IL AVAIT ÉTÉ IMPOSÉ DEPUIS DIX ANS
LA LEVÉE DE L’INTERDIT US, VOTE DE CONFIANCE EN FAVEUR DU LIBAN?
Le président Rafic Hariri a annoncé, avec un large sourire, la nouvelle à ses concitoyens. “C’est un geste de confiance que nous devons apprécier à sa juste valeur!” Immédiatement, le chef de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères; même les responsables du “Hezbollah”, ainsi que les milieux parlementaires s’en sont félicités. Notamment le président Hraoui: “C’est une grande victoire morale pour le Liban et l’aboutissement d’une vaste campagne doublée de pressions de politiciens et d’hommes d’affaires américains d’origine libanaise”. Le chef de l’Etat ne s’est pas privé, non plus, de rappeler que, selon le mot d’un sénateur américain en visite au Liban, l’an dernier “le Liban est, en ce moment, plus sûr que Washington”. Affirmant tout ignorer des engagements pris par M. Hariri, le président a tenu à faire une nette distinction entre “résistance” et “terrorisme”. Dans les milieux politiques, les spéculations sur les véritables raisons de la levée des restrictions U.S. ont commencé à aller bon train! “Y a-t-il un prix politique à payer?, s’interrogent certains milieux? “La levée de ces restrictions nous engage-t-elle à l’égard des Etats-Unis dans des procès, tels que celui des assassins de l’ambassadeur Francis Melloy ou bien l’extradition des auteurs du détournement de l’avion de la TWA?” Dans les cercles proches de M. Hariri, la levée de l’embargo doit être considérée “comme l’une des étapes majeures que franchit le Liban sur la voie d’un rétablissement total, d’un retour complet à la normale, après les années de la guerre”.
GESTE DE CONFIANCE... MITIGÉ?
Le secrétaire d’Etat, Madeleine Albright annonçait, mercredi 30 juillet, qu’elle décidait de lever les restrictions imposées depuis dix ans aux Américains, souhaitant se rendre au Liban - tout en déconseillant tout voyage au Liban, qu’elle continue à considérer comme un “endroit dangereux”. Le département d’Etat a publié à cet effet un communiqué explicite et une mise en garde officielle. Passant outre à des restrictions verbales, considérées comme une affaire purement intérieure aux Etats-Unis, M. Rafic Hariri revient à la charge et déclare que “la décision des Etats-Unis est un vote de confiance en faveur du Liban”. Mais à la satisfaction de la première heure, a succédé une foule de questions sur la mission entamée aux Etats-Unis par un conseiller de M. Hariri - le ministère des Affaires étrangères n’en ayant pas été informé: - sur sa nature, sur les conséquences de la ratification par le Liban des conventions relatives à la lutte contre le terrorisme et les prises d’otages, et... les éventuelles concessions que Beyrouth aurait consenties aux Américains. Ces interrogations ne sont pas de simples supputations. Elles ont été explicitement formulées par des députés de la commission parlementaire des Affaires étrangères, appelée à examiner la convention internationale relative à la prise d’otages - et ce moins de 24 heures après la levée des restrictions! Cette convention est la dernière d’une série de dix protocoles que le Liban était invité à ratifier avant la levée des restrictions. M. Ammar Moussaoui, membre de la commission, hostile à la convention, a affirmé que sur le plan juridique, son parti ne s’y opposait pas, mais il a objecté que la levée des restrictions ne devrait être liée à aucune condition, ajoutant que “la décision de Mme Albright vise à sauvegarder les intérêts des sociétés américaines absentes du Liban et ne constitue pas un geste d’une telle bonne volonté en direction de notre pays.”
LES RÉACTIONS LOCALES
Face à cette levée des restrictions, la classe politique libanaise demeure très divisée, l’opinion allant de l’approbation à la méfiance sinon à l’hostilité, en passant par certaines attitudes timorées... Ainsi, l’ancien chef du gouvernement, Omar Karamé, a souligné que la décision américaine était de nature à donner une impulsion morale au Liban. “Mais au fond, cette victoire que chaque responsable veut faire sienne est, en réalité, une décision purement américaine - les Etats-Unis ne prenant que des décisions favorables à leurs intérêts.” D’un autre côté, le “chef de la révolte des affamés” s’est interrogé sur les conditions posées par les Américains pour lever l’embargo... Et le chef intégriste de conclure “en mettant en garde contre toute discrimination entre ressortissants occidentaux et autres visiteurs du Liban! (sic). Quant au Conseil supérieur du P.N.L., il a estimé que la décision des U.S. reste incomplète, tant qu’elle ne s’accompagnera pas de mesures pratiques concernant, notamment, la reprise des services consulaires et... des liaisons aériennes. M. Dory Chamoun a, en outre, émis l’espoir que Washington “lève, également, l’embargo sur l’indépendance du Liban, sa souveraineté, sa liberté de décision et le respect de son système et de son rôle particulier, au Moyen-Orient.
RÉACTIONS POSITIVES
C’est, surtout, dans les milieux commerciaux et industriels que la levée de l’embargo a suscité le plus grand nombre de réactions positives. Ainsi, l’association des industriels libanais s’est félicitée de la décision américaine qui entraînera une augmentation des investissements au Liban, du moment que les hommes d’affaires américains sont, désormais, encouragés à y venir et, M. Mahmoud Sinno, son président, qualifie la décision américaine, de “nouvelle page dans les relations entre les deux pays.” Après les milieux politiques et industriels, - sauf dans l’entourage du “Hezbollah” et quelques opposants - les organismes économiques se sont, à leur tour, unanimement félicités de la levée des restrictions, soulignant que cette mesure va avoir un impact positif sur la reprise économique libanaise. Selon le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie, M. Adnan Kassar, cette décision “relève le moral des Libanais dans la poursuite de la grande entreprise de reconstruction de leur pays.”
ACCUEIL FAVORABLE DES AGENCES DE VOYAGE ET DE TOURISME
M. Antoine Massoud, président honoraire du syndicat des propriétaires des agences de voyage et de tourisme, accueille favorablement la levée de l’interdit sur le voyage des ressortissants américains désireux de venir au Liban. “La décision du département d’Etat, dit-il, constitue une occasion de développer l’échange de visites entre les deux pays et le secteur touristique dans son ensemble.” Aussi, demande-t-il au gouvernement d’entreprendre, sur-le-champ, des négociations avec les autorités US, en vue de permettre à la Middle East Airlines de desservir de nouveau les lignes aériennes reliant Beyrouth à New York et Ottawa.