Par ALINE
LAHOUD..
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BÉNI SOIT CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR |
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Le pape a eu tort de vouloir venir au Liban sans en avoir demandé la permission à cheikh Saïd Chaabane. Car si Jean-Paul II a hérité des clés du Royaume, que le Christ a remis il y a 2000 ans à Saint Pierre, lui, Saïd Chaabane, en vertu des pouvoirs que le ridicule et l’intolérance lui confèrent, détient celles de la républi-que. N’y entrent que ceux qui ont obtenu un visa de cheikh Saïd et lui ont fait acte d’allé-geance. M. Chaabane n’est pas content. Mais pas content du tout. Il veut que le pape lui fasse des excuses pour toute sorte de méfaits commis par le Vatican. Entre autres de re-connaître Israël et d’accorder audience à son Premier mi-nistre. Oubliant sans doute ou faisant semblant d’oublier que bien avant le Saint-Siège, des musulmans bon teint - sunnites de surcroît-ont reconnu l’Etat hébreu et ont serré leurs Premiers ministres dans leurs bras. De plus, il faut, paraît-il, que le pape - usant de la terminologie iranienne - proclame qu’Israël est le “Grand Satan” et “corrompus de la terre” quiconque parle du redéploie-ment des forces syriennes. Il ne resterait plus au Saint-Père qu’à sortir des fatwas dans le genre de celle de Selman Ruchdy et de rem-placer le vin (alcoolisé) de la messe par du jus de tomate. Sinon, comme nous l’annonce si gentiment cheikh Saïd “ni baba, ni mama...” En outre, pour faire bonne mesure, le cheikh en question a mis en garde contre la transformation du Liban en une seconde Algérie. Comprendre: massacres en série, car-nages à coups de fourches et de pioches dans le ventre des femmes enceintes, égorgement des enfants avec des couteaux de cuisine. Sans compter les voitures piégées, le mitrail-lage aux armes lourdes et toute la panoplie du parfait terroriste. Que craint donc Saïd Chaabane? A-t-il peur que le pape vienne lui disputer l’émirat des bas-fonds de Tripoli? Quant à Walid Joumblatt (qui s’en voudrait de rater une aussi belle occasion), il se montre soucieux de l’évolution de l’espèce, en l’occurrence l’espèce maronite et souhaite que le Saint-Père la sorte du Moyen Age. Cela ne peut provenir - connaissant Walid bey et ses diverses options - que d’un bon sentiment. Mais si les maronites ont au moins le pape pour les sortir du Moyen Age; lui, qui l’en sortira? Qui l’aidera à atteindre à la fois le seuil du XXIe siècle et l’âge de raison? Et à propos de raison, quelle est celle qui a poussé le nonce à tenter de minimiser la visite papale? A quoi tendait cette politique de rasage des murs? Etait-il concevable que le chef de plus d’un milliard de catholiques, chef d’Etat de surcroît, ne soit reçu que par un directeur de protocole, si grande que soient notre amitié et notre estime pour l’ambassadeur Haïmari? A un journaliste qui lui demandait si la visite de Jean-Paul II était à connotation politique ou simplement pastorale, le nonce avait répondu: “C’est plutôt une escale tech-nique”. Est-ce à dire que le pape qui prend un vol direct Rome-Beyrouth, Beyrouth-Rome, ne vient au Liban que pour faire le plein d’essence? C’est à se demander si pour faire mieux dans le genre “nom commun masculin singulier”, Mgr Puente n’aurait pas souhaité voir troquer la soutane blanche du pape contre un manteau couleur de muraille. Finalement, le comportement sujet à caution des uns et des autres, le silence frileux des instances musulmanes face au fanatisme et à la bêtise d’un Saïd Chaabane, les parasites qu’émet régulièrement Walid Joumblatt qui adore jouer à la mouche du coche, ne pèsent pas lourd face à cette visite qui reste, avant tout, un acte de foi et d’amour. |