LES EVENEMENTS DE LA SEMAINE

La mission de M. Hervé de Charette au Proche-Orient s’annonce difficile et malaisée, étant donné le climat tendu qui règne à Jérusalem, Beyrouth et Damas. Netanyahu menace le processus de paix en ayant décidé de construire un nouveau quartier juif dans le secteur oriental de la Ville sainte; en refusant d’évacuer le Golan, jugé d’un “intérêt stratégique” pour Israël et en posant une condition rédhibitoire pour se retirer du Liban-Sud.

MISSION MALAISÉE POUR DE CHARETTE AU PROCHE-ORIENT

M. Hervé de Charette, chef du Quai d’Orsay, a entrepris lundi dernier une mission au Proche-Orient ayant pour but de relancer les négociations de paix entre le Liban et la Syrie, d’une part, et Israël de l’autre. Le chef de la diplomatie française a entamé à Jérusalem, sa tournée qui le conduira par la suite, à Damas et Beyrouth. Sa tâche ne sera pas facile, ni de tout repos, loin de là. Dans la Ville sainte, la tension est à son paroxysme, suite à la décision du Cabinet israélien de construire un onzième quartier juif (Har Homa) dans la partie orientale, où six mille habitations vont être édifiées à l’intention des colons. Sans doute pour couper la voie à Yasser Arafat qui compte faire de Jérusalem-est la capitale de l’Etat palestinien. Or, Benjamin Netanyahu a rappelé dimanche qu’il s’opposait, catégoriquement, à un tel Etat et entendait “accentuer la présence juive en Cisjordanie et à Gaza et construire partout à Jérusalem, capitale indivisible et éternelle d’Israël.” Et d’ajouter, sous le ton de la menace: “Si quelqu’un s’avisait de proclamer un tel Etat (palestinien), il mettrait en danger tout le processus de paix; ce serait une très grave erreur.” Et la colonisation n’en est-elle pas une, plus monumentale? Abou-Ammar avait menacé samedi, au Caire, de proclamer unilatéralement un Etat palestinien indépendant, à titre de riposte à la décision de Tel-Aviv de construire un nouveau quartier juif dans la Ville sainte. Mais à Washington où il a été reçu par le président Clinton, le chef de l’Autorité palestinienne a émis l’espoir “de voir le chef de la Maison-Blanche empêcher l’application d’une telle décision.” Premier point d’acquis: le chef de l’Exécutif américain a dénoncé l’initiative israélienne et insisté sur la nécessité “de rétablir la confiance entre Palestiniens et Israéliens, afin de favoriser la reprise des pourparlers à la mi-mars sur le statut définitif de Gaza et de Cisjordanie.” Ceci étant et dans un tel climat, alors que les grèves de protestation s’étendent à tous ces territoires, M. de Charette pourrait-il faire entendre raison aux deux parties, lesquelles risquent d’arriver au point de non-retour? A Damas, le ministre français des Affaires étrangères trouvera un climat non moins crispé. En recevant avant son départ de Paris, MM. Abdel-Halim Khaddam et Farouk el-Chareh, respectivement vice-président et ministre des A.E. de Syrie, en tournée européenne, ceux-ci ont affirmé “qu’il n’y avait aucune raison d’être optimiste” étant donné l’esprit belliqueux et agressif d’Israël et son intransigeance à restituer le plateau du Golan. A Beyrouth, M. de Charette touchera du doigt le même sentiment auprès des responsables libanais, rendus plus sceptiques par les agressions quotidiennes de “Tsahal”, surtout depuis la collision de deux hélicoptères non loin de la frontière méridionale, accident qui s’est soldé par 73 tués parmi les militaires israéliens. Ici, surgit la question du retrait des forces israéliennes du Liban-Sud et de la Békaa ouest. Tel-Aviv pose comme condition préalable l’arrêt des opérations de la résistance. A la Knesset, Mordekhaï, ministre de la Défense, a soutenu que “la solution dans ce secteur ne peut être que politique”, sans expliciter davantage sa pensée. Quand il l’a reçu, mardi dernier au Caire, le président Hosni Moubarak aura mis Netanyahu en garde contre les fâcheuses conséquences de son projet relatif au nouveau quartier juif de Jérusalem-est, dont la plus grave serait le torpillage du processus de paix. Il reste à savoir si “Bibi” se sera laissé convaincre ou, plutôt, s’il est en mesure de faire marche arrière, au risque de susciter l’ire des “faucons” du Likoud et des partis religieux!

Avant de se rendre à Brasilia, où il a été reçu lundi par le chef de l’Etat et d’autres responsables brésiliens, S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir avait fait une halte à Sao Paulo où réside la plus grande communauté maronite. Dans cette ville, l’éminent prélat a réfuté l’allégation de ceux qui taxent ses ouailles de prostration et affirmé: “Regardez-les vivre ici: ce sont un symbole de fierté et n’aspirent qu’à vivre dans la dignité et l’indépendance.”

Mgr SFEIR À SAO PAULO: LES MARONITES NE SOUFFRENT PAS DE PROSTRATION...

S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir effectue depuis le début de la semaine une visite, qualifiée “d’historique” au Brésil où vit la plus grande communauté maronite. Au cours de sa première halte en terre brésilienne - Sao Paulo - le patriarche a effectué des contacts avec nos frères émigrés et célébré une messe solennelle en l’église Notre-Dame du Liban, en présence des représentants de toutes les communautés libanaises, tant chrétiennes que musulmanes, ayant une mission dans ce pays - continent. Sa Béatitude a dit qu’au cours de la guerre, la communauté maronite a ouvert ses églises, ses couvents et ses écoles pour accueillir les citoyens, toutes religions confondues, ayant été contraints à prendre le chemin de l’exode à qui elle a apporté une aide spirituelle et sociale. “Ainsi, dit l’éminent prélat, les Libanais ont pu se pardonner et se réconcilier, après avoir été séparés par les éléments stipendiés ayant semé parmi eux les germes de la zizanie et du confessionnalisme exécrable”. Et d’ajouter: “Tout maronite doit prôner l’amour du prochain, la solidarité avec ses frères et la paix... D’aucuns prétendent que les chrétiens du Liban et, en particulier, les maronites, sont affligés du mal de la prostration... C’est une allégation inexacte. Que ceux qui ne cessent de la répéter viennent au Brésil: ils constateront que les maronites ne sont nullement frappés d’un profond abattement. Au contraire, ils sont le symbole de la dignité, l’exemple de la fierté et n’aspirent qu’à jouir de la souveraineté et de l’indépendance”. Le cardinal-patriarche a pu prononcer son homélie dominicale à des milliers de kilomètres de la mère-patrie et être encore mieux entendu, portant la bonne parole et relevant le moral de ses coreligionnaires résidents et émigrés. D’ailleurs, avant de partir pour le Brésil, Mgr Sfeir avait conféré longuement au Vatican avec le président Rafic Hariri, à qui il a explicité l’état d’âme de ses ouailles du Liban et d’outre-mer et réaffirmé leur disposition à soutenir le projet de l’Etat, “à condition que le Pouvoir traite tous les citoyens sur le même pied d’égalité et cesse d’exclure certaines fractions politiques, en ne les empêchant pas de s’associer aux décisions vitales, surtout quand celles-ci engagent l’avenir de la patrie”. Il nous revient, d’autre part, qu’à la Cité du Vatican, M. Hariri a été informé du fait que “l’exhortation apostolique” confirmant les recommandations du synode pour le Liban, avait été, d’ores et déjà, rédigée dans sa forme définitive, le Souverain Pontife devant la rendre publique lors de sa visite au pays des cèdres les 10 et 11 mai prochain. Le chef du gouvernement a, d’ailleurs, bien spécifié, qu’il s’était rendu à Rome pour remercier le Saint-Père de sa visite et lui souhaiter, à l’avance, la bienvenue dans nos murs.

A la suite de l’arrestation de deux médecins nordistes, sous l’inculpation de négligence “pour n’avoir pas prodigué les soins à un garçonnet fauché par une voiture”, les Ordres des médecins de Beyrouth et du Liban-Nord ont rappelé l’importance de leur coopération avec la Justice. De plus, ils ont réitéré leur confiance dans la politique suivie par le ministre de la Santé (notre photo) lequel s’est engagé à équiper, dans les plus brefs délais, des unités d’urgence sur l’ensemble du territoire national.

SANTÉ: À QUAND LA «CARTE MÉDICALE» ET «D’HOSPITALISATION»?

Deux faits signalés au cours de la dernière quinzaine jettent, une fois de plus, la lumière sur la précarité des soins médicaux et la carence des hôpitaux où sont admis les patients et les personnes accidentées, dont l’état requiert un traitement d’urgence. Ainsi, deux médecins ont été maintenus pendant vingt-quatre heures en garde à vue; puis, élargis sous caution, sous l’inculpation d’avoir négligé un garçonnet admis dans un établissement hospitalier de Tripoli. Que reproche-t-on aux deux toubibs? Ils sont accusés «d’avoir omis de s’acquitter de leur devoir, en prodiguant les soins nécessaires à l’enfant», lequel devait succomber à ses blessures occasionnées par un accident de voiture. Aussitôt, l’Ordre des médecins a réagi, faisant assumer la responsabilité au ministère de la Santé, «parce qu’il n’assure pas aux hôpitaux du gouvernement les équipements adéquats pour traiter les cas d’urgence d’une manière efficace». «Ce qui, de l’avis de l’Ordre, dispensera les citoyens de s’adresser aux hôpitaux privés» (sic). Cependant, le président de l’Ordre des avocats du Liban-Nord fait assumer la responsabilité (dans le cas du petit accidenté) aux propriétaires des... hôpitaux privés. «Il est inconcevable, a déclaré le bâtonnier Georges Tok, qu’à l’orée du XXIème siècle, des personnes succombent en raison du refus de leur admission à l’hôpital ou par manque de soins» (resic). Et d’une. D’autre part, les téléspectateurs ont pu voir dimanche soir sur leur petit écran, dans le cadre du journal télévisé, des pères de famille (de la Békaa) fulminer contre des établissements hospitaliers qui refusent d’admettre les malades avant de percevoir, à l’avance, une partie des frais. L’un des plaignants a cité, nommément, l’hôpital gouvernemental de Maalaka (Zahlé), affirmant qu’il exige 50.000 livres avant d’admettre le patient. «De plus, ajoutait ce brave Békaaiote, nous devons assurer les médicaments non disponibles à l’hôpital». Autres détails fournis par ces mêmes concitoyens: les hôpitaux du gouvernement n’admettent que les personnes atteintes de typhoïde... Fait encore plus étrange: un médecin légiste (le Dr Fayçal Dalloul), s’étonne de ce que les établissements hospitaliers n’admettent pas les patients atteints d’une maladie virale... Nous rapportons ces faits sans critiquer qui que ce soit. Mais quoi qu’on dise ou pense, les Libanais ont le droit d’obtenir des assurances quant aux soins qu’ils sont censés recevoir dans les établissements, tant gouvernementaux que privés. A quand l’institution de la «carte médicale» ou «d’hospitalisation» au moyen de laquelle tout citoyen malade peut être admis d’urgence dans un hôpital, sans risquer de mourir faute de soins, par négligence ou pour n’avoir pas été admis faute d’argent? La parole est au ministre de la Santé, aux présidents de l’Ordre des médecins et du syndicat des hôpitaux privés... Eclaireront-ils notre lanterne?

ECHOS ET REFLEXIONS

“DÉCERTIFICATION”...

Une dépêche d’agence datée de Washington rapporte la liste que les USA publient, chaque année, des pays producteurs de drogue ou à travers lesquels s’opère la contrebande des stupéfiants. Le Liban et la Syrie figurent parmi les pays n’ayant pas reçu un “certificat de bonne con-duite” de l’administration amé-ricaine, qui ne les sanctionne pas à cause “des intérêts vitaux des Etats-Unis”. Washington, précise la même dépêche, maintient la “certifica-tion” du Mexique et préserve en même temps son statut “d’allié dans la guerre contre le trafic international de la drogue». En revanche, la capitale-fédérale retire sa “certification” à la Colombie pour la seconde année consécutive. Cet Etat d’Amérique latine est inscrit sur la “liste noire”, parce que ses narco-trafiquants se signalent par leur “activisme”. Il y a quelques jours, on apprenait que les cartels de la drogue s’ingénient à faire parvenir, au moyen des... pigeons voyageurs, les rations de cocaïne à leurs membres ou agents incarcérés à la prison de Boya. Le Liban, lui, ne cesse de coopérer à la lutte anti-drogue et a mis fin à la culture du haschisch dans la Békaa, contre une promesse formelle - qui n’a pas encore été tenue - d’aider à la remplacer par des cultures de rechange. Est-ce ainsi qu’on récom-pense notre pays, dont les agriculteurs békaaiotes laissent leurs terres en friche et vivent dans des conditions peu envia-bles, pour s’être trouvés dans l’impossibilité de les exploiter et de relever leur standing de vie? L’administration US a-t-elle renoncé à leur octroyer l’assis-tance promise et, à cet effet, invoque-t-elle le “manque de coopération” du Liban au combat contre la drogue, pour ne pas délivrer au Liban un “certificat de bonne conduite” et, aussi, pour ne pas lever l’interdit frappant les ressortissants américains dési-reux de venir chez nous?

Edouard BASSIL.