VINGT-DEUX
ANS APRÈS BAALBECK, LA GLOIRE RETROUVÉE
L’hymne national pour inaugurer le Festival. De
gauche à droite, le ministre Mohsen Dalloul et son épouse,
Randa et Nabih Berri, président de l’Assemblée nationale,
la Première Dame ivoirienne, le président et Mme Elias Hraoui,
May Arida, présidente du Comité du Festival.
Un mouvement unique sur scène.
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Le prince blanc et la danse des voiles.
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Le temps n’a fait que s’arrêter pendant vingt-deux ans. Et soudain,
il a repris sa course au soir du 24 juillet. La longue caravane de véhicules
au soleil couchant dans la plaine de la Békaa, l’affluence du beau
monde aux portes de la Citadelle, l’effervescence précédant
un grand spectacle, l’entrée enfiévrée dans les ruines
illuminées, ce sont des habitudes perdues et retrouvées.
Ce n’est pas sans émotion que chacun de nous a entendu retentir
dans le ciel de Baalbeck “le martyre de Saint Sébastien” de Debussy
qui s’était tu pendant vingt-deux ans et qui frappe, comme par miracle,
nos oreilles en même temps que la bise du soir. A trois reprises,
il bat le rappel des spectateurs: la fête va commencer, elle est
imminente. En effet, la fête commence, notamment avec l’arrivée
du président de la République accompagné de son épouse,
du président de la Chambre et de Mme Nabih Berri, de tout un aréopage
de ministres, députés, membres du corps diplomatique, de
nombreuses figures de proue de la société et également
une invitée Mme Henriette Konan Bedie, épouse du chef de
l’Etat ivoirien. Tous debout pour écouter l’hymne national et ensuite
l’allocution du président Hraoui qui, de “Baalbeck l’histoire et
le futur”, déclare ouvert le Festival de Baalbeck, indiquant que
la paix du Liban est celle de la liberté, de la culture et de la
créativité.
Danses et mouashahats.
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Les charmes de la vie en Andalousie.
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Le retour de l’Espagne avec Isabelle
et Ferdinand d’Aragon.
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Couleurs en harmonie avec les humeurs du temps.
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PLEINS FEUX SUR BACCHUS
Pleins feux sur les marches du Temple de Bacchus: cadre idéal
et démesuré pour un spectacle, aussi prestigieux soit-il.
La grandeur et la majesté des ruines et de l’histoire sont des juges
invisibles et impitoyables pour celui qui accède à leur labyrinthe.
En prenant le risque d’y dérouler les fastes et les misères
d’un empire englouti dans la mémoire collective de l’humanité,
Caracalla était pleinement conscient des défis à relever.
Mais, imprégné par l’atmosphère des lieux où
il a vu le jour, longuement confronté à une technique qu’il
a fini par maîtriser, il a su respecter les règles du jeu
imposées par le site et y ménager son espace scénique.
Avec des éléments apparemment simples, s’insérant
naturellement dans le paysage ocre des pierres: d’immenses banderolles
aux couleurs des quatre princes: le rouge, le vert, le blanc, le noir,
un trône, un bassin, il a pu indiquer les éléments
du temps. Et quand il le fallait, engager des batailles avec casques, sabres,
boucliers et signifier les victoires et les défaites à l’aide
de bannières et d’oriflammes. Le tout dans un ruissellement de couleurs,
de soieries, brocarts, mousselines confondues avec la musique, le mouvement
et le verbe. Deux civilisations juxtaposées: arabe et espagnole
sont restituées en fragments de toute beauté et traduites
par des danses dont la maîtrise est totale. Le mouvement qui se dégage
du corps est si fluide que l’on se demande s’il est en connexion avec la
réalité. Il raconte tout dans l’intemporel et la grâce.
Danses du terroir libanais à Bacchus.
LE VISIBLE ET L’INVISIBLE
Lors d’une soirée musicale, un cheikh jouant du oud invite ses
compagnons à exécuter des mélodies populaires de leur
pays. Les uns et les autres racontent leur patrimoine, mélangent
les genres pour finir en cacophonie, une image préfigurant ce que
fut l’Andalousie, l’empire arabe conquis en Espagne au VIIIe siècle
et achevé en 1492 par la “reconquista” sous le règne d’Isabelle
et de Ferdinand d’Aragon. Une voix off de Saïd Akl annonce la conquête
de l’Andalousie, tandis que le joueur de oud, relégué en
marge de la scène, va accompagner le spectacle du début jusqu’à
la fin et comme un hakawati intervenir régulièrement pour
reprendre le fil des événements. L’Andalousie est racontée
par ses quatre princes qui portent les noms de leurs couleurs: le prince
vert dont l’époque fut celle des découvertes; le prince rouge,
un aristocrate et un fantaisiste; le prince noir qui trahit les siens et
le prince blanc contraint de signer la reddition en remettant à
la reine Isabelle d’Aragon la clé de l’Alhambra. Lorsque ces quatre
princes étaient unis, l’Andalousie était au zénith
de sa splendeur. Toutes les disciplines y étaient prospères:
astrologie, mesure du temps, poésie, musique au point que le poète
a pu dire “Empruntez la nuit, le jour ne suffit plus à la lumière
de la civilisation arabe”. Mais les rivalités entre les princes
ont entraîné la chute de l’Andalousie. Les Arabes replient
leurs bannières et leur gloire et retournent chez eux. La vague
qui avait emporté les Espagnols les ramène sur leurs terres.
Isabelle et Ferdinand d’Aragon quittent leur trône pour se mêler
aux danseurs. L’Andalousie espagnole est vécue avec autant de fougue
que l’Andalousie arabe. Avec les mêmes interprètes. Plus de
quatre-vingts maîtrisant toutes les disciplines, Arabes quand il
le faut, Espagnols aussi. Tout part du visible à l’invisible. Le
spectacle suggère plus qu’il ne raconte. Et l’imagination fait des
bonds, de la part des auteurs comme des spectateurs.
QUI DONC VOUS A DIT?
La machine à remonter le temps est revenue au présent
et voici que les chants et danses du terroir marquent à nouveau
leur territoire. Des couleurs et des airs bien de chez nous, avec un danseur
exceptionnel, Omar Caracalla et une pléiade d’artistes qui font
vibrer d’un même élan les 2500 spectateurs. La voix off de
Saïd Akl intervient à nouveau: “Ils disent que le Liban est
parti. Mais qui donc a pu leur dire qu’il est jamais parti?” En effet,
il est là, omniprésent. A tel point que, d’un même
élan, le président Hraoui, son épouse Mona, Nabih
et Randa Berri, les ministres montent sur scène pour féliciter
Abdel Halim Caracalla, dont le sacre officiel vient d’être achevé
sur les marches du Temple de Bacchus. Il est entouré des trois compositeurs:
Walid Gholmié, Marcel Khalifé, Charbel Rouhana, de l’ensemble
des acteurs-danseurs et même d’un invité d’honneur le cinéaste
Franco Zefirelli. Sans oublier la Première Dame ivoirienne et, surtout,
l’élégante May Arida, présidente du Comité
du Festival. C’est l’apothéose. Le Festival est revenu à
la vie. Tout comme le Liban. Mais est-il jamais parti?
EVELYNE MASSOUD
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