LE PLUS GRAND PLATEAU
DE CINEMA
avec une trentaine de lauréats de la «palme d’or» réunis
pour la journée du cinquantenaire
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![]() Le membre du jury Tim Burton et son épouse portant une fourrure de renard rose. |
On n’avait jamais vu cela. Autant de «Palmes d’or» réunies sur une même scène, celle du palais des festivals à Cannes pour célébrer le cinquantenaire du Festival international du film: Cela se passait dimanche 11 mai, cinq jours après la cérémonie d’ouverture; un dimanche exceptionnel tout au long duquel, on célébra la «journée du cinquantenaire» et qui se prolongea tard dans la nuit. Ce fut l’apothéose avec la remise de «la palme d’or des palmes d’or».
UNE PREMIERE
avec chirac Une journée dominicale richement programmée
qui débuta par l’arrivée du président Jacques Chirac
sur la Croisette. Une première, puisque jamais avant lui un président
de la République en exercice n’était venu au Festival. Toutefois,
François Mitterrand y fut reçu officiellement deux fois:
en 1949, comme secrétaire d’Etat à l’Information, et en 56,
comme Garde des Sceaux. Si le président Chirac a ainsi innové,
il n’a toutefois pas effectué de montée des marches comme
prévu à l’origine, alors qu’il devait assister le soir à
la cérémonie commémorative du 50ème anniversaire
du Festival. La dissolution de l’Assemblée nationale a réduit
sa présence à Cannes, à un seul déjeuner avec
les membres du jury et les Palmes d’or invitées. Le président
avait Isabelle Adjani à sa droite et l’actrice chinoise Gong Li
à sa gauche. A la table du président figuraient, également,
quelques Palmes d’Or: Mike Leigh (1996), Andrzej Wajda (1981), Costa Gavras
(1982), Lakhdar Hamina (1975), Martin Scorsese (1976), Claude Lelouch (1966)
et Francis Ford Coppola qui fit rouler la conversation sur le vin californien
dont il est aussi producteur. D’autres Palmes d’Or (vingt-huit en tout)
occupaient deux autres tables que le président honora un moment
de sa présence, selon un usage tournant qui n’est pas seulement
réservé à la société politique. Avant
de quitter Cannes, le président Chirac a tenu à dire à
ses hôtes tout l’intérêt qu’il porte au Septième
art et a mis l’accent sur l’importance du cinéma dans «l’image
de la France» et dans sa culture, «ce par quoi elle est connue
et aimée».
Premier président de la République
reçu au Festival,
le président Jacques Chirac est entouré de la présidente
du jury
Isabelle Adjani et de l’actrice Gong Li (à droite).
LA FINE FLEUR DU CINEMA
Cette journée commémorative a atteint son apogée
avec la brillante soirée de gala qui a réuni à Cannes
la fine fleur du cinéma et donné lieu à un impressionnant
défilé de vedettes. Les grands noms du Septième art
figuraient à tour de rôle: Robert Altman, Jeanne Moreau, Polanski,
John Boorman, Scorsese, Coppola, Anjelica Huston, Liv Ullmann, Milos Forman,
Bertolucci, Charlton Heston, Kenneth Branagh, Jane Campion, Chen Kaige,
Claudia Cardinale (en rouge flamboyant), Isabelle Adjani (en tailleur jaune
et noir), Andie McDowell, Gérard Depardieu, Carole Bouquet, Jeremy
Irons, Victoria Abril, Sydney Pollack... Le cinéma du monde entier
était ainsi représenté par ses figures de proue réunies
l’espace d’une soirée! Celle-ci commence avec le ballet de Philippe
Decouflé qui, à travers les prouesses de ses danseurs, rend
hommage au Septième art, au temps du muet et du noir et blanc aux
lumières tremblotantes mais, aussi, avec des jeux sur le regard
et le cadre, l’image et le reflet. Moment d’émotion quand Jeanne
Moreau, l’incontournable maîtresse de cérémonie, rutilante
en tailleur écossais semé de pièces d’or, invite sur
scène vingt-neuf cinéastes palme d’or, faisant l’appel en
commençant par: «cinéaste français, 1961, «Une
aussi longue absence», «palme d’or, André Colpi»
jusqu’à «cinéaste anglais, 1996, «Secrets and
Lies» (Secrets et mensonges), Mike Leigh». Ils forment tous
un plateau impressionnant formidablement ovationné par l’assistance.
Autre moment d’émotion, la remise de «la palme d’or des palmes
d’or» décernée par ses pairs à Ingmar Bergman
et remise (en l’absence du maître) à sa fille Linn Ullmann
par sa mère Liv Ullmann, en présence d’une des grandes actrices
bergmaniennes Harriet Andersson. En recevant le trophée qui couronne
toute l’œuvre du cinéaste suédois, la fille de Bergman, a
lu ce message: «Après avoir tant joué avec des images
de vie et de mort, la vie m’a rattrapé et je me sens timide et fragile.
Je suis très honoré et, avec humilité, je vous dis
merci». Une cérémonie sobre, chargée d’émotion
et réussie.
DES PRONOSTICS DIFFICILES
Côté projections, après la soirée d’ouverture
avec le «Cinquième élément» de Luc Besson,
la compétition officielle a été ouverte par Gary Oldman
dans sa réalisation «Nil by mouth», et Marco Bellochio
avec son «Prince de Hombourg». Ils ont été suivis
de «Western», du Français Manuel Poirier et de «Welcome
to Sarajevo», du Britannique Michael Winterbottom. Un moment d’émotion
a été la projection-hors compétition - de «Voyage
au début du monde», du Portugais Manoel de Oliveira, le dernier
film tourné par Marcello Mastroianni, décédé
en décembre. Egalement hors compétition, «Black Out»
de Abel Ferrara a provoqué un élan de curiosité, puisque
le top model Claudia Schiffer y fait ses débuts à l’écran
aux côtés de Béatrice Dalle, Matthew Modine et Dennis
Hopper, également à l’affiche du film. Si «Hamlet»
de Kenneth Branagh a été présenté hors compétition,
par contre «l’Anguille» marque le retour de Shosei Imamura
dans la course à la Palme d’Or, ainsi que «The Ice Storm»
de Ang Lee (où Sigourney Weaver est une «femme libérée»
et «The End of violence» de Wim Wenders qui part (timidement)
en croisade contre la violence à partir de petits épisodes,
loin de toute logique. Après cette première série
de projections, le 50ème Festival de Cannes a atteint une bonne
vitesse de croisière. Toutefois, les pronostics restent encore difficiles
en ce qui concerne l’attribution de la «Palme d’Or». Les jeux
sont loin d’être faits.
JEAN DIAB