DÉPUTÉ (PSNS) D’ALEY

ANTOINE HITTI:

“MA PATRIE EST LA SYRIE NATURELLE ALLANT DU TAURUS AU DÉSERT ARABE ET BORDÉE PAR LA MÉDITERRANÉE”

Notre seconde rencontre en l’espace de quelques mois, depuis son élection aux dernières législatives, n’a pas été moins intéressante que la première, d’autant qu’elle a porté sur les problèmes de l’heure. Médecin de profession, le Dr Antoine Hitti, membre du Parti social national syrien (ex-PPS), s’est trouvé en permanence dans la mêlée, son activité professionnelle ne l’ayant pas empêché de suivre de près l’évolution de la vie politique. Notre première question a porté sur la visite du Souverain Pontife, puisque notre entretien a eu lieu la veille de l’arrivée du Saint-Père et notre interlocuteur a émis cette réflexion: “Je souhaite que la visite papale ne déborde pas le cadre spirituel. Rien ne me fait peur ni ne me tracasse, mais il existe chez nous des personnes qui ont tendance à pêcher en eau trouble, car la situation politique ne s’est pas encore stabilisée”.

LE CHRIST ET ISRAËL
- Sa Sainteté est au courant de tout et ne se laisse influencer par personne.
“C’est exact, mais certaines fractions auraient pu exploiter, politiquement, la visite papale à des fins personnelles, à l’effet de disloquer la société libanaise que nous nous soucions de prémunir contre tout germe de division”.

- D’aucuns se sont formalisés d’une déclaration du Pape Jean-Paul II dans laquelle il a dit que le Christ était d’ascendance israélite...
“Une telle assertion a besoin d’être clarifiée. En effet, le Christ était originaire de Syrie (Bilad Ach-Cham). Il s’exprimait en araméen et en syriaque. De plus, il n’avait avec Israël aucun lien de sang, de religion ou de pensée”. - Mais le Saint-Père ne se trompe pas... “Dans les questions de nature religieuse, oui”.

POLITIQUE ET MÉDECINE
- La médecine est une mission, alors que la politique est faite de tactique et de manœuvres: comment avez-vous pu les concilier?
“En tant que membre du PSNS, j’ai une mission à accomplir: j’exerce la profession médicale en vue de guérir les malades et je m’adonne à la politique à l’effet d’éradiquer les maux de caractère social. “Nous nous trouvons donc en tant que membres du parti, en confrontation directe avec les maladies corporelles et les tares sociales, œuvrant en vue d’instaurer une société saine et heureuse”.

- Avez-vous atteint votre objectif? “Je crois que notre peuple est en mesure, aujourd’hui, de distinguer ses amis de ses ennemis. Ne dit-on pas que quiconque s’engage dans la bonne voie, atteint son objectif?
Qui marche dans la lumière peut éviter l’obscurité et ne pas se fourvoyer dans des voies dangereuses”.

- Au cours de notre première entrevue, vous aviez dit que le PSNS rencontrait, chaque fois un nouvel obstacle, après avoir surmonté une difficulté...
“Nous ne cessons de faire face aux difficultés, après avoir surmonté d’autres entraves. En réalité, la vie est une lutte permanente; elle n’a donc pas de fin”.

POUR LA “SYRIE NATURELLE”...
- Vous vous considérez comme un député libanais dans la “Syrie naturelle”. Comment expliquez-vous cela?

“Il existe des frontières artificielles dans la “Syrie naturelle”, définies par l’accord Sykes-Picot. La vérité est différente, en ce sens que les frontières du Liban lui ont été imposées...”

- Et si le peuple libanais les a adoptées d’une manière définitive?
“Je ne crois pas qu’il souscrit à la volonté de l’étranger. Un jour viendra où le peuple prendra conscience de cet état de choses et modifiera son attitude sur ce point. Nous devrions, alors, ramener la patrie à sa situation naturelle. Nous respectons la volonté du peuple et nous nous employons à ramener la partie au tout”.

- Le “Croissant fertile” est-il une réalité et une force? “Il peut changer le cours de l’Histoire”.
- Vous œuvrez donc en faveur de l’unité avec la Syrie? “Et avec les autres “provinces syriennes”.

- Où en êtes-vous arrivé à présent?
“Nous approchons de la fin”.

- Pourtant, bien des problèmes restent posés...
“Ce ne sont que des questions d’ordre intérieur que nous nous efforçons d’éliminer”.

...ET UNE SOCIÉTÉ NON CONFESSIONNELLE
- Quel est votre programme d’action au plan social?
“Nous avons réussi dans une large mesure à instaurer une société non confessionnelle et continuons à œuvrer aux fins de mieux déterminer la ligne à suivre face à l’ennemi, en le distinguant de l’ami”.

- Si vous n’étiez pas membre du PSNS, auriez-vous accédé à la Chambre des députés?
“Justement, j’y ai accédé parce que je suis membre du parti et à aucun moment, il ne m’est venu à l’esprit de troquer le PSNS contre une autre formation politique. Ma présence sous l’hémicycle exige de moi d’assumer une lourde charge dont je m’acquitte en conformité avec le plan élaboré par le parti et, surtout, par son bloc parlementaire”.

PRÉOCCUPÉ PAR LES BESOINS DE MA CIRCONSCRIPTION
- Vous consacrez, sans doute, beaucoup de votre temps et de vos activités pour rendre service à votre circonscription?
“Certainement, d’autant qu’Aley a besoin de beaucoup de choses: son réseau téléphonique est lamentable, ses routes vicinales sont dans un piteux état, de même que son réseau pour la distribution de l’eau potable. “Ce qui m’exaspère, c’est le fait de toucher du doigt ses besoins, alors que les possibilités financières et autres sont limitées. Les responsables des différents organismes publics auprès desquels j’entreprends des démarches, se contentent de me prodiguer des promesses; quant à l’exécution, c’est une autre histoire. “Quoi qu’il en soit, nous poursuivons nos démarches et redoublons d’efforts, car Aley est une région touristique et un centre de villégiature de premier plan.”

- Quel est, d’après vous, l’ordre des priorités par rapport à votre circonscription?
“Les infrastructures viennent, naturellement, en tête de liste. Nous avons déjà obtenu une promesse formelle quant à l’amélioration du réseau téléphonique. Bien des villages du caza n’ont ni eau, ni téléphone et leurs routes sont délabrées. Celles-ci ont besoin d’être réasphaltées et leur réfection doit intervenir avant la saison d’estivage et l’hiver. “Bien des localités souffrent déjà de la pénurie d’eau et leurs habitants sont obligés d’acheter l’eau potable.”

PAROLE, PAROLE... ET RIEN SUR LE TERRAIN!
- Le ministre des Ressources hydrauliques et électriques est, pourtant, votre allié...
“Le ministre Hobeika, ses collègues des Travaux publics et des Postes et Télécommunications ne cessent de promettre, alors qu’on ne voit rien sur le terrain jusqu’à ce jour. Mais nous ne désespérons pas encore d’obtenir gain de cause.”

- Qu’en est-il des personnes déplacées et de la réhabilitation des agglomérations dont les habitations ont été rendues inhabitables par la guerre? “Certains villages ont été mis en état d’accueillir leurs habitants, alors que d’autres attendent les crédits. Les intentions des responsables sont bonnes, mais cela ne suffit pas. Il faut accorder plus d’attention aux régions sinistrées, aux fins de panser les blessures.” - Comment jugez-vous les maux qui affectent notre pays? “Rien n’est impossible avec la bonne volonté et les intentions saines. Nous coopérons avec tous ceux qui reconstruisent le Liban et veulent l’édifier, en l’unifiant, sur des bases solides, permettant à l’édifice national de faire face à toutes les secousses.”

L’ACCORD DE TAËF, MAL APPLIQUÉ
- L’accord de Taëf peut-il y contribuer et favoriser l’essor de la patrie?
“Cet accord a diagnostiqué le mal et prescrit le remède. Mais son application n’a pas été parfaite. Il faut revenir à l’esprit de Taëf pour pouvoir en finir avec le confessionnalisme qui menace la nation”.

- Comment qualifiez-vous votre parti?
“C’est une formation idéologique non confessionnelle, œuvrant en vue d’unifier la “Syrie naturelle”. De plus, le parti est porté au dialogue, ne cherchant pas à supprimer l’autre, ni moralement, ni physiquement. Il s’emploie en vue de combattre les tares sociales pour lesquelles il a mis au point des solutions dont il souhaite l’adoption par les responsables”.

- L’activité de parti ne cesse de régresser au Liban...
“C’est juste pour les partis confessionnels et non idéologiques, ce qui est normal. Aucun parti ne peut durer s’il ne dispose d’une doctrine ou d’une idéologie”.

MA PATRIE EST LA “SYRIE NATURELLE”

- Vous avez fait de la prison; cela vous a-t-il profité?
“Cette expérience a renforcé mon attachement au parti et à sa doctrine”.

- Quelle est votre position envers les élections municipales, les élections de la CGTL et le Conseil constitutionnel?
“Nous prenons position envers toutes les questions qui se posent sur la scène nationale et les examinons dans le cadre du parti qui se prononce à leur sujet après mûre réflexion. Quand la décision est prise, tous les membres du PSNS y souscrivent et s’y conforment.”

- Vous avez voté à la Chambre pour le report des municipales; pourquoi?
“Nous avons pris une décision en ce sens pour permettre un supplément d’étude de la loi sur les municipalités et la débarrasser de ses lacunes”. Enfin, invité à émettre une dernière réflexion pour clôturer l’entretien, le Dr Hitti déclare: “J’appartiens à l’école de Saadé et me conforme à ses principes: Ma patrie est la “Syrie naturelle”, allant du Taurus au désert arabe et à la Méditerranée”.

(Propos recueillis par Joseph Melkane).


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