PREMIÈRE ÉTAPE: L’ARRIVÉE À L’AIB. LE RÊVE DEVENAIT RÉALITÉ.




Le Pape accueilli par le président de la République et entouré,
du commandant en chef de l’armée, le général Emile Lahoud et le cardinal Sfeir.

Même si l’on a déjà vu cette image des dizaines de fois sur le petit écran, au cours des innombrables voyages de Jean-Paul II de par le monde, vivre de près cet instant mémorable où l’homme en blanc apparaît au haut de la passerelle pour bénir le Liban et les personnalités venues l’accueillir, est un moment d’une émotion intense qui s’imprègne à jamais dans la mémoire. D’ailleurs, chaque étape et chaque instant des trente-deux heures historiques vécues par le St Père au pays des Cèdres seront inoubliables. Durant des semaines, le Liban officiel et populaire se préparait à cette visite attendue depuis des années. Au cours des trois derniers jours qui ont précédé l’arrivée de Sa Sainteté, l’effervescence de l’attente s’est manifestée à l’échelle nationale, en particulier, au niveau des Libanais chrétiens. Plus rien d’autre, en dehors de cette visite historique, ne pouvait susciter le moindre intérêt.


Le ministre Walid Joumblatt saluant le Pape.


De droite à gauche: Les présidents Hariri, Berri, Husseini, Solh, Hoss, Wazzan et M. Elie Ferzli, vice-président de la Chambre.


Jean-Paul II embrasse la terre libanaise présentée dans un coffre


Le président Hraoui prononçant son discours de bienvenue sur l’estrade officielle.

LES ULTIMES PRÉPARATIFS DE L’AIB À BAABDA
A partir de onze heures, les personnalités officielles invitées à la cérémonie d’accueil se rassemblent au salon d’honneur de l’AIB. A 11h52 minutes, arrive le Premier ministre Rafic Hariri au volant de sa voiture, ayant à ses côtés M. Sleiman Frangié ministre de la Santé. Ils sont suivis, trois minutes plus tard, par M. Nabih Berri, président de la Chambre et à 12h03, par le chef de l’Etat. Le prési-dent Elias Hra-oui se rend auprès de l’es-trade où il s’entretient avec le com-mandant en chef de l’ar-mée, le général Emile Lahoud et quelques responsables. Au même ins-tant, les officiels quittent le salon d’honneur pour se placer en une longue file le long du tapis rouge. Il y a les dignitaires religieux, le cardinal Mar Nasrallah Sfeir, en tête; les anciens présidents de la République, de la Chambre et du Conseil; les ministres, les députés, en grand nombre, les directeurs généraux des F.S.I., de la Sûreté générale et de la Sûreté de l’Etat. A 12h20, on voit pointer dans le ciel, venant du Nord, l’avion d’Alitalia à bord duquel se trouve Sa Sainteté et la délégation papale de très haut niveau qui l’accompagne, ainsi qu’un groupe de journalistes. Deux hélicoptères de l’armée libanaise l’escortent. On nous explique qu’il y a eu quelques minutes de retard sur l’heure prévue, car le St Père a demandé à survoler le Liban avant d’y atterrir. L’avion portant à l’avant les drapeaux du Liban et du Vatican, s’immobilise sur l’aire de stationnement non loin de l’estrade officielle. Au même moment, toutes les cloches du Liban carillonnent à toute volée. Mgr Pablo Puente, nonce apostolique, monte à bord, en même temps que le chef du protocole à la présidence de la République, l’ambassadeur Maroun Haïmari pour souhaiter la bienvenue au pape et l’inviter à mettre pied sur le sol libanais.

LARMES DE JOIE, D’ÉMOTION ET D’ESPOIR
Les regards fixent le haut de la passerelle et la porte de l’avion. Il est un peu plus de midi trente. Sa Sainteté apparaît. Des larmes de joie et d’espoir perlent sur plus d’un visage. On applaudit et Jean-Paul II bénit l’assistance, après avoir enlevé sa calotte blanche. Il répond aux applaudissements en applaudissant lui-même. Sur son visage, fatigué par le voyage, il y a ce sourire plein de bonté de cet homme hors du commun que l’on sent si proche de chacun de nous. Le Saint-Père descend lentement la passerelle, pendant qu’est tirée une salve de vingt-et-un coups de canon et que la fanfare de la garde présidentielle joue «l’hymne de gloire». Au pied de la passerelle, Sa Sainteté est accueilli par les présidents Hraoui, Berri, Hariri et le patriarche Sfeir. Il embrasse un peu de la terre libanaise placée dans une caissette en bois de Cèdre que lui présentent deux adolescents d’un «Village S.O.S.». Deux fillettes lui offrent, ainsi qu’au président Hraoui deux bouquets de fleurs aux couleurs libanaises. Au bras du chef de l’Etat, le Saint-Père se dirige vers l’estrade officielle où ils prennent place. La fanfare joue l’hymne du Vatican; puis, celui du Liban. Du côté des représentants des médias libanais, la protestation se faisait de plus en plus forte. Placés loin de l’avion et de l’estrade officielle, on continuait à interdire aux journalistes de bouger de leur place, alors que tous les officiels s’approchent de l’estrade, la presse étrangère ayant eu, dès le début, un traitement de faveur. Non seulement avec les confrères locaux, nous étions éloignés du Souverain Pontife, mais nous le voyions avec le président Hraoui de dos. Finalement, on nous autorise à nous rapprocher pour voir Jean-Paul II de près et l’écouter.

BIENVENUE AU LIBAN
Premier à prendre la parole, le président Hraoui dit: «Vous êtes le bienvenu au Liban qui vous aime et que vous aimez». Par ces mots, le chef de l’Etat entame son discours en rappelant que «Sa Sainteté, avait porté le poids de la cause du Liban et est devenu l’image de l’espoir pour tous les Libanais». Il évoque, ensuite, les réalisations faites au Liban depuis la fin de la guerre. «La crise est derrière nous, ajoute-t-il, et notre avenir réside dans la paix nationale»... Fait à signaler: le discours présidentiel avait été rédigé en quatre langues (arabe, français, anglais, italien) et distribué à l’assistance.

LE LIBAN, PAYS D’ANTIQUE TRADITION
Le discours du Saint-Père était imprimé en français et en arabe. Ce premier discours qu’il prononçait sur le sol libanais, donnait le ton à l’ensemble des messages qu’il allait adresser aux Libanais durant son séjour parmi nous. Après un mot de remerciement à l’adresse du chef de l’Etat et des hautes autorités, S.S. Jean-Paul II évoque l’escale que le pape Paul VI avait faite à Beyrouth le 2 décembre 1964 en se rendant à Bombay. «Je viens chez vous, poursuit-il, chers Libanais, comme un ami venant rendre visite à un peuple qu’il veut soutenir dans sa marche quotidienne, dans ce pays d’antique tradition spirituelle et culturelle, soucieux d’indépendance et de liberté». A noter, par ailleurs, que les journalistes étaient les seuls à applaudir avec enthousiasme chaque mot, phrase, ou passage important de ce discours, alors que les officiels dans l’ensemble écoutaient impassibles.

LES SALUTATIONS DES OFFICIELS
Après l’échange des discours, les officiels saluent le Saint-Père. On avance, ensuite, le papamobile qu’on avait fait venir à l’aéroport dès le début de la matinée. Le Saint-Père y prend place en compagnie du patriarche Sfeir pour gagner le palais présidentiel de Baabda, bénir les foules qui l’attendaient et subir son premier ras-de-marée humain. La première étape du voyage historique venait de s’achever; le rêve était devenu réalité.

NELLY HELOU


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