposés dans le monde de l’horlogerie et de la joaillerie, entre autres Youssef Fathallah Henéiné, Philippe Ephrem Boustany, Philippe Margé, Nakhlé Kanaan, Georges Daou, Elias Halabi, Antoun Dandan et Kayssar Souccar.

La première horloge du couvent de
Bzommar montée par Fadlallah
el-Asmar en 1912 (démontée).
L’horloge électronique a remplacé
l’horloge du couvent de Bzommar
tout en gardant les mêmes
dimensions du premier cadran.
Avec son épouse.

IL A MONTE L’HORLOGE «ABED»

Fait à signaler: Joseph Heneiné qui avait travaillé chez Fadlallah el-Asmar, rapportait peu de temps avant sa mort, comment avait été montée l’horloge Abed place de l’Etoile (où elle a été réinstallée après avoir été transférée, rue du Fleuve): «Un émigré libanais de la famille Abed avait ramené l’horloge du Mexique et voulait l’offrir à la municipalité de Beyrouth croyant que, par la suite, il deviendrait président de la République. «Miguel Abed arriva en 1933 chez Fadlallah el-Asmar chez qui je travaillais avec Philippe Ephrem Boustany. Fadlallah nous chargea d’installer l’horloge à la place Maarad; ce que nous fîmes sous sa supervision. Mais Abed n’a jamais accédé à la magistrature suprême». Joseph Heneiné, père de Rose et Tony, respectivement, Mmes Georges Samen et Oscar Jazzar, mourut le 10 mars 1995, à l’âge de 106 ans. Fadlallah el-Asmar installa, également, l’horloge monumentale du couvent de Bzommar en 1911. Son passe-temps favori était la lecture et il avait une prédilection pour les livres de Yazigi, Manfalouti, le Coran, l’Evangile, etc… Ayant une oreille musicale, il jouait du «oud» et appréciait les chansons d’Oum Koulsoum et les anciens opéras, celui de «Roméo et Juliette», notamment. La chasse était son sport favori et il disposait d’une canne-fusil. Il en était fier et parvenait à réparer la panoplie de chasse et tous appareils de précision ainsi que les phonographes. Il s’est marié avec sa compatriote Adma Gerios Baddoura et seule sa quatrième fille, Salma, a survécu. Musicienne et femme de lettres, elle a épousé Jean Khalil Chacra, intellectuel originaire de Zahlé, spécialisé dans la traduction d’ouvrages américains.

Fadlallah el-Asmar, sa conjointe
et leur fille Salma.
Adma Baddoura el-Asmar
(à droite) et sa sœur, Adèle Baddoura Salmon.
Fadlallah el-Asmar, Karam Melhem Karam,
Salma el-Asmar, Adma el-Asmar,
Marie Baddoura Boustany et Wadad Baddoura Tyan.

Canne-fusil, télescope, jumelle et appareil-photo Browny que possédait le vétéran des horlogers libanais.

MAISON DE CONFIANCE

Fadlallah el-Asmar était un homme intègre, bon, spirituel et son établissement était connu pour être une «maison de confiance». Beaucoup d’horloges qu’il a vendues ou réparées, se trouvent encore dans bien des foyers libanais. Homme patriotique de grand cœur, courageux, modeste et simple, il était aimé de tous et on l’appelait «l’homme de la réconciliation». Croyant, il a élevé sa fille Salma dans la crainte de Dieu et l’a guidée dans le droit chemin. Que de fois, il priait la nuit à la belle étoile. Il aimait répéter cette réflexion de Voltaire: «L’univers m’embarrasse. Je ne puis songer que cette horloge marche et n’ait pas d’horloger». Fadlallah el-Asmar mourut à Beyrouth le 2 novembre 1948, le jour de la «fête des morts», entouré de ses proches et d’amis; d’émouvantes obsèques lui furent faites à Deir el-Kamar.