BAALBECK AN XX OU LE RÉVEIL
DES DIEUX
L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE
DE RADIO FRANCE ET ROSTROPOVITCH
PRESTIGE D’UN ENSEMBLE ET D’UN CHEF,
NOBLESSE ET AMPLEUR D’UN ARCHET MAIS AUSSI UN ACTE DE FOI
ET DE CONFIANCE EN L’AVENIR
La Première Libanaise prononçant
son
allocution avant de décorer le célèbre
violoncelliste.
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Rostropovitch saluant son auditoire.
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Et le miracle de nouveau s’accomplit...Il y a des jours où la fierté
nationale se mêle tout naturellement et très légitimement
à la joie purement esthétique. Ce soir du 30 juillet 1997
dès l’attaque des premiers accords d’“Egmont”, les colonnes de granit
de Bacchus et de Jupiter se sont décantées de leur poussière
pour manifester à nouveau dans le calme et la sérénité
de la nuit toute leur splendeur et leur majesté. Les dieux aussi,
gardiens vigilants et jaloux de ces lieux deux fois millénaires,
ont surgi de l’ombre et du silence comme pour affirmer encore davantage
leur présence. C’est cela Baalbeck, c’est cela aussi le Liban...
Une telle soirée, qui dépasse assuré-ment la portée
d’un simple concert, s’impose, pour qui l’écoute avec la conviction
nécessaire, comme la source d’émotions inexprimables dans
la joie de la communion entre exécutants et auditoire. Et notre
gratitude est immense à l’égard de tous ceux qui, aujourd’hui
comme hier, ont contribué à la réalisation et au maintien
de ces manifestations hautement sélectives qui ont toujours fait
la renommée mondiale de ce Festival. Cependant et il nous faut le
signaler, l’écueil que constitue la présentation à
découvert sur l’esplanade du temple de Bacchus d’un ensemble symphonique
aussi fourni soit-il. Est-il à déplorer que beaucoup d’auditeurs,
des dernières rangées surtout, n’aient pu apprécier
à sa juste valeur l’équilibre sonore de ce merveilleux ensemble.
“Egmont” était donné en premier, la plus belle et la plus
émouvante peut-être, mais certainement la plus significative,
la plus bouleversante, la plus proprement beethovénienne des ouvertures
de Beethoven, plaçant ce concert sous le signe du plus haut pathétique
humain. Ce qui caractérise l’interprétation, outre les multiples
nuances, c’est la mise en valeur des thèmes par contrastes violents,
où la puissance est égale à la douceur, avec toujours
une continuité remarquable du phrasé. Usant d’une autorité,
d’un ascendant incontestable Marek Janowski tire de l’orchestre les couleurs
voulues; ceci allant de pair avec la sagesse des tempi, il s’ensuit une
mise en valeur de l’architecture sonore.
UNE ARDENTE ÉMOTION
Quoi de plus merveilleux, à présent, que d’écouter
le Maître Rostropovitch dans le “Concerto pour violoncelle et orchestre
en si mineur” de Dvorak. Quel noble et sublime archet, en effet, pour traduire
avec autant de sensibilité et de dynamisme le lyrisme profond de
ces pages et mettre en relief toute la richesse des mélodies, en
même temps que le développement magistral des thèmes.
Ce qui distingue ce musicien d’excep-tion c’est l’équilibre, la
plénitude et la grâce bien sûr, mais aussi et surtout
l’élégance de son jeu débordant de vie avec cette
recherche constante d’une esthétique d’expression qualités
ma-jeures qui lui confèrent une personnalité propre. Son
jeu, ce soir-là, était tout à la fois expressif et
fougueux et le dialogue constamment soutenu.
UNE FULGURANTE “FANTASTIQUE”
Que d’émotions à l’écoute de cette passionnante
déclaration d’amour qu’est la “Symphonie Fantastique” de Berlioz.
Cette œuvre remarquable est partiel-lement autobiographique, puisqu’elle
a été largement inspirée par l’amour de l’auteur pour
Harriett Smithson. Quel cadre magnifique et grandiose, pour cette fresque
sonore aussi auda-cieuse que démesurée. Si Berlioz est essentiellement
un musicien de rupture, c’est qu’il y a dans son œuvre des moments où
sa fougue créatrice anticipe étrangement sur les audaces
de la musique du XXe siècle. Une orchestration “moderne” où
le timbre, la couleur, la dynamique jouent un rôle prépondérant
dans l’expression musicale. C’est tout cela la “Symphonie Fantastique”.
Ce n’est pas seulement avec une pleine conviction et une pénétration
entière que Marek Janowski et l’Or-chestre Philharmonique de Radio
France nous ont reconstitué ce subtil monument sonore qui constitue
l’une des pages les plus attachantes de tout le répertoire symphonique,
mais égale-ment avec cette recherche constante de lumière
et de coloris les plus nuancées et, aussi, avec cet équilibre
et cette justesse d’intonation qui imposent l’admiration et le respect.
Comment ne pas s’émouvoir après une telle interprétation
qui fut saluée par de très chaleureux applaudisse-ments.
Une soirée de vraie et grande musique tout à l’honneur du
valeureux ensemble français, de son chef, l’incomparable violoncelliste
Mstislav Rostropovitch et des organisateurs du Festival Interna-tional
de Baalbeck.
GEORGES BAZ
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