Bloc - Notes


Par ALINE LAHOUD..

DE MAL EN PIS

Combien il est difficile d’écrire en points d’exclamation après avoir épuisé - en vain - les points d’interrogation. Com-bien il est frustrant d’élever la voix quand l’écho même refuse de vous la renvoyer. Combien il est pénible de s’endormir chaque soir, avec l’idée qu’à n’importe quelle heure de la nuit, vous pourriez voir des uniformes surgir à votre chevet pour vous emmener sans mandat, sans avocat, sans inculpation et sans destination avouée. Combien il est décevant de penser que vous ne pouvez même plus espérer en la loi, quand la loi est systématique-ment violée par ceux qui ont charge de l’appliquer. Combien il est dérisoire, enfin, d’imaginer que quelque chose puisse chan-ger dans un système vicié à la base par les menées de sabotage des institutions, surtout quand ce sabotage ne le cède qu’à l’effron-terie avec laquelle il est accom-pli. Elias Abou Rizk est actuelle-ment déféré devant les instances pénales. Quelle sorte de crime a-t-il commis? Il s’est, paraît-il, mêlé de politique. Fausse note que le chef d’or-chestre, Hardane et son ensemble philharmonique du sérail ne peuvent pardonner. Il ne semble pourtant pas que la Constitution, ni aucune autre loi, fasse interdiction à un citoyen libanais de se mêler de politique, autrement, toute la collection de paons qui se pavanent actuellement dans les allées du pouvoir se retrouveraient au chômage. Pourquoi donc Elias Abou Rizk n’aurait-il pas ce droit? Le procureur de la république a donné à ce sujet une série d’explications aussi difficiles à cerner qu’à déterminer le sexe des anges. Bon, et maintenant après Abou Rizk à qui le tour? Les dossiers en souffrance regorgent de cibles. Il y a les salaires et les traitements dans le secteur public réduits à une portion de famine, (telle qu’en raffole Fouad Sanioura). Il y a l’autostrade de Jounieh dont les travaux traînent en longueur et qui de voie de commu-nication s’est transformée en piège à automo-bilistes. Il y a la loi éhontée sur l’audiovisuel, la loi électorale que chacun essaie de traficoter à sa mesure. Il y a les dépotoirs à ciel ouvert - surtout ceux de Bourj-Hammoud et de Monte-verde - qui menacent de s’infiltrer jusqu’aux nappes phréatiques pour empoisonner nos sources. Il y a les concasseurs et les carrières, véritable lèpre qui ronge nos montagnes et nos vallées, transforme le relief en paysage lunaire et pollue jusqu’à l’atmosphère. Il y a... Mais à quoi bon poursuivre une énumération absolument inutile, quand on songe à l’affairisme des gens au pouvoir et au suivisme de la collection de mal-élus, fraîchement débités par la machinerie du ministère de l’Intérieur et dont la seule ambition reste de devenir un jour «calife à la place du calife»? A ce propos, les différents médias qui nous assomment à longueur de semaines à coups de talk-shows où ces messieurs de la classe politique viennent nous dire qu’ils n’ont justement rien à dire, pourraient nous faire l’économie de ce rasage à sec. D’autant plus que les Libanais ne sont ni gâteux, ni débiles. Nous savons que ces gens-là trichent et eux savent que nous le savons. Mais ils s’en contrefichent. Tout compte fait, ils s’approprieraient volontiers ce mot que Marcel Pagnol mettait dans la bouche de son César: «- Si on ne peut plus tricher, ce n’est pas la peine de jouer aux cartes». Mais nous, nous ne jouons pas. Surtout quand il s’agit de la carte du Liban.


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