LA HAUTE COUTURE, C’EST PARIS DIOR, C’EST PARIS

Toujours la Haute Couture: un classique et éternellement élégant tailleur pantalon en laine beige noisette. La veste est rebrodée d’or et bordée de vison.

CHRISTIAN DIOR

Il y a or dans le nom de Dior. Or et opulence. Magie et Paris. Un éternel pied de poule. Une indétrônable robe noire. Ce sens aigu de la technique et de la construction du vêtement. Une grande élégance, celle de la simplicité. Que de travail, de maîtrise et de savoir - faire pourtant pour réaliser la moindre pièce portant la signature du maître. Un demi-siècle déjà que la grande maison existe et brille de mille feux dans la Ville-Lumière. Faut-il faire partie de l’institution, être possédée par l’état d’esprit, le climat de la grande famille pour conter Dior avec autant d’éloquence et d’élégance? Arrivée du Caire à Beyrouth, émue par ce premier voyage au Liban, Brigitte Lefebure, déléguée responsable de la promotion de Dior au Moyen-Orient avait convié la presse à l’hôtel Riviera en ce matin de novembre. Cinquante ans de Dior, cela se célèbre mondialement. Cinquante ans de Dior dans le monde, mais vingt ans aussi que la boutique Dior à Verdun se maintient. Paula Faddoul et, aujourd’hui, sa fille Pamela assurent les mêmes prix à Beyrouth qu’à Paris. Prêt-à-porter, accessoires, petite maroquinerie, lingerie, bijoux et foulards. Tout est là.

Dans la collection de prêt-à-porter de l’hiver 96-97, l’incontournable tailleur noir-Glorieux…

En matière de prestance, les Libanaises ne s’en sont d’ailleurs jamais laisser conter. Elles devraient se laisser captiver. Itinéraire d’un nom fabuleux... Christian Dior naît à Granville, station balnéaire sur la Manche, le 21 janvier 1905 et grandit au cœur d’une famille bourgeoise. Très tôt, l’image de la mère, femme d’un grand raffinement, s’impose à ses yeux. C’est cette même image qu’il tentera de faire revivre plus tard, au cours de ses années de créateur. La maison de Granville est située sur une falaise. De cette nature qui l’entoure, Christian Dior gardera une grande affinité pour l’art floral. Le choc de Paris où la famille s’installe après quelques années ne contribue qu’à renforcer le penchant que possède déjà le jeune Christian pour les arts. Mais plus tard, au lieu de faire les Beaux Arts, il s’inscrit à Sciences po. Qu’à cela ne tienne. Il continue à mener une vie brillante et baigne dans un climat artistique qui constituera le vrai ferment de son destin futur. Il fréquente Cocteau, Dali, Picasso, ouvre une galerie de tableaux et vend leurs œuvres. Le crack économique de 1929 met fin cependant à son mécenat. Le voici SDF avant l’heure. Sur les conseils de Jean Ozenne, il fait ses premiers dessins de mode féminine qu’il vend au “Figaro”. Il entre chez Piguet, couturier de l’époque. Replié dans le midi lors de la guerre, il ne retrouvera Paris qu’en 41 où il est engagé comme modéliste en compagnie de Pierre Balmain chez Lucien Lelong. Mais la rencontre avec Marcel Boussac, grand industriel du textile français, en octobre 46, est déterminante. Dior rêve de créer sa maison. Il accepte la proposition que lui fait Boussac. Le conte de fées commence. La première collection est présentée le 12 février 1947. Tout à coup, dans l’univers féminin, il y a révolution, féérie, une vraie féminité retrouvée. Les épaules sont rondes, les tailles marquées. La mode créée est une réelle “manifestation de foi”. Des milliers de femmes suivent le mouvement. Les couturières de l’époque réalisent les patrons des créations. La Haute Couture est propulsée. On assiste à une véritable démocratisation de la mode. L’influence de Dior a été bien au-delà des robes. “Dior a révolutionné la couture, comme les taxis de la Marne ont sauvé la France. “It’s such a New Look!”, affirme la rédactrice en chef de «Harpen’s Bazaar» à l’époque. Le «New Look» était donc né.

Mme Brigitte Lefebure, déléguée de Dior au Moyen-Orient, évoque le «New Look». A sa droite, M. Philippe Beuque, directeur régional du marketing. A sa gauche, Mlle Pamela Faddoul, vêtue d’une veste au célèbre cannage Dior. Au second plan, une écharpe déclinant toute la symbolique féminine chère à Dior: «La Parisienne».

SYNONYME DE LUXE ET DE COUTURE

Cinquante ans plus tard, le nom de Dior reste sans ride, synonyme de luxe et couture. L’héritage du grand couturier disparu en 57, a perduré. Yves Saint-Laurent, l’unique assistant qu’ait jamais connu Dior, sera à l’origine des collections pour 1957. Marc Bohan prend la relève en 1958 et devient directeur artistique jusqu’en 1988. Gianfranco Ferré lui succède en 1989. Ce sont ses dernières collections de prêt-à-porter et de haute couture féminins que Mme Lefebure commentera à la presse à l’hôtel Riviera. En noir glorieux de Dior, ou rouge profond, symbole d’énergie et de vitalité, la femme de Dior s’affirme, coquette, féline, impertinente, mutine, classique, mais avant tout et surtout féminine. On notera le retour de la robe chasuble, le côté masculin-féminin, rigueur-douceur, tradition-invention, la fantaisie, l’audace de certains imprimés écossais, l’abondance de tissu de certaines jupes, clin d’œil au «New Look», la recherche, le souci du détail heureux.

Ultime collection de Haute Couture Dior présentée par Ferré: «Passion indienne». Nadja Auermann est vêtue d’une robe à l’intéressant décolleté, ajustée et boutonnée sur le côté.

Le sac «lady Dior», vendu à 100.000 exemplaires l’année de sa création, en 95, est devenu depuis un «best-seller» dans la maroquinerie, décliné en agneau ou microfibre, en toutes tailles et divers coloris. La véritable apothéose demeure la dernière collection, de haute couture «Passion indienne», réalisée par Ferré et présentée au Grand-Hôtel à Paris. «Donner en des temps difficiles un peu de matière à rêver et offrir au monde un des derniers refuges du merveilleux», disait Dior. La collection de Ferré, coup de chapeau à l’Inde, fut sublime. Robes «soupir», robes «Saris», robes «cendre de rose» avec poignets en vison, écharpes brochées, lainage» rose «Goya» ou robes «fleur de lotus»… Le 9 décembre 96, une rétrospective-hommage à Dior aura lieu au «Metropolitan Museum» de New York en présence, notamment, de Bernadette Chirac et Bernard Arnault, à la tête de LVMH, principal actionnaire de la maison Dior. John Galliano sera le futur directeur artistique des créations du prêt-à-porter et de la haute couture féminins. Cet Anglais de 36 ans de mère espagnole, né à Gibraltar, s’est déjà distingué par une originalité certaine. Trois fois nommé «british designer of the year» - un record - il possède une remarquable culture de la mode et s’est souvent inspiré, dans ses collections, du «New Look» de Dior des années 50. Profil idéal à la porte de ce nouveau millénaire, bien entre tradition et modernité, pour déterminer l’image d’une femme bien réelle, dynamique, aimant la vie, le luxe et misant sur l’avenir. Voici venir le «New New look». Le rêve continue. La Haute Couture, c’est encore pour longtemps Dior et Paris.

NADA SKAFF.