L’imam Mohamed Mahdi Chamseddine recevant nos confrères,
Elias Aoun (à droite) et Hussein Kotaiche.
Nos confrères Elias Aoun et Hussein Koteiche ont
interviewé l’imam Mohamed Mahdi Chamseddine, président du
Conseil supérieur chiite, en l’interrogeant sur tous les problèmes
de l’heure et ce qui se passe au Liban, en Iran, en Algérie, en
Turquie et jusqu’à la planète Mars. De la “révolte
des affamés”, il dit qu’on ne peut la comparer au “mouvement des
déshérités” de l’imam Moussa Sadr “qui, assure-t-il,
restera vivant, légalement, jusqu’à preuve du contraire”.
Aussi, demande-t-il que son nom soit donné à une rue ou à
une grande institution. Il approuve la transformation du Liban en circonscription
unique, à condition que soit maintenue la représentation
communautaire et confessionnelle. De plus, il n’est pas acquis à
l’idée d’abolir, actuellement, le confessionnalisme politique, bien
qu’une clause y relative ait été insérée dans
l’accord de Taëf. Quant à Jezzine, l’imam Chamseddine observe
qu’elle ne constitue pas une “zone neutre” par rapport à la résistance
et à Israël. Par ailleurs, il se prononce contre le projet
prévoyant l’institution du mariage civil préconisé
par le président de la République. Après avoir répondu
à des questions concernant l’élection du nouveau président
iranien, M. Khatimi; invité la Turquie à réintégrer
le monde arabe et islamique; dénoncé les massacres d’Algérie
et exprimé son admiration pour l’exploit scientifique que constitue
l’exploration de la planète Mars par les Américains, le dignitaire
chiite se félicite de “la relation historique permanente et cordiale
avec Bkerké et S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir”.
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DIALOGUE OUVERT AVEC
LE PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR CHIITE
L’IMAM MOHAMED MAHDI
CHAMSEDDINE
“ON NE PEUT COMPARER
LE “MOUVEMENT DES DÉSHÉRITÉS” À LA “RÉVOLTE
DES AFFAMÉS”
DIVERGENCE ENTRE LES GENS DU POUVOIR
Invité à définir sa position envers
la situation qui prévaut sur la scène locale au double plan
socio-politique et à émettre son avis à propos des
divergences entre les gens du pouvoir, notre éminent interlocuteur
répond: “Je ne crois pas qu’il soit possible de répondre
d’une manière absolue à cette question soumise au principe
de la relativité.
“D’aucuns sont satisfaits de ce qui a été accompli et
d’autres ne le sont pas. En fait, les causes de l’inquiétude et
les sujets de plainte existent, alors que la politique des dépenses
a besoin d’être reconsidérée et réorientée.
“Voilà le principal point prêtant à la critique dans
la vie nationale. D’autres domaines suscitent des opinions contradictoires,
notamment celui concernant la pratique de la liberté et non le principe
de liberté. Je ne partage pas l’avis de ceux qui soutiennent que
les libertés sont menacées au Liban. “La dose de liberté
pourrait paraître, dans certains cas, plus grande que ce qu’exige
la nature de la démocratie, ce qui provoquerait l’anarchie. L’Etat
pourrait, également, entreprendre sur le terrain des activités
allant à l’encontre des libertés. “Je crois que nous traversons
une étape où nous ne pouvons évaluer les faits sur
base du blanc et du noir. Puis, l’opposition qui se traduit par un refus
de tout, ne convient pas à notre étape politique actuelle;
de même que le loyalisme total et le fanatisme aveugle.
RELATION CONSENSUELLE OU CONFLICTUELLE?
“Quant aux divergences entre les gens du pouvoir, on doit les
analyser d’après des critères déterminés. Il
ne s’agit pas entre ces derniers d’une relation consensuelle ou conflictuelle,
l’une et l’autre étant préjudiciable au pays. Je comprends
que des amis s’entendent ou se brouillent, de même que les membres
dirigeants d’une corporation. “Il existe un principe de partage des pouvoirs
et de leur séparation. Partant de là, chaque pouvoir assume
ses responsabilités sur la base d’une coordination entre les gouvernants.
C’est pourquoi, nous soutenons le projet de l’Etat, de la stabilité
politique, du pouvoir et du gouvernement. Il ne faut pas envisager les
faits, par rapport à l’accord des responsables ou leur désaccord,
sous l’angle personnel, sectaire ou confessionnel”.
- Que pensez-vous du projet dont est saisie la Chambre des députés,
prévoyant le maintien à leurs postes de fonctionnaires ayant
atteint la limite d’âge?
“Je suis contre un tel projet, qu’il s’agisse des magistrats ou des
fonctionnaires inscrits au cadre administratif, car notre société
ne manque pas, Dieu merci, d’éléments compétents et
valables, aptes à pourvoir aux postes vacants. “Dans les régimes
démocratiques, il est de notoriété publique que le
renouvellement des générations et le principe de l’alternance
sont de mise; ils doivent s’opérer d’une manière spontanée.
Le maintien des commis de l’Etat, ne serait-ce que pendant un temps limité,
neutralise bien des compétences, alors qu’il importe d’apporter
du sang nouveau aux rouages étatiques”.
ENTRE LES “AFFAMÉS” ET LES “DÉSHÉRITÉS”
- Depuis peu, une “révolte des affamés” a été
déclenchée dans la Békaa et vingt années plus
tôt, l’imam Moussa Sadr avait lancé le “mouvement des déshérités”
au même endroit: y aurait-il quelque lien entre les deux phénomènes?
“Ce Conseil, comme vous le savez, a été le promoteur
d’une telle conception dans la politique libanaise. La conception de la
frustration émane parfois, d’une vision réaliste de la société,
loin de toute impulsivité et de tout sectarisme et parfois d’un
courant de gauche. Quant au slogan partisan, nous en sommes éloignés.
“Cependant, on ne peut trouver un lien entre la “révolte des affamés”
et le “mouvement des déshérités, bien qu’ils aient
émergé dans le même endroit et visent les mêmes
objectifs. “Quelle que soit notre position envers ce qui s’est passé
dernièrement à Baalbeck, on ne peut pas admettre que cette
“révolte” ait une similitude avec le “mouvement des déshérités”
déclenché par l’imam Sadr pour maintes considérations.
Tout d’abord, le concept politique général diffère
et ce mouvement n’était pas dirigé contre l’Etat; il s’inscrivait
au cœur de l’action visant à soutenir le projet de l’Etat. “Puis,
ce qu’on insinuait, à l’époque, quant à l’idée
d’investir les palais (des nantis) avait un sens symbolique. “Enfin, le
“mouvement des déshérités” était un courant
de société n’émanant pas d’une communauté déterminée
ou d’une fraction de cette communauté. Il a été édifié,
comme on le sait, sur des données concrétisées par
soixante dix-sept personnalités représentatives des différents
niveaux de la société libanaise et de ses cadres dans toutes
leurs orientations et leurs affiliations culturelles et idéologiques.
Il ne peut donc pas y avoir de similitude ou de rapprochement entre les
deux mouvements”.
TOUS LES RÉGIMES SONT RESPONSABLES
“Quant à soutenir que rien n’avait été
réalisé à Baalbeck-Hermel depuis 1955, nous dirons
que nous ne connaissons pas de réalisations équivalant à
la frustration des quarante dernières années. Cette observation
constitue une condamnation de tous les régimes, les gouvernements
et les législatures. “Le pouvoir, le gouvernement et les Assemblées
nationales sous tous les régimes sont condamnables pour cette négligence
qui ne se limite pas, en réalité, à la région
de Baalbeck-Hermel, mais s’étend à d’autres régions,
le Akkar notamment, où la misère sévit sur une large
échelle. “La situation au Liban-Sud est meilleure; je suis satisfait
du degré du développement qui s’y produit. Cependant, le
Sud souffre d’une hémorragie causée par l’occupation israélienne.
“La situation dans la Békaa est inadmissible. J’ai critiqué,
dernièrement, le régime actuel, gouvernement, législature
et pouvoir, tout en reconnaissant que l’état si déplorable
des populations dans ce district est la conséquence de négligences
remontant à des dizaines d’années.
ON NE PEUT ÉVINCER L’ÉTAT
“Les pressions sur l’Etat sont nécessaires pour l’amener
à agir, mais l’action ne peut se manifester en dehors de l’Etat
et de ses institutions, qu’on ne peut ni ne doit éliminer. Nous
ne pouvons obtenir des résultats satisfaisants en invitant les citoyens
à s’abstenir à payer leur dû à l’Etat, mais
en plaçant ce dernier devant ses responsabilités, suite à
des pressions réelles à exercer sur les gouvernants. “Si
l’Assemblée, elle aussi, exerçait des pressions sur le gouvernement
pour l’amener à élaborer des programmes de relèvement
socio-économique, en menaçant de lui retirer sa confiance,
le gouvernement changerait de politique. “Les crédits dernièrement
affectés à la Békaa et au Akkar (150 milliards de
livres) pour réaliser des projets d’équipement et de développement
sont une bonne chose. Cependant, nous voudrions connaître la manière
dont ils seront dépensés. Un ordre de priorités doit
être établi, sur base duquel ces fonds seront répartis
entre les régions les plus défavorisées”.
NON AU MARIAGE CIVIL
- Le président de la République a préconisé
l’institution du mariage civil au Liban à propos duquel vous avez
émis un avis défavorable avec le mufti Mohamed Kabbani, pourquoi?
«Je ne cesse de m’y opposer et je m’interroge sur ce qui a bien
pu inciter le respectable ami, le président Hraoui, à prendre
à sa charge une telle initiative en rapport avec les institutions
de la société civile. “Nous avons échangé les
vues, également, avec Mgr Khodr et d’autres personnalités
religieuses, en attirant leur attention sur le fait que cette question
concerne la spécificité de la vie du citoyen, ayant un lien
avec la contexture interne de la famille. D’autre part, elle est en rapport
avec les données de la foi religieuse, sur base de laquelle la société
est édifiée. Je ne crois pas que l’Autorité politique
a le droit de s’immiscer dans ce domaine, en prenant des décisions
excédant le cadre de la foi religieuse. “J’ai consigné mon
point de vue et exposé mes arguments sur ce point dans un ouvrage
traitant de la laïcité. J’ai abouti à la conclusion
que de telles données ne favorisent pas la recherche des solutions.
En instituant le mariage civil, nous créerons une nouvelle communauté
non reconnue, légalement; celle des non-croyants que certains ont
appelée la “communauté de l’Etat”. “Quant à l’amoncellement
des procès auprès des tribunaux, c’est un problème
qu’on peut trancher en réformant la magistrature et non en modifiant
les lois régissant les statuts personnels”.
JEZZINE N’EST PAS NEUTRE...
- Jezzine s’expose, ces temps-ci, à des attaques de la part
tant d’Israël que de la résistance et le président de
la Chambre a proposé la réouverture de la voie de passage
de Kfarfalous qui ne peut être rouverte, unilatéralement:
quel est votre avis à propos de l’encouragement, par certains, des
habitants de Jezzine à continuer à résister et pourront-ils
le faire indéfiniment?
“Les personnes concernées connaissent bien mon avis à
ce sujet. Je considère tout le Liban-Sud et la Békaa ouest
comme un espace vital pour la résistance. Je profite de l’occasion
pour redire, une fois de plus, ce que je ne cesse de répéter:
Je ne veux pas d’une résistance d’une même couleur, du point
de vue de la religion, de la communauté ou de la région.
Je veux que chrétiens et musulmans s’enrôlent ensemble dans
la résistance et que les forces politiques laïques et religieuses
la rallient. “Nous œuvrons dans ce but et, partant de là, j’invite
tout le monde à soutenir la résistance par l’affection, l’argent
et l’engagement politique. Je crois que tout le Liban agit dans ce sens
aux différents niveaux de la société politique et
civile, ce dont nous pouvons être fiers et ce pourquoi nous rendons
grâces à Dieu. “Ce n’est pas parce que Jezzine est chrétienne
ou Nabatieh musulmane que nous devons les neutraliser. En ce qui concerne
Jezzine, nous devons agir de manière à empêcher Israël
de nous y tendre des pièges, pour donner l’illusion à certaines
fractions que la résistance ne se préoccupe nullement de
la stabilité et de la sécurité de ses habitants. “Jezzine
n’est pas une zone neutre par rapport à l’occupation israélienne;
elle en est la victime. Elle n’est pas non plus neutre par rapport à
la résistance, car cette localité milite et résiste
au même titre que Bint-Jbeil, Khiyam et d’autres agglomérations
proches de la zone frontalière. “Mais Jezzine n’est pas supposée
constituer l’une des priorités par rapport aux opérations
de la résistance, parce qu’elle se distingue par une spécificité
déterminée qu’il faut respecter. “J’ai maintes fois réfuté
l’allégation de ceux qui soutiennent que la résistance est
une action militaire: le résistant est béni; cependant, la
résistance de l’Etat et du citoyen se traduit par la prise de position
politique qui mobilise toutes les forces vives de la nation, en vue de
combattre l’occupant. Faute de quoi, on ne peut créer un état
de résistance sur le terrain. Nous soutenons donc la résistance
armée sur le terrain, autant que l’état de résistance
à l’échelle nationale, tout en renforçant le moral
des citoyens dans toutes les régions.”
OUI À LA TRANSFORMATION DU LIBAN EN
UNE CIRCONSCRIPTION UNIQUE
- Après le chef de l’Etat, le chef du gouvernement propose
la transformation du Liban en circonscription unique; approuvez-vous une
telle tendance?
“Il ne s’agit pas d’une proposition récente. Tout le monde sait
que le Conseil supérieur chiite l’avait préconisée
du temps de l’imam Moussa Sadr. Elle vise à sortir du cadre confessionnel
et sectaire dans lequel on veut maintenir notre vie politique, par le découpage
des circonscriptions électorales sur une base démographique,
tenant compte de la prédominance d’une communauté dans des
régions déterminées. “La transformation du Liban en
circonscription unique a pour avantage de favoriser l’intégration
nationale, en ce sens que le chrétien et le musulman sentiront qu’ils
ont besoin l’un de l’autre; que l’un ne peut édifier seul le pays
sans y associer l’autre. Cette formule aura pour conséquence d’amener
au parlement des éléments connus pour leur modération
et leur esprit d’ouverture. On se rappelle qu’entre le mohafazat et le
caza, nous avons opté pour la circonscription électorale
la plus large, en 1992. “Cependant, il faut adopter, en même temps,
le principe de la représentation proportionnelle et les partis non-confessionnels.
La proportion de la représentation communautaire resterait la même,
du point de vue de sa répartition entre les musulmans et les chrétiens.
“Je ne suis pas pour l’abolition du confessionnalisme politique, ainsi
que le stipule l’accord de Taëf, car j’estime que le moment n’y est
pas propice. S’ils avaient fait montre de plus de longueur de vue, les
députés réunis à Taëf n’auraient pas accepté
d’inclure dans l’accord une clause prévoyant l’abolition du confessionnalisme
politique, dont l’application dans un timing inadéquat ne sert nullement
notre société ni sa stabilité.”
L’IMAM SADR RESTE VIVANT JUSQU’À PREUVE
DU CONTRAIRE
- Qu’en est-il de la disparition de l’imam Moussa Sadr? Croyez-vous
qu’il soit encore en vie et jusqu’à quand cette affaire restera-t-elle
en suspens? Quelle est la situation juridique de l’imam Sadr et de ses
deux compagnons de voyage et qu’auriez-vous à répondre au
président Kazzafi qui a suggéré la formation d’une
commission d’enquête mixte pour tirer cette affaire au clair?
“Cette affaire reste sans solution et tous les efforts déployés
en vue de l’élucider n’ont donné aucun résultat, en
raison de la position de l’autorité libyenne. “Nous avons la certitude,
renforcée par la Justice italienne et libanaise, de même que
par les renseignements obtenus au cours des dernières années,
que l’imam Sadr et ses deux compagnons, cheikh Mohamed Yacoub et Abbas
Badreddine demeurent, morts ou vivants, en territoire libyen. “Nous croyons,
aussi, que le régime libyen en la personne de son président,
est responsable de ces chères personnes, qu’elles soient mortes
ou en vie. “Du point de vue légal, moral et réaliste, je
ne suis pas désespéré, mais comme vous le savez, l’écoulement
des ans atténue la possibilité que l’imam et ses compagnons
soient en vie. Du point de vue juridique, l’imam demeure vivant et est
considéré comme tel par rapport à sa famille et à
ses biens. Aussi, reste-t-il vivant, à notre avis, jusqu’à
preuve du contraire. “En ce qui concerne la commission d’enquête
mixte proposée par Kadhafi, nous n’avons pas été surpris;
il s’agit d’un leurre qui ne trompera pas l’opinion publique arabe et internationale.
LA COMMISSION D’ENQUÊTE: UN LEURRE
“Une commission d’enquête avait été constituée,
en son temps et ses recherches ont donné les résultats qu’on
en attendait. Mais le fait d’appeler à la mise sur pied d’une nouvelle
commission d’enquête, dix-sept ou dix-huit ans après la disparition
de l’imam Sadr, a tout l’air d’une fumisterie visant à occulter
cette mystérieuse affaire. “De toute manière, ce régime
(libyen), son chef en tête, doit être poursuivi, car il ne
s’agit pas d’un crime individuel, mais d’une grande affaire criminelle
d’ordre politique, moral et religieux. Il doit être jugé devant
les juridictions ayant une dimension locale et internationale. “Cette affaire
connaîtra son épilogue, lorsque sera déterminé
le sort effectif de l’imam Sadr: ou bien il est vivant et qu’on le libère;
à ce moment, nous prendrons à l’égard de Kazzafi et
de ses complices les sanctions qui s’imposent; ou bien il apparaît
que l’imam a subi le martyre et, dans ce cas, aussi, Kazzafi et ses collaborateurs
devront payer pour ce crime abject”.
QUID DES ÉLECTIONS DU C.S.C.?
- Depuis près de vingt ans, des élections n’ont pas
eu lieu pour renouveler le Conseil supérieur chiite, ne serait-ce
que pour pourvoir aux postes devenus vacants par le décès
de Mouhine Osseirane magistrat et Serhane Serhane; ou d’autres membres
ayant accédé à la députation, tel M. Assem
Kanso ou sont devenus ministres, tel M. Mohsen Dalloul. Des élections
seront-elles organisées dans un proche avenir?
“Le retard mis à les organiser était dû à
des circonstances contraignantes, dont l’état sécuritaire.
Puis, la loi promulguée en 1969 prévoyait une refonte de
notre organisme communautaire dont le siège avait été
rendu inhabitable lors des événements. “Maintenant, des efforts
sont déployés en vue de préparer des élections
rendues nécessaires, d’autant que les rouages parlementaires, légaux
et exécutifs du C.S.C. ont besoin d’être rénovés
et élargis, afin de les rendre plus efficaces: l’université
islamique, la direction générale des wakfs et l’organisme
de notification islamo-religieux. “Nous espérons, s’il plaît
à Dieu, que d’ici à la fin de l’année courante ou
au début de l’an prochain, les élections auront eu lieu,
après qu’aura été reconsidérée la constitution
de l’assemblée générale”.
LES RELATIONS AVEC LE “HEZBOLLAH”
- Comment qualifiez-vous les rapports du C.S.C. avec le “Hezbollah”
et quel a été l’objet de la visite que vous a faite, récemment,
M. Hassan Nasrallah, secrétaire général de ce parti?
“Ces relations sont positives et nous considérons nos frères
et sœurs du “Hezbollah” en tant que force politique à ne pas dédaigner
et que nous ne pouvons ignorer. Comme tout le monde le sait, nous avons
un discours politique et une vision claire relative au projet de l’Etat,
celui de la société politique et par rapport à l’organisation
des partis ou associations. Nous avons, également, une vision en
ce qui concerne le projet de l’Etat islamique et l’intégration des
musulmans chiites au sein de la collectivité nationale. Ils doivent
lui appartenir, lui rester fidèles et ne pas se détacher
de cette collectivité pour former une entité à part.
“Ce sont là autant de constantes et nous traitons avec le “Hezbollah”
sur cette base. Tous doivent réaliser que le C.S.C. et moi-même
nous nous tenons à égale distance de toutes les parties.
Celles-ci sont les plus proches de nous, dans la mesure où elles
restent engagées vis-à-vis de ces constantes. “De même,
depuis 1978 et avec l’imam Moussa Sadr, nous avons explicité notre
position envers le projet sioniste au Liban et dans la région dans
son ensemble. Cette position repose sur la résistance totale dans
ses portées politique, militaire, spirituelle et culturelle. “Aussi,
la vision de l’imam Sadr a-t-elle généré le slogan
et jeté les fondements de l’institution: le slogan prohibe tout
rapport avec Israël et l’institution a débuté avec le
“mouvement des déshérités” et se perpétue jusqu’à
ce jour; c’est une institution libanaise ayant défini les bases
de la résistance et ses objectifs. C’est pourquoi, nous défendons
le droit des Libanais à résister à l’occupant de toutes
leurs forces et le “Hezbollah” assume une partie importante de la responsabilité
dans ce domaine. Nous le soutenons, aux côtés du mouvement
“Amal” qui a, lui aussi, un rôle historique effectif sur ce terrain.
“Quant à la visite de M. Nasrallah, elle avait pour but d’échanger
les vues sur des questions d’intérêt général,
en rapport avec la résistance. Car, à ce moment, l’affaire
de Jezzine était à son paroxysme; de même que les revendications
de caractère social. Le parti avait présenté aux présidents
Hraoui et Hariri une requête consignant ces doléances concernant
la région de Baalbeck-Hermel et d’autres problèmes en rapport
avec la vie quotidienne”.
LA CITÉ SPORTIVE CAMILLE CHAMOUN
- Au cours du meeting de Nabi Chit et à l’occasion de la
controverse instituée autour de l’appellation à donner à
la Cité sportive (Camille Chamoun) après sa reconstruction,
vous avez suggéré de donner les noms des regrettés
présidents Ahmed el-Assaad, Sabri Hamadé et d’autres personnalités
à des artères et des organismes officiels, à l’instar
d’autres rues et institutions portant le nom d’anciens présidents
de la République. Voudriez-vous expliciter le fond de votre pensée?
“Dans notre pays, les noms de personnalités connues ont été
données à des avenues, places publiques ou institutions et
elles le méritent bien. Les noms de personnalités étrangères
restent attachés à d’autres rues et institutions. Je demande
à qui de droit de se prononcer sur le point de savoir si ces noms
étrangers méritent d’être maintenus et s’ils ne seraient
pas préférables de les remplacer par des noms de personnalités
libanaises ayant servi la patrie. “Notre attention a été
retenue, à ce propos, par la controverse instituée autour
de la Cité sportive qui, je le souhaite, doit être clôturée.
Par la même occasion, je me demande pourquoi des noms comme ceux
de l’imam Sadr ne seraient pas donnés à des rues et à
des institutions dans la capitale ou ailleurs, à titre de fidélité
à leur mémoire et de reconnaissance aux services qu’ils ont
rendus ou ne cessent de rendre à la nation?”
RELATIONS CORDIALES AVEC BKERKÉ
L’imam Chamseddine explique en ces termes ses rapports avec
Bkerké et S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir: “Ma relation avec S.B.
Mgr Sfeir s’inscrit dans le cadre d’un lien qui nous rapproche de l’Eglise
catholique et de la chrétienté en Orient, d’une manière
spéciale et, aussi, des chrétiens en tant que collectivité
croyante et humaine. “Cette relation émane de la foi d’Abraham.
Nous sommes heureux en constatant que la foi chrétienne est profonde,
sincère et chaleureuse. J’aspire à ce que les églises
soient pleines de fidèles. En plus de cela, nous assumons une même
responsabilité, en plus de notre responsabilité vis-à-vis
de l’âme des gens et de leur piété. En d’autres termes,
nous assumons la responsabilité des citoyens au niveau de la société,
de l’Etat et de la patrie. “Sa Béatitude, Mgr Sfeir, est un ami
et un camarade. De plus, un lien profond attache le patriarcat maronite
de Bkerké au Conseil supérieur chiite sur une voie qui n’a
jamais été coupée depuis la création du C.S.C.
par l’imam Moussa Sadr. Jusqu’ici, les contacts se poursuivent d’une manière
directe ou par l’intermédiaire de nos représentants, des
prélats et des amis. “Quant à l’échange des visites
entre nous, il est tributaire des besoins inhérents à la
rencontre personnelle, celle-ci étant souvent entravée par
les circonstances et les obligations des charges qui empêchent chacun
de nous de rendre visite aux siens et à ceux qu’il affectionne.”
PRÉSIDENTIELLES IRANIENNES
A propos des dernières présidentielles en Iran,
l’imam Chamseddine a dit: «Nous avons accueilli avec satisfaction
l’élection par le peuple iranien de M. Mohamed Khatimi, homme cultivé
aux larges horizons. Nous espérons que Dieu lui donnera la force
de persévérer avec ses frères dans la voie du redressement
et de la prospérité de la république islamique, en
coopération avec ses voisins, pour déjouer les complots ourdis
contre l’Iran par le sionisme mondial. “La république islamique
d’Iran va à l’encontre du projet sioniste que soutiennent certaines
forces internationales, lesquelles adoptent à l’égard de
l’Iran une position non équitable. “Cependant, je ne m’attends pas
à des changements fondamentaux dans la politique extérieure
qui pourrait subir des modifications mineures n’affectant pas son essence.
En revanche, nous nous attendons à des changements au plan intérieur,
sinon le peuple iranien aurait accordé ses suffrages à cheikh
Natek Nouri.”
NETANYAHU ET SA POLITIQUE
“La politique suivie par Benjamin Netanyahu se traduira, à
mon avis, par plus de violation des droits arabes, chrétiens, islamiques
et palestiniens et par la spoliation des territoires occupés illégalement
par Israël. “La dénonciation par Tel-Aviv de l’accord d’Oslo
vise à se rapprocher du projet diabolique, celui de la Bible, en
brisant toute velléité de résistance au double plan
intérieur ou extérieur, politique ou sur le terrain. “Je
ne m’attends pas à une guerre régionale, mais à l’intensification
des opérations de la résistance, ce qui entraînera
une plus grande répression de la part de l’Etat hébreu. Il
n’y aura pas de guerre, non parce que les Arabes ne disposent pas des armes
nécessaires, mais en raison de leur manque de solidarité
et d’accord sur l’idée de libération de la Palestine. “Quant
à Israël, il n’a pas besoin de déclencher une nouvelle
guerre, car il compte tout obtenir avec le moindre prix, d’autant qu’il
a pu percer le système politique et économique arabe et s’attaquer
à son système culturel. “Actuellement, les Etats Unis n’utilisent
pas leur force contre Israël, pour servir l’équilibre dans
la région, mais contre les Arabes. J’estime qu’il est impératif
de ne pas se soumettre aux exigences américaines... Tout ce qui
s’est passé au cours des derniers mois, à savoir: la décision
de coloniser Jabal Abou-Ghoneim et la volonté exprimée par
le Congrès US de transférer l’ambassade US de Tel-Aviv à
Jérusalem, tout cela sert Israël. “De là, notre confirmation
de la vision qu’incarne le président Hafez Assad avec les forces
vives du monde arabe et islamique. Nous relevons avec bonheur le fait pour
l’Egypte et l’Arabie séoudite, en la personne du président
Moubarak et du roi Fahd d’aligner leur position sur celle du président
Assad, sans perdre de vue la position de l’Iran... Mais nous constatons
que, durant les derniers mois, une alliance israélo-turque s’est
constituée avec l’appui des Américains, ayant vraisemblablement
pour but d’ébranler le front arabe, en fomentant des troubles dans
le triangle où se retrouvent les frontières syro-irano-irakiennes.”
CRISES DE SOCIÉTÉ ET DE RÉGIME
EN TURQUIE
L’imam Chamseddine explique l’attitude de la Turquie par le
fait que ce pays fait face à une double crise, de société
et de régime, provoquée par le conflit opposant le courant
islamique au courant laïc. “Je m’adresse au président Demirel
et à toutes les fractions du peuple turc acquis à la laïcité,
pour leur dire que la solution ne consiste pas à fomenter des crises
extérieures, ni à transposer le problème en dehors
des frontières. Les Kurdes font partie du peuple turc et des musulmans.
“La solution réside donc dans la nécessité de reconsidérer
la formule sur base de laquelle a été édifiée
la Turquie moderne. Il s’agit de s’assurer si la laïcité prônée
par Ataturk demeure valable. Est-elle appliquée, maintenant, en
Europe occidentale et aux Etats Unis comme au premier quart de ce siècle?
“Puis, la démocratie turque doit être sauvegardée,
non par l’armée, mais par le peuple, de même que le régime
laïc. L’élite turque est appelée à se concerter,
à l’effet de trouver une solution acceptable par toutes les composantes
de la nation.”
NON AUX MASSACRES EN ALGÉRIE AU NOM
DE L’ISLAM
Par ailleurs, le président du C.S.C. condamne les massacres
qui se commettent en Algérie au nom de l’Islam. “Les islamistes,
soutient-il, brisent l’Algérie, tout en portant atteinte à
son renom, à l’Islam et aux Arabes. “Mais en même temps, l’Etat
et certains de ses organismes ont commis des erreurs graves contre la société.
Nous compâtissons au sort de nos frères et sœurs algériens
qui sont victimes du terrorisme et de la violence, quels qu’en soient les
auteurs. “Nous voulons espérer que le leadership ayant émergé
des dernières élections, la nouvelle législature qui
en est issue et toutes les forces politiques, conjugueront leurs efforts
pour sortir le pays de ce cercle infernal et mettre un terme à ce
bain de sang.”
ELIAS AOUN et HUSSEIN KOTEICHE
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