Par ALINE
LAHOUD..
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JUSQU’AU POINT DE NON-RETOUR |
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Le pouvoir. Quelle magie dans ce mot et quel mirage! C’est, paraît-il, plus puissant que toutes les drogues répertoriées jusqu’à ce jour et ça monte à la tête plus vite que les alcools les plus vicieux. A la base, il y a évidemment l’argent. Le fric qui achète tout et n’importe quoi, pervertit tout et n’importe qui, tant il est vrai qu’après un certain nombre de zéros, on perd, avec la faculté de compter, le sens des réalités. Ensuite, viennent le tapis rouge, les gardes d’honneur, les cortèges blindés sirènes hurlantes, le copinage avec les grands de ce monde, les drapeaux qui claquent au vent, le charivari savamment orchestré autour de soi. Alors ça monte au crâne et l’on se retrouve soûl comme une grive, plein comme une barrique, avec tout au bas de l’échelle gravie dans l’euphorie que procure l’ivresse, tout un peuple mourant de faim et de soif. Et dire que tout pouvoir est censé émaner du peuple. Quelle blague! Quelqu’un parmi cette classe de sous-doués et de sur-nourris a-t-il essayé de boire, de manger, de faire vivre ses enfants, de les vêtir, de les envoyer à l’école avec 200 dollars par mois et même avec 500 ou 1000? Quelqu’un parmi ceux qui se déplacent en limousines blindées, aux vitres teintées, aux rideaux tirés, devant lesquels la moitié des forces de sécurité figent la circulation, quelqu’un d’entre eux a-t-il jamais tenté de gagner son domicile ou le lieu de son travail après trois heures de route, sous la menace d’une rupture d’anévrisme ou d’une crise cardiaque? Quelqu’un parmi la gent qui s’auto-dispense de payer taxes et factures a-t-il jamais pris la peine d’examiner une note d’électricité, par exemple, pour nous expliquer dans quel pays, sur quelle planète, on fait payer l’électricité au jugé et non au compteur (le directeur de l’EDL l’ayant lui-même admis lors d’une récente interview)? Qui parmi ces bâtisseurs du pire finira par comprendre qu’au train où vont concasseurs et carrières, le Mont-Liban (entre autres) risque de se transformer en une dépression désertique sans caravanes, les chameaux chez nous n’étant pas ceux que l’on pense? Continuera-t-on à creuser jusqu’au centre de la terre, là où, dit-on, siège Lucifer et où chacun reconnaîtra enfin les siens? Pompéi a jadis disparu sous ses propres cendres. Finirons-nous par disparaître sous nos détritus, sort qui menace actuellement Bourj-Hammoud? Depuis que Amroussié a été incendié, les ordures de la banlieue Sud sont, paraît-il, déversées à l’Est. L’idée serait-elle de polluer les régions accusées d’opposition, de les faire régresser jusqu’en faire des bidonvilles? Ce ne sont là que des exemples pris entre cent. En fait, depuis que M. Hariri est au pouvoir, qu’est-ce qui a été réalisé sur le plan social et sur celui des services? Ces 15 milliards de dollars de dettes que l’Etat a accumulés en un si court laps de temps, où, à qui et à quoi sont-ils allés? Les assurances-maladie, hospitalisation, chô-mage, vieillesse, ça n’existe pas. Des salaires décents, ça n’existe pas. Un contrôle du coût de la vie, ça n’existe pas. Une énergie à prix raison-nable, ça n’existe pas. Des mesures même timides contre la pollution, ça n’existe pas. Le droit au retour pour les déplacés, ça n’existe pas. Le droit des gens, le respect de la personne humaine, ça n’existe plus. Nous avons, par contre, le droit de mourir à la porte des hôpitaux, de crever de faim, de vivre dans les ruelles, d’élever nos enfants dans la rue, d’attendre 10 ans pour la fin d’un procès, de respirer les gaz délétères et de nous remplir les poumons de gaz carbonique. Nous avons, aussi, le privilège d’entretenir sur un pied de mille et une nuits une classe dirigeante, repue jusqu’à la nausée mais toujours affamée, et les astéroïdes qui gravitent dans son orbite. Que vise-t-on à travers cette politique? A pous-ser vers l’exode ceux d’entre les Libanais qui s’accrochent encore à ce qui reste du Liban? Au bénéfice de qui? Et cette politique du vide ne risque-t-elle pas de se retourner contre ses auteurs? C’est la question majeure à laquelle on songe quand on voit ces dirigeants déconsidérés courir dans tous les sens, comme un poulet décapité qui perd tout son sang mais ne s’en aperçoit pas, puisqu’ayant déjà dépassé le point de non-retour. |