CANNES 97: C’EST PARTI!

PREMIÈRE DÉCEPTION: INGMAR BERGMAN DÉSIGNÉ PAR SES PAIRS POUR “LA PALME DES PALMES” REFUSE DE VENIR À CANNES


La présidente du jury, Isabelle Adjani saluant les invités lors de la cérémonie d’ouverture, en compagnie du directeur du Festival, M. Gilles Jacob.


Pour les 50 ans du Festival, le Grand Palais est habillé d’une toile monumentale en trompe-l’œil de 600 mètres carrés, créée par Catherine Feff, et représentant des personnalités marquantes de l’histoire du cinéma (Ingrid Bergman, Charlie Chaplin, Grace Kelly, Alfred Hitchcok, Federico Fellini...).

Le coup d’envoi du cinquantième Festival International du Film de Cannes a été donné avec éclat mercredi soir au palais des festivals, brillant de tous ses feux, en présence d’une foule d’officiels et de vedettes venus de tous les coins du monde. Un somptueux lever de rideau pour un super-festival - celui du cinquantenaire - de la plus prestigieuse manifestation cinématographique mondiale. L’honneur de déclarer ouverte cette Cinquantième édition du Festival de Cannes est revenu conjointement à Chiara Mastroianni et Bruce Willis qui ont prononcé la phrase rituelle respectivement en italien et en français (avec un accent américain pour Willis). La maîtresse de cérémonie, l’actrice française Jeanne Moreau, toute de rouge vêtue, a lu un message du ministre français de la Culture M. Philippe Douste-Blazy, empêché suite à l’agression dont il a été victime, il y a quelques jours, lors d’un meeting électoral à Lourdes. Puis, elle a rendu hommage au Septième art et à sa magie, en ces termes: “Les nuits du cinéma sont et seront innombrables tant qu’existeront l’imaginaire, l’amour, la vie et la liberté”. Elle a, ensuite, présenté les membres du jury et sa présidente l’actrice Isabelle Adjani toute de “grâce et de beauté”, alors que des extraits de ses films les plus célèbres étaient projetés, évoquant les étapes cruciales de la carrière de la belle actrice qui préside pour la deuxième fois le jury de Cannes. A son tour, Isabelle Adjani s’est présentée sur scène et visiblement émue, elle a remercié le Festival pour ce “très joli hommage” et a souhaité que le cinéma continue de “faire rire la liberté dans le monde”. Un des moments émouvants de la cérémonie a été la remise d’une nouvelle “Palme d’Or” à Michelangelo Antonioni pour remplacer celle remportée il y a trente ans, en 1967 avec “Blow Up” et qui lui a été dérobée l’année dernière. Il a été ovationné par une salle debout. Toute la cérémonie d’ouverture n’aura duré que 35 minutes s’achevant sur les rythmes tropicaux des balafons de l’ensemble de percussion du Sénégalais Doudou N’Diaye Rose, chaleureusement applaudi. Comme prévu, cette cinquantième édition cannoise sera d’une richesse exceptionnelle et groupera tout ce que le cinéma compte de célébrités qui vont se relayer sur la Croisette du 7 au 18 mai pour constituer le plus grand spectacle attractif jamais programmé. Il y aura là, gravitant autour de la présidente du jury, Isabelle Adjani, tout le gotha du Septième art et, en premier lieu, les vainqueurs (encore en vie) du palmarès de ce demi-siècle de compétition cannoise: Michelangelo Antonioni, Robert Altman; Francesco Rosi, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Emir Kusturica, Costa-Gavras, Wim Wenders, David Lynch, Jane Campion, Cheng Kaige, Quentin Tarantino... ainsi que les acteurs Robert de Niro, Kim Basinger, John Travolta, Gena Rowlands, Brooke Shields, Andie McDowell, Anjelica Huston, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale, Monica Vitti, Sophie Marceau, Catherine Deneuve, Michel Serrault, Hugh Grant, Bill Pullman, Victoria Abril, Demi Moore, Michael Jackson... Ce dernier présentera un clip qui a coûté la bagatelle de quatorze millions de dollars!


L’arrivée de l’équipe du film “Le Cinquième Elément” qui a ouvert le Festival. A partir de la gauche: l’acteur Bruce Willis et sa femme Demi Moore, le réalisateur Luc Besson et la vedette du film Milla Jovovich.


Cannes 97, c’est parti dans la liesse générale des grandes célébrations.

DE LA SCIENCE-FICTION POUR L’OUVERTURE
Au cours de la brillante soirée inaugurale en présence d’un parterre élégant de célébrités, a été projeté (hors compétition) le film de Luc Besson: “Le Cinquième Elément” avec Bruce Willis, Luke Perry et Gary Oldman. Une histoire de science-fiction qui oppose des bons et des méchants; elle se déroule en l’an 2362, quelque part dans la galaxie, dans une mégapole imaginaire, Flhoston, peuplée de créatures féroces, les mangalores. Bruce Willis joue le rôle d’un chauffeur de taxi volant et Gary Oldman celui d’un zombie maléfique. Le cinquième élément reste un mystère, les quatre autres étant l’air, la terre, le feu et l’eau. C’est le septième film de Luc Besson. Il est produit par Gaumont et Patrice Ledoux et constitue autant une aventure artistique que financière et a bénéficié d’un budget confortable de 90 millions de dollars. En apparence, “Le Cinquième Elément”, ressemble à un film américain. Pourtant, si Bruce Willis, Luke Perry et Gary Oldman sont les principaux héros de cette superproduction, le film est français dans toute sa conception, à l’exception des effets spéciaux réalisés à Los Angeles. Deux dessinateurs français de renom, Moebius et Jean-Claude Mézières, ont animé un atelier de création graphique durant un an à Paris, avec une dizaine de jeunes collaborateurs. Le tournage, assuré par une équipe technique française, a eu lieu dans les studios anglais de Pine Wood réservés à James Bond. Le couturier Jean-Paul Gaultier a conçu tous les costumes. Quant à la bande originale, elle a été composée par Eric Serra, le compositeur fétiche de Besson depuis le début de sa carrière.

VINGT-ET-UN FILMS EN COMPÉTITION
Dès le lendemain 8 mai, la compétition s’est ouverte avec vingt-et-un films en lice pour la “Palme d’Or” sur les vingt-huit films figurant dans la sélection officielle. Au décompte de la participation par pays, les USA arrivent en tête avec six films, suivis de quatre français, trois anglais, trois italiens, un canadien etc... Dans la répartition par continent, l’Europe domine avec douze œuvres devant le continent américain (7), l’Asie (3), l’Afrique (1) et l’Australie (1). C’est le film “Absolute Power” de Clint Eastwood qui fera la clôture, le 18 mai. Un des temps forts de cette grande fête du cinquantenaire sera le spectacle qui sera donné le 11 mai par Philippe Decouflé, agrémenté de feux d’artifice et de bals. Ce jour-là, en présence du président Chirac, et, éventuellement, du vice-président américain Al-Gore, une trentaine de “Palme d’Or”, d’acteurs, d’actrices, de réalisateurs primés à Cannes souffleront officiellement les cinquante bougies. Un seul grand absent: le réalisateur Ingmar Bergman, désigné par ses pairs pour recevoir “La Palme des Palmes” et qui s’est excusé de ne pouvoir venir à Cannes. Motif officiellement invoqué: la rédaction d’un livre. Toutefois, on invoque officieusement l’état dépressif du célèbre réalisateur suédois depuis la mort de son épouse. En désignant Ingmar Bergman (qui n’a jamais reçu de “Palme d’Or” à Cannes) pour “La Palme des Palmes”, ses pairs primés ont ainsi empêché le déroulement d’une compétition entre les films primés durant les cinquante ans d’existence du Festival comme initialement prévu. Et cela, au grand dam du président Pierre Viot et du délégué général du Festival Gilles Jacob. Celui-ci, chargé de la sélection officielle, a dû visionner pas moins de 860 longs métrages pour en retenir une vingtaine. Maintenant, c’est au tour du jury de faire son choix pour l’attribution de la “Palme d’Or” et des prix prévus au palmarès. Présidé par l’actrice française Isabelle Adjani, ce jury du cinquantenaire est composé de: Gong Li, actrice (Chine), Mira Sorvino, actrice (USA), Paul Auster, écrivain (USA), Luc Bondy, metteur en scène de théâtre (France), Tim Burton, réalisateur (USA), Patrick Dupond, danseur-étoile (France), Mike Leigh, réalisateur (Grande-Bretagne), Nanni Moretti, réalisateur (Italie), Mike Ondaatje, écrivain (Canada).

LE “DERNIER VOYAGE” DE MASTROIANNI À CANNES
Un hommage posthume sera rendu à Marcello Mastroianni à l’occasion de la projection de “Voyage au début du monde” de Manoel Oliveira, le dernier film auquel a participé l’acteur italien décédé le 19 décembre 1996, à l’âge de 72 ans. Il y tient le rôle d’Alfonso, un acteur qui pour les besoins d’un tournage, retourne dans le village où vivait son père soixante ans auparavant, accompagné du metteur en scène Manoel qui a grandi ici. Ce sont, ainsi, deux chemins, deux vies qui se croisent. Ce sera, aussi, le “dernier voyage” de Marcello Mastroianni à Cannes. Ce film donnera l’occasion à la profession tout entière réunie au Festival, de rendre un ultime et vibrant hommage à Marcello, le séducteur. Comme prévu, cette année Cannes bat tous les records: plus de 100.000 festivaliers, 4200 journalistes accrédités représentant 1571 médias de 71 pays. Ces chiffres parlent à eux seuls et sont éloquents. Et on peut dire, cette année plus que jamais: “Cannes n’est plus dans Cannes, puisque le monde entier y loge!”

JEAN DIAB


Home
Home