Mardi 29 juillet à 20h30, le célèbre violoncelliste Mstislav Rostropovitch a débarqué à Beyrouth, venant de Paris sur les ailes de la MEA, pour donner à Baalbeck le 30 au soir un concert unique, en collaboration avec l’orchestre philharmonique de Radio France que dirige Marek Janowski. L’événement est de taille, pour le Liban et pas uniquement sur le plan culturel. Car la participation du grand Rostropovitch, de renommée mondiale, à la “Renaissance” du Festival International de Baalbeck aura un impact à l’échelle planétaire et confirmera la volonté des Libanais de redonner à leur pays, l’image et la place qu’il a toujours occupées dans le concert des nations. L’événement sera couvert non seulement par les médias locaux mais, aussi, internationaux dont une équipe de TF1 venue à Beyrouth pour la circonstance.
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Rostropovitch est accueilli au bas de l’échelle de l’avion par la présidente du Festival de Baalbeck et arrive au salon d’honneur de l’AIB, au bras de Mme May Arida, sa grande amie de toujours, traînant avec lui son précieux violoncelle le “Duport” d’Antonius Stradivarius daté de 1711. Avec ses yeux bleus, son visage aimable et souriant,on le sent très vite proche du cœur, comme si on le connaissait de tout temps. Est-ce le propre des artistes? Surtout quand ils sont d’origine slave! Par des mots simples, il exprime sa joie d’être au Liban pour marquer la renaissance du festival de Baalbeck. “C’est l’un des plus grands jours de ma vie, affirme-t-il d’emblée. J’aime énormément votre pays qui a été, par ailleurs, pendant longtemps le centre d’émotion dans le monde, car nous souhaitions tous le retour de la paix dans votre si beau Liban. Vous êtes un grand peuple, car vous avez fait la paix dans votre merveilleux pays.” - Est-ce en quelque sorte votre premier message aux Libanais? “Oui, c’est mon message aux Libanais. Je suis venu ici avec tout mon cœur, avec tout mon amour, avec toute mon admiration pour vous, car vous avez donné l’exemple au monde entier, comment il est possible d’instaurer la paix, de créer l’amour et l’entente entre des gens, même s’ils sont de différentes religions. Merci d’avoir donné ce grand exemple au monde.” Rostropovitch était venu une première fois à Baalbeck en 1969 où il avait donné un concert avec Masur et Richter. “Baalbeck est pour moi, dit-il, une place inoubliable et cette beauté porte en elle une grande force spirituelle. J’ai beaucoup souffert avec vous tout au long de vos années d’épreuves et pour cela j’ai choisi aujourd’hui de jouer à Baalbeck le même concert que j’avais joué il y a près de trente ans en 1969, afin que ce soit un message de continuité d’une belle époque.” Commanditaire de plusieurs œuvres de grands compositeurs de notre époque, il affirme avoir joué “la première mondiale pour 107 œuvres pour violoncelles et 67 comme chef d’orchestre. Ces compositeurs sont à la fois des amis; ils ont créé pour moi et j’ai créé pour eux.” De ses trois fonctions comme violoncelliste, chef d’orchestre et pianiste accompagnateur, y aurait-il une qu’il préfère tout particulièrement? “Ce n’est pas possible, car chacune m’apporte une richesse spécifique. Peut-on dire laquelle de nos deux mains, on préfère?”
JANOWSKI: “JE SUIS HEUREUX DE PARTICIPER À
LA RENAISSANCE DE CE FESTIVAL”
Parlant de May Arida qu’il appelle, affectueusement, Maïchka,
il affirme: “Elle est mon grand amour. Elle m’a invité la première
fois il y a 28 ans”. Ils se sont revus à plusieurs reprises à
Washington, Londres, Paris, Athènes... Lorsque la guerre a pris
fin au Liban, il lui avait écrit une lettre de St Pétersbourg,
avant même de savoir qu’il reviendra à Baalbeck et que le
festival reprendrait un jour. “Maïchka, disait-il, je suis tellement
heureux que la paix soit revenue dans notre si cher pays,” en soulignant
cette dernière phrase. De son côté, le grand chef d’orchestre
Marek Janowski qui dirige l’orchestre philharmonique de Radio France depuis
1984, avec 139 instrumentistes, dont 105 l’accompagnent au Liban, nous
confie: “Je suis heureux de participer à la renaissance de ce festival
qui, dans les années soixante, alors que j’étais un jeune
élève plein d’enthousiasme pour la musique, représentait
à mes yeux, le grand festival en plein air, du monde. Tous les grands
orchestres allemands y sont allés régulièrement et
c’est pour moi et mon orchestre, quelque chose de fabuleux, de fantastique
de participer à sa réouverture”. Rostropovitch précise
pour sa part, qu’en 1969 il n’avait pas eu le temps de faire la moindre
répétition avec Masur avant de donner le concert: “J’étais
arrivé à Baalbeck en hélicoptère, alors que
le public était déjà sur place et l’orchestre sur
l’estrade. Par contre, cette fois, avec mon grand collègue Janowski,
nous avons pu répéter à Paris. Et c’est pour la première
fois que nous jouons ensemble”. Il confie que, parmi tous les violoncelles
qu’il possède, il en est un qui est particulièrement cher
à son cœur, confectionné en 1760 par un élève
de Stradivarius, Lorenzo Stolioni. Et des innombrables concerts qu’il a
donnés de par le monde, Baalbeck reste un des plus importants pour
lui. Né à Bakou en 1927, ayant vécu entre Washington
et l’Europe à partir de 1974, il a sillonné la planète
et se dit “citoyen du monde”. Le mot de la fin de cette rencontre revient
à Mme May Arida: “Je suis émue et heureuse d’être avec
mon grand ami Slava qui vient faire la renaissance du Festival International
de Baalbeck”.
NELLY HÉLOU