Chronique


Par José M. LABAKI.

JEAN-PAUL II AUX LIBANAIS: BÂTISSEZ LE LIBAN DE DEMAIN

Et le Pape d’ajouter: “Le Liban est plus qu’une patrie, c’est un message.” Certes, jamais, visite pontificale n’a fait couler tant d’encre, susciter tant de remous et de surenchères, ni agiter de mauvaises consciences, dans un paysage politique non des moins tourmentés. Il a fallu que ce soit lui, le Pape résistant et batailleur, pour braver tous ces défis et faire taire les mauvaises langues, pour scander haut et fort, à tout bon entendeur, que l’Eglise de Rome tient depuis des siècles le Liban dans ses bras, et que pour rien au monde, elle ne renoncerait à cette charge, malgré les risques, les craintes et les méfiances de toutes parts. Le Pape viendra au Liban, porteur d’un message qu’il transmettra à tous les Libanais de tous bords, d’un appel à la concorde, à la convivialité, loin de toute hégémonie d’où qu’elle vienne sans plus. Nul autre que Jean-Paul II, aurait réussi à mettre ses con-testataires de par le monde à quia et convoquer avec la vaillance qui le caractérise, un Synode pour le Liban, invitant Chrétiens et non-Chrétiens à une autocritique, à une réflexion sur les erreurs passées et à bâtir ensemble le Liban de demain. Par ailleurs, le document pontifical incite les Chrétiens du Liban à tous les niveaux, à un examen de conscience, à des initiations œcuméniques concrètes, à une récapitulation de tous les égarements commis au cours du dernier millénaire, une exhortation à une réforme fondamentale au niveau ecclésial, en réponse aux multiples exigences d’un millénaire peu clément à l’égard des retardataires.

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Nous sommes à l’école de Jean-Paul II, hanté par la crise de la Foi dans la société moderne, où le nihilisme, le cède au sectarisme. Toutefois, pour nommer les choses par leur nom, si les Libanais, toutes tendances confondues, ne purgent pas leur mémoire des conflits meurtriers dont ils furent les victimes; s’ils ne renoncent pas aux violences et aux débats fallacieux et inutiles; s’ils ne se deman-dent pas pardon et ne se l’accordent pas mutuelle-ment, qui le fera à leur place? Sans une allégeance définitive au Liban, comment comptent-ils retrou-ver leur souveraineté et leur identité, toutes deux mises à l’encan? Dans les démocraties modernes et ambitieu-ses, toutes les parties font appel au volontariat pour corriger les effets négatifs d’une logique guerrière, cruelle pour tous. Cette tâche, n’est pas le monopole des églises, dira le Pape, mais elle ne se fera pas sans elle, ni bien sûre contre elle. L’injonction à la charité, à la justice et à la liberté émanant de la tradition biblique, ne menace pas les sociétés pluralistes que connaît aujourd’hui l’Occi-dent, la nôtre comprise, bien au contraire, elle y apporte une contribution enrichissante et irremplaçable. Si les démocraties, la nôtre incluse, ne reconnaissaient pas à cette tradition sa légitimité, elles se priveraient indubitable-ment d’une source de vérité essentielle et feraient violence à la citoyenneté, diminuant ainsi de leur propre gré toutes les chances de se réaliser elles-mêmes. Aux Libanais, Jean-Paul II dira entre autres: chaque nation croyante incorpore à son identité une part du message divin. Pour sa part, la Catholicité est allée plus loin. Elle a suscité et maintenu l’ouverture à l’universalisme, à l’universalité de chaque culture nationale, - le Liban étant pluriculturel par excellence, - et de chaque église en particulier, même dans les pires conditions et les persécutions les plus agressives et les plus accablantes. L’Eglise qui a accompagné sans relâche l’évolution de la crise du Liban, a beaucoup à dire et à faire, elle ne cesse d’œuvrer en faveur de sa souveraineté et de son indépen-dance, pour la sauvegarde de ses valeurs identitaires, loin de toute ingérence, aussi bienveillante soit-elle! Aussi sommes-nous convaincus que les objectifs du Synode pour le Liban, bien qu’ils incarnent la mission de l’Eglise, sa restructuration, sa vie et son efficience, son rôle constant dans le salut des fidèles à sa charge, ils doivent aussi renforcer l’unité et la liberté du peuple qu’elle administre et que toute réforme dans ses structures aura pour conséquence un immense progrès dans l’Etat, même à tous les niveaux. Cependant, conscience oblige de rétablir ici en toute loyauté, la vérite: jamais les Chrétiens du Liban ne se sont trouvés dans une situation aussi compromettante, en quête de chefs éclairés pour l’affronter. Il leur paraît redoutable et même impensable, au moment le plus crucial de leur histoire, d’être acculés à la résignation, comme si de rien n’était. Quelles que soient les ordonnances papales, les encycli-ques, les messages et les exhortations, ils ont tous la même valeur, même s’ils n’ont pas le même intérêt. Il est vrai que les papes n’ont pas tous le même charisme, on les découvre saints, réformateurs, œcuméniques ou batailleurs; cependant, ils sont tous aimants. A chaque fois, la voix sereine du Pape, montre la voie aux nations en désarroi et à la dérive; à une humanité en détresse, elle apporte les grandes règles de la Justice et de la Charité. Aux législateurs et aux gouvernants désabusés, elle offre la solution adéquate et permanente. Jean-Paul II, aime le Liban, dans la paix comme dans la peine. Le Synode auquel il a convoqué épiscopat, clercs et laïcs, est une ordonnance pour un peuple en difficulté. Il est, de plus, une invitation essentielle à un renouveau de l’Eglise et du peuple qu’elle administre, sous le signe de la concorde, de la paix et de la fraternité. Quoiqu’il en soit, l’histoire le retiendra comme un Pontife extraordinaire, à l’instar de Grégoire VII, Pie IX et Pie X ayant consacré toute leur vie à rassembler les hommes, otages de certains marchands d’idées théologales et politicardes. Très Saint Père, soyez le bienvenu sur cette terre bénie, il y a deux mille ans, par le Christ, heureuse aujour-d’hui de vous accueillir en mes-sager de paix et de réconfort. Puisse votre voix être en-tendue, surtout, et d’abord bien interprétée!


“Au Liban, le Pape trouvera une vieille chrétienté qui subit, comme tant d’autres les contre-coups de la civilisation du monde actuel, même si elle ne paraît pas toujours revêtir une égale acuité.”

Jean Salem (Le Saint-Siège et le problème du Liban)


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