Par José M.
LABAKI.
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LA FRANCE A-T-ELLE OPTÉ POUR L’ALTERNANCE? |
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La guerre de Troie n’aura pas lieu”. C’est un signe qui ne trompe pas. Les peuples ont la mémoire courte, ils oublient très vite ce qu’ils ont idolâtré. Vindicatifs et impatients, ils préfèrent de loin la contestation à la réforme. Hantés par les prodiges, ils supportent mal les problèmes, sans toutefois accepter leur solution. C’est un mal propre à tous les peuples dont l’ingouvernabilité s’avère de plus en plus évidente. La Gauche qui vient de remporter en France une victoire imprévisible, n’a, semble-t-il, rien de nouveau à vendre à ses électeurs. Toutefois, elle ne cache pas sa prudence à l’égard des problèmes qui affectent leur vie quotidienne. Prudence surtout, à l’égard de l’Europe à laquelle elle trouve du mal à s’adapter. Durant deux mandats consécutifs, le Mitterrandisme avait promis aux Français de changer leur vie, de réduire la fracture sociale, mais rien n’a été accompli. Lionel Jospin enfant terrible, affranchi de la tutelle mittérrandiste, peut-il assumer la responsabilité historique de mener la France à bon port? Les exigences dont il se veut le chantre incontestable, progrès social, attention scrupuleuse aux défis quotidiens qu’il doit affronter, renouveau de la démocratie, révision de la construction européenne avec tous les enjeux qu’elle représente, attendent des réponses concrètes et des démarches nouvelles et réalisables dans tous les domaines. C’est l’unique carte que ce “mendésiste new look” devrait jouer, sans confrontation aucune avec le Maître des Horloges et président de tous les Français, Jacques Chirac. Les dérives socialistes sont encore assez fraîches pour les oublier de sitôt. Certes, la France se porte mieux quand elle s’exprime. Le peuple français dont la maturité politique fait école, vient de virer à gauche, en infligeant à la Droite qu’il avait pourtant élue il y a deux ans, un camouflet non des moins sévères, malgré le fait qu’il affichait toute satisfaction et fierté pour les succès remportés par son président à l’échelle européenne et mondiale: un contrat fabuleux avec la Chine, parraina-ge de l’accord historique de l’adhésion, fût-elle à l’arraché, de la Russie à l’OTAN, où les présidents Bill Clinton et Boris Eltsine se sont joyeusement rejoints, pour ne citer que ces deux grands évé-nements. Le retour des socialistes au pouvoir, serait-il de mauvais augure pour la France? Le retour d’une majorité qui, durant quatorze ans, n’aurait pas compris l’aspiration des Français au changement, leur volonté de réduire la fracture sociale, une Gauche, qui repartirait comme avant, soulagée et satisfaite d’elle-même au détriment de l’autre composante? Sa culture étatique, son programme irréalisable, n’auront-ils pas altéré la dynamique de redressement entreprise par les gouvernements d’Edouard Balladur et d’Alain Juppé, en isolant la France dans le concert des grandes puissances occidentales à l’orée du troisième millénaire? Ce que veulent les Français, c’est que le nouvel élan prôné par le président Chirac ne reste pas un slogan creux, mais se traduise dans la réalité. N’est-ce pas le prestige de la France qui doit prévaloir avant toute autre considération politicienne? Analystes et observateurs attribuent la défaite de la Gauche française, en 1993 et 95, non à un quelconque échec politique ou stratégique, mais aussi et d’abord, à une perte de l’âme. Lionel Jospin au pouvoir, est-il en mesure de la lui restituer comme une force d’alternance capable de consolider la prééminence de la France dans le concert des nations? Dans des temps aussi controversés, où d’énormes responsabilités s’imposent, la Gauche, inspire-t-elle la confiance requise, celle qui rassure les Etats étrangers et les marchés internationaux, tant sur l’Europe que sur le social et l’économique, au moment où des mutations radicales s’opèrent à l’échelle planétaire, qui doivent nécessairement intervenir dans la mentalité socialiste, à laquelle le monde ne croit plus, mais qui, cependant, revient en force? Encore faut-il se soucier de la Droite, en tant que composante incontournable de l’échiquier politique français, indispensable à la règle du jeu démocratique et à l’équilibre des forces. Lionel Jospin le sait, mais, le sait-il assez? A l’heure de la construction européenne et de l’axe franco-allemand, la France a tout intérêt à préserver les acquis européens obtenus après un demi-siècle d’efforts inouis. Elle est appelée à continuer à avancer vers une Europe unie, juste et forte. Dans le partage du pouvoir tant sur le plan intérieur qu’européen, il y a des lignes rouges que le gouvernement socialiste ne doit pas franchir. Les échéances internationales ne sont pas moins impératives. Quatre rendez-vous importants sont prévus dans les semaines à venir: sommet franco-allemand le 13 juin, sommet européen les 16 et 17 à Amsterdam, sommet du G7 à Denver (Etats-Unis) du 20 au 22, et sommet de l’OTAN à Madrid les 8 et 9 juillet. Dé-sormais, elles devraient imposer aux deux têtes de l’exécutif français de trouver un modus vivendi fonc-tionnel, car la France est con-damnée à la réussite. Il y va de sa crédibilité, de son prestige et de sa préémi-nence dans le concert des nations. |
Jean Giraudoux |