EDITORIAL

Par Melhem KARAM

“NEW LOOK” DE RAFIC HARIRI

Quiconque a observé la dernière séance de la Chambre des députés a cru, une fois de plus, s’être débarrassé de la troïka... et évolué un pas de plus vers le sauvetage effectif. Comme si le mors avait été serré de manière à arrêter le mouvement dans le pays et que ce dernier a repris le mouvement après que le mors se fut relâché. Les élections municipales sont devenues possibles avec la carte électorale, laquelle serait prête dans un an pour les élections législatives. Cette carte a été entourée d’histoires ayant fait l’objet de légendes. La décentralisation administrative est sur le point d’être légalisée, de même que la réorganisation de l’administration, celle-ci étant reconnue par le chef du gouvernement comme l’une des causes de son échec, de l’échec de son Cabinet et de son... ère, «l’ère Hariri». Même le droit à la manifestation s’inscrit dans la limite du possible, car c’est l’un des droits de l’homme. Quant au barème des échelons et des traitements, il sera légalisé sur le papier, deviendra dû et reconnu, légalement, mais sans crédits. Tout cela est-ce parce que la troïka a pris fin? Et pourquoi sa fin n’a-t-elle pas englobé la loi sur les loyers qui a été prorogée? L’équation est donc claire au Liban: ou la troïka ou les institutions. Non, l’option est pour les institutions, si telle est l’équation, parce que la troïka a tout immobilisé. Elle a rassemblé trois personnes, chacune d’elles étant un président, son propre président. Car nul ne sait qui est le président de la troïka, laquelle a attribué à trois personnes l’autorité absolue, comme si le Liban était gouverné par le confessionnalisme, la troïka étant confessionnelle, chaque président se considérant le chef de sa communauté. L’Assemblée et le gouvernement sont devenus des services adoptant les décisions des communautés soumises au «président» de chacune d’elles. Les «présidents» des communautés soumises au «président» de chacune d’elles. Les «présidents» des communautés n’ayant pas accédé à la troïka ont été relégués au rang de «délégués secondaires» qui, à un certain moment, élisaient les députés au Liban. Hussein Darwiche et Girgis Tayyar faisaient partie des «délégués secondaires». Qui peut le croire? Le temps est le recours de la crédibilité, parce qu’il peut seul maintenir les désirs dans la case des souhaits et des ambitions. De temps à autre, la scène politique a besoin d’un coup de fouet, parce qu’elle est plongée dans la stagnation. Le fouet enflamme le dos qui bouge sous l’effet des coups et stagne, par la suite. Et le monde marche. N’est-ce pas ce que dit le chef du gouvernement? En toute simplicité, avec un peu d’apparente indifférence révélant des obsessions? Rafic Hariri dit que tout marche: l’action et la parole, celle-ci étant devenue ordinaire pour les gens. Ils écoutent la parole sans en être influencés. Peut-on en déduire que les gens voient les actes sans en être influencés? N’est-ce pas une élimination des gens dans l’équation haririenne? Ils ne sont influencés ni par la parole, ni par les actes. Comment donc le dernier coup de fouet les affectera-t-il... le fouet des promesses dont la Chambre des députés a été le dépositaire au cours de la semaine écoulée? Comment un responsable peut-il envisager les faits avec une telle désinvolture... sans s’intéresser aux gens, eux-mêmes indifférents à la parole et aux actes? Est-ce avec cette logique qu’on se dégage des «sables mouvants»? Les gens veulent critiquer le gouvernant, le contrôler et lui ré-clamer des comptes. C’est pourquoi, leur colère s’accroît quand ils voient le gouvernant les lire et les entendre, puis dire: Nous n’avons ni lu, ni entendu. Et ce que nous avons lu et entendu ne changera rien. Ceci est un nouveau «new look» pour les pays démocratiques, le «new look» de Rafic Hariri. L’obscurité durant une minute en prévision d’une lumière permanente produit un effet sur les gouvernants de Turquie. Et les manifestants en Europe orientale parlent d’un régime déchu et relatent les causes de sa déchéance. Les gens chez nous éteindront-ils la lumière, ne serait-ce qu’une minute... et auraient-ils le droit de manifester pour dire au gouvernant, ce qui est plus que la parole, à savoir que ce n’est pas le gouvernant dont le Cabinet donne satisfaction, comme disait Abou At-Tayeb Al-Moutanabbi? La question la plus importante reste la suivante: Qui était responsable de l’immobilisme... la troïka ou la situation délicate? La question est posée pour que les gens sachent ce qui a été éliminé pour entraîner l’immobilisme avec son élimination. La troïka ou la situation délicate? Le contrôle est gelé et la situation délicate perdure. Le temps proche, comme cela est censé être, dira si l’immobilisme a été contaminé par le mouvement, pour devenir mobile ou sujet au mouvement. La politique de la Chine est bloquée jusqu’au prochain congrès communiste. Parce que la politique chinoise a été depuis peu, pratiquement, à la merci d’hommes placés en soins intensifs. Car Deng Xiaoping était, lui aussi, aux soins intensifs. La politique de Hong Kong est, également, bloquée jusqu’à réintégrer la mère-patrie et le congrès communiste dans un an. Hong Kong revient dans quatre mois. Autrement dit, les deux délais sont connus là-bas. Chez nous, quel est le terme et quel est le délai? Nul ne connaît les horizons de la paix à venir, ni ne parie sur elle. La paix juste et globale est encore indéchiffrable, parce que la judaïsation de Jérusalem a commencé. Et parce que le chef du gouvernement d’Israël a promis de l’achever en déterminant son timing, au moment de la présence de Yasser Arafat à Washington. Peut-être que sa présence dans la capitale fédérale gèlera la colère palestinienne dans le jeu de la réaction contre la judaïsation. Comme si la course contre le temps avait débuté, parce que l’étape de la négociation finale va venir. Le fait accompli aura spolié ce qu’il aura pu du droit, lequel ne retournera que mitigé à ses ayants-droit, si jamais il retourne. Tout cela sous les cris de la France, en sa qualité d’avant-garde européenne et sous les cris de la capitale jordanienne désireuse d’adopter une position la ramenant à l’entente avec les Arabes éloignés les uns des autres.