Le Dr Sleiman Kanaan, député du Liban-Sud, est obsédé, c’est le cas de le dire, par la situation dans la région de Jezzine, sa ville natale. Il lance un SOS et demande avec insistance à l’Etat de s’occuper de près de sa circonscription qui est en train de se vider, à un rythme accéléré, de sa population, en raison des conditions de vie et de travail très difficiles, cette région étant prise entre le marteau israélien (et de l’ALS) et l’enclume de la résistance. Cependant, le parlementaire sudiste ne doute pas de la réouverture, à plus ou moins brève échéance, de la voie de passage de Kfarfalous, après le déminage du secteur par les artificiers de l’armée libanaise. “Les renseignements dont je dispose, assure-t-il, et bien des indices qui ne trompent pas, le confirment.”

DÉPLORANT LA SITUATION SOCIO-ÉCONOMIQUE SLEIMAN KANAAN:

“AVEC LA RÉOUVERTURE DU PASSAGE DE KFARFALOUS, JEZZINE SORTIRA DE SON ISOLEMENT”

A la question: Ne pensez-vous pas que Jezzine a souffert jusqu’ici de la négligence des responsables, lesquels n’ont pas fourni à ses habitants les moyens de résister à l’ennemi israélien?, le Dr Kanaan répond: “C’est exact et nous avons réitéré, vainement, nos appels. “Notre ville est pratiquement privée de tout et le Conseil du Sud ne prête pas l’oreille à ses doléances, comme si elle n’était pas occupée et ne se trouvait pas en butte à maintes difficultés que ses habitants ne peuvent surmonter.”

JEZZINE, UN PETIT OISEAU LÂCHÉ PARMI LES VAUTOURS
Il rappelle que Jezzine figurait en tête des centres de villégiature, ses cataractes et son artisanat, la coutellerie, notamment, ayant attiré, autrefois, un flux sans cesse grandissant de touristes étrangers et d’estivants tant locaux qu’arabes.

- Que font les députés de la circonscription pour sauver Jezzine de la situation si peu enviable dans laquelle elle se débat?
“Que pouvons-nous faire en présence de forces locales, régionales et internationales qui s’y affrontent aux dépens de ses fils? Jezzine res-semble à un petit oiseau lâché parmi les vautours. En dépit de cela, nous ne cessons d’élever la voix, dans l’espoir d’obtenir le minimum de ce que sa population a besoin pour mener une vie décente.”

LE ST-SIÈGE INFORMÉ DE LA SITUATION
- Auriez-vous effectué des contacts ou des démarches auprès des instances internationales et qu’en est-il de vos fréquentes visites au cardinal Sfeir?
“S.B. le patriarche Sfeir porte Jezzine dans son cœur et ne cesse d’œuvrer aux fins de sortir la localité de la situation déplorable où elle se trouve. Sa Béatitude a mis le Saint-Siège au courant des difficultés et des ennuis auxquels les habitants font face depuis longtemps. Le Vatican a réagi et a même dépêché un émissaire papal à Jezzine. Cependant, le problème est tellement complexe, que son règlement exige la conjugaison des efforts à plusieurs niveaux.”

- Doit-on donc désespérer d’une solution?
“Tout le monde connaît ma franchise et j’ai l’habitude de dire la vérité, si dure soit-elle. Tout ce que je m’emploie à faire, c’est d’alléger les souffrances et les privations de mes concitoyens, au double plan politique et social, dans l’attente d’un heureux épilogue que je souhaite le plus proche possible. “Je ne vous cache pas que des démarches sont effectuées au plan local, à l’effet de normaliser la situation à Jezzine et dans tout le caza, mais je m’abstiens d’en révéler la teneur pour le moment; attendons que ces démarches portent leurs fruits. J’ai la conviction que notre ville redeviendra paisible et sera de nouveau la porte à travers laquelle le Sud connaîtra la prospérité. “Quoi qu’il en soit, nous continuerons à réclamer la reconnaissance de nos droits, non seulement à Jezzine, mais dans tout le Sud et la région arabe, car la paix ne peut être instaurée, si tous les citoyens ne récupèrent pas leurs droits.”

RÉTABLIR L’ÉQUILIBRE AU PLAN NATIONAL
- Vous avez été l’un des membres de l’Assem-blée ayant voté pour la prorogation du mandat des municipalités et des moukhtars; pourquoi?
“Au contraire, j’ai plaidé en faveur de l’organi-sation des élections municipales dans le plus bref délai. Cependant, quand la majorité se prononce sur une proposition ou projet de loi, on ne peut qu’y souscrire. “De toute manière, il importe de régler bien d’autres problèmes avant les élections.”

- A quoi faites-vous allusion?
“Il faut, au préalable, clôturer le dossier des dé-placés, consolider la paix civile, rétablir l’équilibre au plan politique, social et national.” - Le cas des personnes déplacées fait l’objet de tractations politiques et des difficultés d’ordre financier retardent leur retour. Le report des municipales serait-il en rapport avec cette affaire? “Le dossier des déplacés doit être clôturé dans le plus bref délai, ceux-ci devant réintégrer leurs vil-lages qu’ils ont été contraints de quitter en 1975. Naturellement, il faut leur assurer les fonds néces-saires à la reconstruction ou à la restauration de leurs demeures et cela suppose l’arrêt des tractations politiques ou de toute autre nature.”

LES QUESTIONS-RÉPONSES PRÉFÉRABLES AU DÉBAT GÉNÉRAL
- Le dernier débat de politique générale à la Chambre vous a-t-il satisfait, de la manière dont il s’est déroulé, avant d’être escamoté?
“Je ne trouve aucun profit, ni aucune utilité dans des séances où abondent les discussions sans résultat et, surtout, sans parvenir à trancher les problèmes exigeant des solutions urgentes. “Je préfère les séances parlementaires réservées aux questions-réponses. Dans le passé, le débat de politique générale se terminait par un vote de con-fiance (ou de défiance). Aujourd’hui, il se limite à l’échange d’accusations et à de longues interven-tions qui ont fini par lasser le citoyen, d’autant qu’il est interdit aux membres de l’Assemblée de dépasser une ligne rouge...”

- Les divergences entre les gens du pouvoir ne semblent pas sur le point de prendre fin, alors que la situation socio-économique se perpétue.
“La conjoncture régionale et les conditions de vie du citoyen de plus en plus étouffantes devraient amener les responsables à assainir le climat intérieur envenimé, justement, par les divergences au niveau du pouvoir et des cercles politiques”.

“WAIT AND SEE”
- Est-ce la conjoncture régionale et locale qui exige le maintien du Cabinet?
“Il semble que ce soit le cas et c’est elle qui a favorisé la reconduction du mandat présidentiel pour trois ans. En fait, la situation actuelle est la conséquence naturelle de dix-sept ans de guerre, comme de l’occupation par Israël d’une partie du Sud et de la Békaa ouest”.

- Et quelle est la solution?
“Elle consiste à attendre et voir venir, dans l’espoir d’un changement positif de la situation, en adoptant la politique des priorités sociales, tout en raffermissant les assises de la liberté et de la dé-mocratie”.

- D’aucuns parlent d’un éventuel changement gouvernemental, seul capable de redresser la situation. Qu’en pensez-vous?
“En réalité, l’échéance sociale constitue la principale préoccupation du Cabinet. Aussi, devrait-il procéder sans plus de retard à modifier sa manière de gérer la chose publique, à réduire les dépenses improductives et, surtout, à reconsidérer sa politique fiscale, les citoyens n’étant plus en état de supporter de nouveaux impôts et taxes. “Car la situation socio-économique ne souffre plus d’atermoiement ou d’ajournement. “Il faut donc traiter les problèmes exigeant des solutions urgentes avant qu’il ne soit trop tard et pour empêcher que le temple s’écroule sur tous ceux qui s’y trouvent. Une fois de plus, je lance un SOS et mets en garde contre la persistance de la situation sociale devenue catastrophique”.

(Propos recueillis par JOSEPH MELKANE)

 

 


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