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Un incendie qui a duré quatre heures a ravagé le Musée des Monuments de France. Les flammes ont détruit la toiture du musée située dans l’aile Paris du Palais de Chaillot. Des nageurs de combats dans les fontaines du Trocadéro, une fusée éclairante à parachute quittant brusquement sa trajectoire, des ombres furtives sur les toits, plus de deux cents pompiers dépêchés de 21 casernes ont lutté contre le feu, avant de le circonscrire au petit matin. Entre-temps, les badauds présents aux abords du palais entendaient deux détonations... Le Musée des Monuments est le temple de la Culture française, un lieu tellement vaste qu’il a pu accueillir des copies grandeur nature des plus beaux édifices français, offrant aux visiteurs un extraordinaire mélange des genres avec la Cinémathèque où sont emmagasinés quelque quarante mille bobines correspondant à vingt-trois mille titres, le sanctuaire Henri Langlois, la salle de projection... Le Musée de la Marine, l’Atelier de Moulage de la réunion des Musées nationaux et le centre d’études supérieures d’histoire et de conservation des monuments anciens ont, également, élu domicile dans ces lieux. Un haut-lieu de la Culture, fréquenté chaque année par des millions de touristes et de Français, un joyau architectural signé Viollet-le-Duc.
LES EXPERTS ET LES CONSERVATEURS SEMBLENT RÉVISER
À LA BAISSE LE COÛT DES DÉGÂTS
L’heure est au nettoyage... Le toit du palais de Chaillot est éventré,
des gravats de plâtre jonchent le sol du musée. Entre les
flaques d’eau boueuse, quelques répliques en plâtre d’art
gothique, des plaques de zinc et de cuivre se sont écroulées
sur les moules. La belle patine de l’ancienne église Saint-Urbain
de Troyes laisse apparaître de larges coulures blanches... Tout est
gorgé d’eau. A la cinémathèque, les dessins d’Emile
Cohl ont été mouillés mais, par miracle, les œuvres
sont intactes; seule la salle de projection est détruite... Deux
jours plus tard, les experts et les conservateurs semblent réviser
à la baisse le coût des dégâts. Le sinistre devrait
coûter moins cher que prévu, après les estimations
qui parlaient de plusieurs dizaines de millions de francs. Aujourd’hui,
il n’est plus question que de quelques millions pour les travaux concernant
le bâtiment et de centaines de milliers de francs pour les restaurations
des moulages du XIXe siècle. L’enquête sera donc, particulièrement
suivie par les pouvoirs publics et, d’ores et déjà, l’Etat
a saisi le tribunal administratif de Paris pour élaborer un constat
d’urgence qui devrait intervenir dans les prochains jours et permettre
ainsi de chiffrer avec exactitude le budget requis pour remettre en marche
le musée. Didier Frémont, responsable des visites, témoigne
aux journalistes dans un décor d’eau et de suie; une à une
il caresse du regard les pièces maîtresses de la collection
d’œuvres sacrées: «Il y a un mois, nous avions, heureusement,
regroupé une importante partie des moulages au centre de la Galerie...»
Les flammes ont rongé la verrière découpant un triste
espace ouvert sur le ciel. Mais seuls 5 à 10% des collections seraient
irrémédiablement endommagés et 30% touchés.
Responsables et employés affichent, quand même, une mine soulagée.
Le directeur Gui Cogeval dit: «J’ai vécu quatre heures en
pensant que tout allait s’effondrer...» Sur les lieux, peu après
le début de l’incendie, le ministre Catherine Trautman venue constater
les dommages... Après l’émotion suscitée par le sinistre,
c’est avec un peu plus de recul que se fait l’état des lieux. Comment
va-t-on restaurer le Musée des Monuments Français et celui
du Cinéma? En travaux depuis quelques années, l’édifice
en était à sa dernière semaine de rénovation.
Quarante millions avaient déjà été engagés
quant à sa réfection estimée à deux cent seize
millions de francs... Mais on avait interrompu les travaux dans l’attente
d’un nouvel arbitrage ministériel et Mme Trautman de préciser:
«Le sinistre ne remet pas en cause tous les projets qui pouvaient
être à l’étude...» En attendant, des milliers
de visiteurs éventuels attendront quelques mois pour flâner
à nouveau au milieu de six mille moulages et des nombreuses maquettes
des châteaux construits par les Croisés en Terre Sainte...
Erigé pour l’exposition universelle de 1878, le Palais de Chaillot
avait été entièrement redessiné en 1937, offrant
à tous la France sur un plateau, à une époque où
le voyage relevait de l’aventure...
S.N.