“BÉNI SOIT CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR”



“Un point imperceptible sur les mappemondes et sur les cartes, mais dans l’ordre spirituel un symbole de haute valeur. Son potentiel de guerre est nul, son potentiel de paix incalculable!” Voilà ce qu’est le Vatican. La visite que le Souverain Pontife effectue au Liban les 10 et 11 mai 1997 est considérée par l’ensemble du pays comme un événement historique. L’enthousiasme des lecteurs de “La Revue du Liban” laisse présager ce que sera l’accueil populaire réservé au 264ème successeur de Saint Pierre.

“LE PAPE COMBIEN DE DIVISIONS?”

Le Pape SS Jean-Paul II jouant à la pétanque. On raconte à propos de sport, que lorsque le Pape a demandé à faire installer une piscine dans les jardins du Vatican, Raymond Barre qui lui rendait visite lui a demandé: - «Mais cela va coûter très cher…» Et le Pape de lui répondre: - «Je ne peux pas me passer de sport, cela coutera toujours moins cher qu’un troisième conclave...»

Le Pape? L’homme le plus prestigieux du monde. C’est le chef de l’Etat le plus petit du globe (0,44 km2, ses frontières mesurent 4070 mètres), néanmoins sa juridiction spirituelle s’étend sur 1.060.000.000 (un milliard soixante millions) de catholiques disséminés aux quatre coins du globe. En moins de dix-neuf ans de pontificat, Jean-Paul II aura visité plus de cent-dix pays, dont certains tels la France, les USA, la Pologne et l’Italie (évidemment) plusieurs fois. Tant de fois annoncée, tant de fois reportée, cette visite que Sa Sainteté effectuera au Liban, comble un vide. Les Libanais se sentaient exclus... Qui est ce Pape, ce Saint-Père qui a bouleversé le monde, dans tous les sens du terme? Tout le monde connaît la phrase célèbre de Staline: “Le Pape? Combien de divisions?” ironisait le Soviétique. .... Tout le monde connaît aussi la réponse. Le Pape peut disposer de tous les fidèles du Catholicisme. La plus grande école de diplomatie, depuis la chute de l’empire romain, a été sans doute celle du Vatican. D’où vient cette prééminence reconnue même des incroyants et des non catholiques? Quelle en est la cause? Est-ce, comme le prétendait Talleyrand, la connaissance de la théologie qui donne plus de souplesse au raisonnement? Peut-être. Est-ce la direction des consciences, la discipline de la méditation? Qui sait? Ou la maîtrise de soi que confère l’habit religieux? Ou enfin le gouvernement d’une Eglise universelle dont il importe de concilier les tendances diverses, afin de maintenir les liens spirituels du monde entre les mains du vicaire du Christ? Les conclaves, les conciles ne sont-ils pas l’objet de négociations laborieuses, discrètes, souvent difficiles? Héritière de l’universalité, la diplomatie des papes a été la première à se manifester parmi les nations chrétiennes encore inconscientes de leurs destinées. Le Pape s’est trouvé ainsi à la tête d’une société des nations, confiée par la Providence à sa vigilance apostolique. Jamais de nos jours, l’Organisation des Nations Unies, n’a possédé de pouvoir aussi efficace.


1- Le petit Karol Josef et sa maman Emilia Kaczorowska. Cette photo est prise en 1920, quelques mois après sa naissance le 18 mai de cette même année.


2- Une des rares photos de Karol avec ses deux parents. Son père est en tenue militaire de l’armée polonaise. Photo datant de 1921.


4- Le Pape Paul VI remet la barrette de Cardinal à Mgr Wojtyla.


3- Pendant la guerre, l’université est fermée. Karol travaille comme ouvrier dans une usine.

L’IDÉE MAÎTRISE LA FORCE
En accueillant les aspirations des classes les moins favorisées, les moins riches, celles qui travaillent le plus; en se faisant sociale, la papauté est devenue plus agissante dans la conquête des âmes, plus évangélique pour gagner les cœurs et rapprocher le ciel de la terre. Puisque la nature est perpétuellement en action, les esprits éclairés ne se doivent-ils pas de surveiller les convulsions sociales qui, elles aussi, ont un flux perpétuel? Il importe de les diriger, car elles évoluent, s’altèrent ou s’améliorent. Pour se pencher sur ces problèmes, il fallait de l’audace. Jean-Paul II n’en manque pas. Il a réalisé avec force que vers la fin du XXe siècle, le progrès de la science tend à faire des êtres humains, des machines. Il a pris sans hésiter son bâton de pèlerin et s’est mis à sillonner le monde. Ce Pape dont la diplomatie active a bouleversé le monde est lui-même un ancien ouvrier. Dans son autobiographie qui a paru récemment, sous le titre: “Ma Vocation: Don et Mystère”, Jean-Paul II se dévoile. Il est né le 18 mai 1920 à Wadowice, dans une petite ville de huit-mille habitants située au sud-est de Cracovie. Sa jeunesse est semblable à celle de nombre de ses contemporains de l’époque.


Jean-Paul 1er recevant les félicitations
du Cardinal Wojtyla.

ORPHELIN À HUIT ANS
Jean-Paul II s’appelle à l’époque Karol Wojtyla. Il a un frère Edmond, plus âgé que lui de quatorze ans, et qui meurt en 1933. Un an avant sa Première Communion, il n’a pas encore neuf ans, il perd sa mère. En mai 1938, Karol passe brillamment son baccalauréat. Il s’inscrit à l’Université Jagellon pour suivre les cours de philologie polonaise. Il termine sa première année, lorsque la guerre éclate le 1er septembre 1939. C’est la Deuxième Guerre mondiale. Le 17 décembre 1939, la Pologne est rayée de la carte et partagée entre l’Allemagne et l’URSS. Cracovie est le siège du gouverneur nazi, Hans Frank. Les professeurs de l’Université Jagellon essayent bien de lancer la nouvelle année académique, mais les cours sont suspendus sine die le 6 novembre 1939. C’est ainsi que s’achève la période de sa vie consacrée aux études de philologie polonaise. Pour éviter la déportation aux travaux forcés en Allemagne, il commence à travailler en 1940, comme ouvrier à l’usine chimique Solvay. Les responsables de la carrière, tous polonais, s’efforcent d’épargner aux jeunes étudiants les travaux les plus durs. Karol poursuit en cachette ses activités théâtrales. En 1942, il décide d’entrer au séminaire de Cracovie qui fonctionne, aussi, dans la clandestinité.

SÉMINARISTE OUVRIER
Karol Wojtyla entre au séminaire de Cracovie où il commence ses études à la faculté de Théologie de Jagellon, clandestine et tout en continuant de travailler au grand jour, comme ouvrier chez Solvay. La préparation au sacerdoce que Karol a suivie au séminaire, a été en quelque sorte précédée par celle que la vie familiale lui a assurée. Surtout l’exemple de ses parents. “Ma gratitude, dit-il, va surtout à mon père, resté prématurément veuf. J’étais trop jeune quand j’ai perdu ma mère. Je n’ai pas clairement conscience de la part sûrement importante qu’elle a eue dans mon éducation religieuse. Après sa mort et, par la suite, après la disparition de mon frère aîné, je restai seul avec mon père, homme profondément religieux.” Karol peut l’observer dans sa vie quotidienne, fort austère. Militaire de profession, lorsque son père devint veuf, sa vie se transforma en une constante prière. Entre Karol et son père, ils ne parlent pas de vocation religieuse, ni de sacerdoce. Mais l’exemple paternel a été en quelque sorte le premier séminaire: une sorte de séminaire domestique. Avoir connu l’occupation nazie rend le jeune homme très humain. “En réalité, écrit-il, mon expérience n’a pas été celle d’un prêtre ouvrier, mais celle d’un “séminariste ouvrier”. Travaillant manuellement, Karol Wojtyla sait bien ce que signifie la peine de l’effort physique. Il côtoie tous les jours des gens qui peinent durement, gagnent leur pain, véritablement à la sueur de leur front et avec les engelures de leurs mains. Il connaît leurs milieux, leurs familles, leurs centres d’intérêt, leur valeur humaine et leur dignité. Il fait personnellement l’expérience de leur grande cordialité.

LA «LIGNE MARIALE»
Parlant des origines de sa vocation sacerdotale, Karol Wojtyla ne peut naturellement oublier la ligne mariale, l’influence qu’a eue sur sa vocation sa dévotion à la Vierge Marie. Dans l’église paroissiale, il se souvient d’une chapelle latérale, dédiée à Notre-Dame du Perpétuel Secours, où les élèves avaient l’habitude d’entrer le matin et souvent dans l’après-midi, à la fin des cours. En outre, à Wadowice, il y avait un couvent de Carmes sur la colline, dont la fondation remonte à l’époque de Saint Raphaël Kalinowski. Les habitants de Wadowice étaient nombreux à le fréquenter et cela avait rendu populaire la dévotion au scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel. Il le reçut vers l’âge de dix ans et devenu Pape, il continue jusqu’aujourd’hui à le porter. Se trouvant à Cracovie, il entre dans le groupe du «Rosaire vivant». Il était convaincu que le Christ nous conduit à sa mère, mais aussi que Marie nous conduit au Christ. Karol comprend, alors, le pourquoi de la récitation de l’Angélus trois fois par jour. Sa dévotion à la Vierge Marie s’en trouve fortifiée. Il comprend l’origine du «Totus Tuus». L’expression est de Saint Louis Marie Grignion de Montfort: C’est l’abréviation de la forme plus complète de la consécration à la Mère de Dieu qui est: «Je suis tout à toi et tout ce qui est à moi est à toi. Je te reçois dans tout ce qui est à moi. Prête-moi ton cœur, Marie».

SOUS LE REGARD DE NOTRE-DAME DU LIBAN
Jamais choix du site de la Nonciature Apostolique de Harissa, n’aura été plus propice. Connaissant désormais la dévotion du Saint-Père à la Vierge, qu’est-ce qui aurait pu lui faire plus de plaisir que de dormir sous le regard bienveillant de Celle qu’il vénère? Karol Wojtyla perd son père le 18 février 1941. Cela aussi joue un rôle important dans sa vie. Quand il rencontre les jeunes dans le monde entier, sa tendresse va en premier lieu à ceux qui ont perdu un de leurs parents ou les deux à la fois. Il se sent particulièrement proche des enfants qui ont, comme lui, vécu la souffrance de perdre un être si cher à un âge si tendre. L’ordination du jeune homme a lieu un jour inhabituel: le 1er novembre 1946. C’est la fête de la Toussaint. Cette date est retenue, car Karol doit quitter immédiatement pour Rome. Il est ordonné seul dans la Chapelle privée des archevêques de Cracovie.

UNE
«première messe»: triple Ordonné prêtre en la fête de Tous les Saints, Karol Wojtyla célèbre sa «Première Messe», le jour des Morts, le 2 novembre 1946. Ce jour-là, tous les prêtres sont en droit de célébrer pour le bien des fidèles trois messes. C’est ainsi que la «Première Messe» du futur Pape a été triple. Cette expérience a été d’une intensité unique. Le jeune prêtre célèbre les trois messes dans la crypte de Saint Léonard, de la cathédrale du Wawel à Cracovie. Les rois polonais reposent dans la crypte de la cathédrale du Wawel et c’est dans la cathédrale qu’ils sont couronnés. Par la suite, Karol Wojtyla ne manque pas une occasion de visiter la crypte de Saint Leonard. Combien il aurait aimé célébrer la messe à l’occasion du cinquantième anniversaire de son ordination! Mais ce jour-là, le Pape Jean-Paul II était occupé ailleurs, en raison de force majeure. Après deux ans à Rome, le prêtre Karol Wojtyla, retourne fin juillet 1948 en Pologne. Durant ces deux années dans la Ville Eternelle, Karol Wojtyla se plonge intensément dans la connaissance de cette ville: la Rome des catacombes, la Rome des Martyrs, la Rome de Pierre et Paul, la Rome des confesseurs n’a plus de secrets pour lui. A son retour en Pologne, sa foi s’est affermie, sa culture théologique s’est enrichie; à Rome, son expérience a pris une dimension européenne et universelle.

IL défie la terreur stalinienne Après les deux années passées à Rome, où il a suivi les cours de l’Angelicum (Université des Dominicains), Karol Wojtyla commence à maîtriser parfaitement l’italien, le français et l’anglais. Nommé vicaire de la paroisse de Niegowic (à 25km de Cracovie) la Pologne vit en pleine terreur stalinienne. Pourtant, le jeune vicaire (il vient d’avoir 28 ans) décide et entame la construction d’une église neuve. En 1949, il est transféré à la paroisse de San Florian en Cracovie. Il est chargé de la catéchèse dans les classes supérieures du lycée et de la pastorale des étudiants de l’université. Il a son franc parler et ne se laisse pas intimider par les militants communistes. Pendant les vacances de 1951, l’archevêque du diocèse de Cracovie l’oriente vers le travail scientifique. Il doit se préparer à l’enseignement de l’éthique et de la théologie morale. Les deux systèmes totalitaires qui ont marqué tragiquement le XXe siècle: le nazisme d’une part et le communisme d’autre part, avec son régime d’oppression et de terreur; Karol Wojtyla les a bien connus, même de l’intérieur. On comprend donc son attachement profond à la dignité de toute personne humaine et au respect de ses droits, à commencer par le droit à la vie. Le 28 septembre 1958, il est sacré évêque et le 13 janvier 1964 archevêque de Cracovie; le 26 juin 1967, le Pape Paul VI remet à l’archevêque de Cracovie la barrette de cardinal dans la salle «dei Paramenti» près de la Chapelle Sixtine. Le futur cardinal s’était fait remarquer par ses interventions sur la liberté religieuse lors des quatre sessions du Concile Vatican II. Paul VI qui l’appréciait beaucoup et souhaitait le faire connaître, le fit prêcher les vingt-deux sermons du Carême, lors de la retraite de la Curie en 1976. Toujours en 1976, le cardinal- archevêque de Philadelphie aux USA, Mgr Krol, lui-même d’origine polonaise, convie le cardinal et d’autres évêques de son pays au congrès eucharistique américain. L’archevêque de Gracovie y prononce un sermon sur l’absence de liberté religieuse à l’Est.

PENSEUR ET SPORTIF
De 1948 à 1978, pendant les trente années de sa vie ecclésiastique en Pologne, le futur Pape a toujours su gérer son temps. Il a toujours pu concilier les méditations avec les détentes sportives, aux environs de Cracovie. L’hiver, ce sont les excursions à ski autour du couvent des Ursulines à Zakopane, dans les Monte Tatras, tout près de l’actuelle frontière slovaque. L’été, ce sont les longues randonnées pédestres ou cyclistes au sud de Cracovie. Ces escapades sportives lui donnent l’occasion de rencontrer jeunes et moins jeunes et pendant la période stalinienne, c’est un bon moyen d’échapper à la surveillance des autorités, pour enseigner et parler plus librement. C’est au cours d’une sortie en Kayak, qu’il apprendra par la radio son accession à l’épiscopat.

LE PAPE VIDE TOUTES LES ÉGLISES DE POLOGNE
La mort soudaine du Pape Jean-Paul 1er, le 28 septembre 1978 surprend la Chrétienté. Elu le 6 août 1978 au trône pontifical après la mort de Paul VI et au cours d’un conclave très bref, Albino Luciani qui prend le nom de Jean-Paul 1er n’aura exercé ses fonctions que trente-trois jours. Son successeur est le cardinal polonais, Karol Wojtyla qui a été élu le 16 octobre 1978 et a pris le nom de Jean-Paul II. Le 22 octobre 1978, le 264ème successeur de Saint-Pierre, l’archevêque de Cracovie, 58 ans, monte sur le trône sous le nom de Jean-Paul II. Pour la première fois depuis 455 ans, un pape non italien a été élu. Ecrivain, philosophe, polyglotte, sportif, son extraordinaire chaleur humaine a balayé les réticences d’une Italie dont il possède parfaitement la langue. Paradoxe: le matin de son intronisation, le Pape Jean-Paul II réussit, ce que trente-trois ans de régime communiste n’avait pu obtenir: vider les églises polonaises le dimanche. La raison? Pour la première fois, la TV diffuse une cérémonie religieuse et toute la Pologne, est face au petit écran pour voir “son pape”.

EN L’AN 2000, UN CATHOLIQUE SUR DEUX SERA LATINO-AMÉRICAIN
Le 26 janvier 1979, Jean-Paul II entreprend son premier voyage à l’étranger. Il a choisi le Mexique. “L’avenir du Catholicisme se jouera en Amérique latine.” Constatant qu’en l’an 2000, un catholique sur deux sera latino-américain, Jean-Paul II a choisi de se rendre au Mexique, car c’est dans ce pays, à Puebla, que s’ouvre à cette date la troisième conférence de l’épiscopat sud-américain réunissant neuf cents évêques. A Notre-Dame de Guadaloupe, partout où se rend Jean-Paul II c’est une foule en délire qui l’acclame. Le monde entier a les yeux tournés vers ce pape peu ordinaire qui commence le premier de ses “pèlerinages” dans un pays non seulement laïc, mais anti-clérical, n’entretenant pas de relations diplomatiques avec le Vatican. Le Mexique suivait, alors, la Constitution de 1917: les religieux n’avaient pas le droit de vote, ni celui de participer à l’impôt. Il leur était interdit de porter la soutane et s’ils osaient célébrer une messe en plein air, hors de l’Eglise, ils étaient soumis à une forte amende. Or, le Mexique après le Brésil, est le second pays catholique du monde. A la veille de l’arrivée du Pape, certains journaux n’avaient pas manqué de le rappeler en opposant la Constitution à la visite du Saint-Père et en se demandant malicieusement, si le gouvernement devait autoriser Jean-Paul II à voyager en soutane au Mexique, ou s’il serait soumis à l’amende prévue par la loi. Pourtant, le Mexique a réservé un accueil inoubliable au Saint-Père. Le jour de son arrivée, le président mexicain, José Lopez Portillo, était présent avec son épouse et tous deux attendaient tout simplement le Pape au pied de la passerelle de l’avion. Après avoir salué son prestigieux hôte, le président mexicain lui dit: “Soyez le bienvenu à Mexico. Que votre mission de paix, de concorde et les efforts de justice et de paix que vous déployez soient couronnés de succès. Je vous laisse entre les mains de la hiérarchie et des fidèles de votre Eglise, pour le bien de l’Humanité”. Puis, le président mexicain, se souvenant que le Mexique n’avait pas de relations diplomatiques avec le Vatican, quitte avec discrétion l’aéroport, sans cortège ni tralalas.

LE RETOUR DU DIVIN
Si le premier voyage du Pape a été un événement mondial, le second le fut encore davantage. La visite de S.S. Jean-Paul II en Pologne, le 2 juin 1979, déclenche un enthousiasme extraordinaire dans son pays natal et à l’étranger. La Pologne est sous contrôle communiste, mais ce qui caractérisa avant tout les belles journées du retour en Pologne du pape polonais a été l’absence totale de la police, de l’armée et de toutes les autres forces de l’ordre gouvernementales. La sécurité était assurée par le service d’ordre organisé par l’Eglise, composé de volontaires, disposant comme seule arme d’un insigne arborant le blason papal. La Pologne est restée calme, aucun incident à signaler. Un million de personnes ont communié ce jour-là: “Vive le Pape”, “Vive Notre Pape”... C’est ce jour-là que la Pologne s’est vraiment libérée du joug communiste, même s’il restait beaucoup encore à faire. Une joie débordante, des fleurs, des cierges allumés, tout le gouvernement polonais au complet avec le chef du parti Edward Gierek à sa tête, accueillent le St-Père à son arrivée et le saluent à son départ. Une croix géante plantée sur la Place de la Victoire résume fort bien la situation. Le chef de l’Etat, M. Jablonski se trouve là pour les souhaits et la cérémonie de l’adieu. Il donne l’accolade à son illustre hôte tout aussi ému que le Pape. Des millions de Polonais l’acclament. Le mur du communisme est sévèrement craquelé. C’est là que le Souverain Pontife a lancé son célèbre “Vivez dans la Vérité”.

“N’AYEZ PAS PEUR”
Les premiers mots du Pape Karol Wojtyla après son élection, s’adressant à la foule venue l’acclamer, ont été: “N’ayez pas peur”. Ce sont les premiers mots prononcés du balcon de la basilique Saint Pierre à Rome. Il était convaincu, face au monde de l’incroyance et à tous les défis de la société de la nécessité de recréer la fierté d’être catholique. Et il s’y est employé sans répit, se dépensant sans compter, parcourant des centaines de milliers de kilomètres, visitant plus de 115 pays. “Experte en humanité”, l’Eglise devait se tenir sur tous les fronts pour conseiller les dirigeants, enseigner les peuples. En 1978, le Vatican entretenait des relations diplomatiques avec 110 pays. En 1996, elle a des représentants dans plus de 175 capitales.

L’ÉGLISE SOUTIENT LA CAUSE DES PAUVRES
Avant Jean-Paul II, le Pape Paul VI avait fait la même déclaration. Bien que juridiquement séparés, l’Eglise et l’Etat se regardent en face, se reconnaissent pour ce qu’ils sont et se mettent ensemble au travail... ... “C’est parce qu’aujourd’hui plus que jamais, chacune des deux sociétés ayant fondamentalement besoin de l’autre, qu’elles se tendent la main... Telles sont l’origine et la signification du nouveau style de relations entre les sociétés temporelles, chacune jouant franchement son rôle au service du bien-être de l’homme total.” Plus tard, Jean-Paul II reprenant à son compte les orientations de ses prédécesseurs, dira: “L’injustice règne quand les nations accumulent les richesses et vivent dans l’abondance, alors que d’autres ne peuvent offrir à la majorité du peuple, des biens de première nécessité. “L’injustice règne quand, dans la même société, de petits groupes conservent la plupart des richesses et du pouvoir, alors que de larges couches de la population ne peuvent fournir à leurs familles des conditions de vie décentes, même au prix de longues heures de pénible travail en usine ou ailleurs. “Consciente de telles situations, l’Eglise n’hésitera pas à soutenir la cause des pauvres et à devenir la voix de ceux qui ne sont pas entendus quand ils parlent, non pour réclamer la charité mais pour demander la justice”. Tel est ce Pape que le Liban attend avec impatience. Les Libanais en chœur lui répètent: “Soyez le bienvenu, vous êtes ici chez vous”.

M.A.Y.


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