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Depuis le caniveau des abondantes eaux putrides de Jamhour se déversant dans les eaux tourbillonnantes devenues troubles, noirâtres et couvertes d’une couche huileuse ou d’une épaisse mousse brune malodorante, nous avons prélevé un échantillon à la prise d’eau entraînée par la conduite métallique vers la station de traitement d’eau potable de Daychounyé. Nous sommes passés sous les arcades en ruines de l’aqueduc de Zobeidé qui, deux mille ans auparavant, supportait un canal, situé à une hauteur de 20 mètres et couvert de plaques de grés, qui entraînait vers les réservoirs de Béryte les eaux propres des sources de Daychounyé. Nos aïeux de cette époque et les Romains avaient déjà une technologie largement supérieure à la nôtre au niveau hydraulique et du génie civil.
EAU D’ÉGOUT PLUS OU MOINS DILUÉE
L’échantillon d’eau prélevé, révèle
une contamination microbienne et une pollution inacceptables pour une eau
brute, destinée à être potabilisée. Nous nous
trouvons en présence d’une véritable eau d’égout plus
ou moins diluée. Elle sera traitée, abusivement, en une eau
soi-disant potable qui sera bue et utilisée par des centaines de
milliers de citoyens. Il est possible que ces coliformes suspects largement
en excès (même les fécaux) soient neutralisés,
plus ou moins, par des quantités très supérieures
de chlore qui, non seulement sont très irritantes et corrosives
pour les muqueuses, mais risquent surtout de se combiner avec des polluants
organiques issus des égouts, pour donner naissance à de redoutables
organochlorés cent fois plus dangereux et, de plus, mutagènes
et cancérigènes. Les nitrates à ces doses quatre fois
supérieures à la limite permissible internationale, peuvent
créer dans l’estomac des nitrosamines à action cancérigène
sur le tube digestif et les tissus rénaux. Les nitrites et les alkyl-aryl
sulfonates des lessives ne doivent pas exister, même à des
doses infimes, car par accumulation ils peuvent causer des syndromes très
pernicieux.
CONSTATATIONS, RECOMMANDATIONS ET SOLUTIONS
Nous n’allons pas citer les milliers de cas de maladies intestinales:
salmonelloses, paratyphoïdes, diarrhées, dysenteries diverses,
hépatites; de méningites, d’angines à streptocoques...
transmissibles par des eaux contaminées et polluées. Tous
les renseignements dont nous disposons, seront transmis à la “Commission
de l’Environnement et de la Santé publique” de l’Ordre des médecins
du Liban. A lui de décider de l’urgence des mesures à prendre,
en y ajoutant les statistiques établies par les hôpitaux et
même par les médecins eux-mêmes, ceux-ci devant déclarer
certaines maladies et leurs causes. Pour le cas particulier de la contamination
et de la pollution du réseau hydraulique du fleuve de Beyrouth,
nous pouvons en nous aidant des recommandations du colloque du Bristol,
“Eau et assainissement” décrivant la haute technologie française
en la matière, demander son aide non plus dans une salle de conférence,
mais sur le terrain, en y appliquant les solutions urgentes.
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.Vue de la grosse conduite métallique transportant l’eau brute vers la station de traitement de l’eau potable. |
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SOLUTIONS URGENTES
1) Neutraliser l’énorme dépotoir toxique et instable
du Monteverde dominant, dangereusement, la belle vallée sous-jacente
du fleuve de Beyrouth.
2) Décréter des règlements draconiens pour protéger
cette réserve naturelle et précieuse aquifère en même
temps.
3) Procéder à l’acheminement des eaux pures des sources de
Daychounyé vers la station voisine de traitement en eau potable,
sans nuire à l’équilibre écologique de la vallée,
en éliminant les séquelles d’un essai maladroit et désastreux
en ce sens.
4) Supprimer tout déversement abusif des eaux résiduaires
dans le fleuve de Beyrouth, en particulier les abondantes eaux d’égout
émanant de Jamhour et de ses environs.
5) Procéder, périodiquement, à des analyses microbiologiques
et chimiques de l’eau tout le long du fleuve de Beyrouth jusqu’à
la station d’eau potable de Daychounyé.
STATION D’ALERTE
Si le budget s’y prête, il serait utile d’instaurer un
système d’analyse en continu de la qualité des eaux ou, mieux,
une “station d’alerte” qui cumule toutes ces informations, surtout celles
relatives à une pollution accidentelle avec action de blocage. Pour
le contrôle à tout moment des sources, des eaux brutes utilisées
et des eaux distribuées (Société Hydro-Environnement
au colloque du Bristol).
6) Réhabiliter et même restructurer la station de traitement
d’eau potable de Daychounyé, après avoir éliminé
définitivement tous les facteurs polluants de son eau brute, que
nous avons détectée bénévolement. Remplacer
le système de désinfection par le chlore, désuet et
dangereux, par l’ozonisation plus efficace, en éliminant aussi certains
micro-polluants, sans goût désagréable et, surtout,
dépourvu de sous-produits organochlorés mutagènes
et cancérigènes.
7) Commencer à traiter, en priorité, les eaux résiduaires
polluant, anarchiquement, le fleuve de Beyrouth, par des unités
d’épuration d’eaux vannes à débit moyen avec, par
exemple, le système Biofiltre d’OTV, dont les effluents traités
contrôlés peuvent être réutilisés dans
l’irrigation ou rejetés à la mer et non traités dans
une station d’eau potable...
CONCLUSION ET PLAN D’AVENIR
Si ces idées que nous présentons en toute modestie
sont appliquées même en partie avant l’an 2000, on aura pratiquement
assaini la vallée antérieure et moyenne du fleuve de Beyrouth,
avec une amélioration quantitative et qualitative de l’eau brute
livrée à la station de traitement en eau potable. Et celle-ci
doit améliorer son réseau désuet de distribution,
souvent intimement mêlé à des eaux d’égout et,
surtout, sujet à des fuites importantes du précieux capital
eau. Si les services concernés de l’Etat arrivent à installer
à temps les stations indispensables d’épuration des eaux
vannes les moins onéreuses du type “boues activées”, on aura
en fin de parcours assaini, aussi, le lit terminal du fleuve de Beyrouth.
Car celui-ci joue, actuellement, le rôle d’un gigantesque collecteur
d’égout à ciel ouvert et en pleine ville, charriant des dizaines
de milliers de mètres cubes d’eaux résiduelles sur lesquels
flottent des tas énormes d’excréments malodorants. Evidemment,
l’application de tous ces projets très urgents, demandent une aide
technologique et financière immense que les amis du Liban et, en
particulier, la France, pourraient offrir avec, en contrepartie, des conditions
et des garanties précises. D’autant que l’enjeu est gigantesque
avec les autres ressources aquifères traitées au Liban. Comme
la réhabilitation de l’exploitation des eaux de la source de Geita
et de Nahr el-Kalb (barrage de Mokhada), dont les premiers travaux en ce
sens ont débuté en 1870 avec le très méritant
ingénieur français, Thevenin. En tout cas, on peut dire sincèrement
que, d’ici à l’orée de l’an 2000, si une restructuration
et une gestion sérieuse des eaux potables et résiduaires
ne sont pas appliquées au Liban, nous nous dirigerons vers une catastrophe
dont nul ne peut prévoir les conséquences au plan national
et de la santé publique.
PIERRE MALYCHEF et WILSON RIZK