LES ORDURES: OÙ ALLONS-NOUS?


Artère principale de Jal el-Dib bloquée tous
les jours par des montagnes de déchets.


Ces emballages-cadeaux compressés:
à qui sont-ils destinés?

Le dépotoir géant de Ouyoune As-Siman:
hérésie impardonnable.


UNE DÉCISION HÂTIVE
M. Akram Chéhayeb, ministre de l’Environnement, étudiait, très sérieusement, le projet d’exécution. Mais la pression populaire, les rapports médiatiques et les mises en garde journalières du porte-parole de “Greenpeace” (que vient-il faire dans cette galère?) ont hâté cette fermeture, avant même qu’une solution de remplacement ait été trouvée. L’incendie provoqué de l’incinérateur d’Amroussié a compliqué le problème au niveau des 600 tonnes journalières de déchets qui s’accumulent, dangereusement, dans la banlieue- Sud depuis presque trois semaines.

PARALYSIE DE LA VOIERIE ET MESURES PARTIELLES
Même dans la partie Est de notre capitale, une discontinuité très visible et puante se manifeste au niveau d’une collecte médiocre d’une partie des 1.100 tonnes par jour de nos déchets urbains et autres qui s’accumulent dans les poubelles. La société chargée de ce ramassage utilise, actuellement, un système de sélection appliqué, surtout, aux axes principaux et à certains quartiers huppés. Il semblerait que l’usine de la Quarantaine qui cumule la réception, le hachage, le triage, le broyage, le recyclage, le compostage, la compression, l’emballage, le stockage et l’incinération des déchets, soit dépassée par les événements. Nous disons, tout simplement, que son infrastructure technique et sa surface d’action ne lui permettent pas d’accueillir et de traiter cette noria quotidienne réelle de 160 camions-bennes chargés d’ordures urbaines et industrielles. Il aurait fallu, d’abord, que deux sociétés différentes s’occupent: l’une du ramassage; l’autre, du traitement des déchets. Avec la centralisation occulte actuelle, la collecte se fera seulement en fonction de la capacité d’absorption de l’usine. “Qui trop embrasse mal étreint”, ce proverbe s’adapte à bien des situations similaires au Liban.


Accumulation permanente d’ordures
ménagères à Haret Sakhr, au-dessus
de la station d’eau potable de Dbayé.


Le bain nocturne des fumées du dépotoir
a repris au-dessus de Bourj-Hammoud,
d’Achrafié et même plus loin.


Des déchets souillés et irrécupérables
stockés presque jusqu’au plafond.


Spectacle habituel dans nos rues:
les déchets sont brûlés dans leurs conteneurs.

NUISANCES, DÉRAPAGES, ENFOUISSEMENT HÂTIF DES DÉCHETS
Avec cette masse gigantesque d’ordures non traitées qui risquent d’ensevelir le pays du Cèdre, dont l’emblème, s’il est contaminé, risque de disparaître comme à Harissat-Tannourine. Une solution d’urgence va être, paraît-il, appliquée dans la banlieue-Sud où nos frères vont, enfin être libérés de cette gangue étouffante de déchets accumulés depuis plus de trois semaines. Une colline de 7 à 8 milles tonnes d’ordures en décomposition sera créée, alors, sur une zone sabloneuse proche de l’aéroport pour y organiser, tardivement, un centre de triage. La plus grande partie de ces résidus puants seront ensevelis dans de grandes fosses de façon provisoire, jusqu’au 30 septembre, où l’on commencera à les traiter. Ce qui représente un dérapage évident des méthodes rationnelles, car ce dépotoir anarchique, s’il n’est pas surveillé, sera déterré par des hordes de chiens errants et de rats qui vont, ainsi, libérer des gaz putrides et des myriades de mouches. Et à la fin du mois de septembre, les premières pluies vont transformer ce milieu malsain en un marécage boueux qui ne pourra plus être traité. Il aurait mieux fallu au fond de la fosse, étaler des couches d’un mètre de déchets recouverts de poudre de chaux-vive et d’une vingtaine de centimètres de sable ou de terre. Et ainsi de suite jusqu’au remplissage de cette grande fosse. Et après une dernière couche de bonne terre, attendre la saison des pluies. A ce moment, mettre en place au cordeau et bien aligner, des centaines de jeunes plants d’arbres du type Eucalyptus, Tamaris et pins maritimes qui, bien plantés et protégés, formeront de belles forêts. C’est le système classique très simple du “landfill” anglais, appliqué à l’est de Londres.

SURSATURATION, MOYENS PRIMITIFS DE TRIAGE ET DÉBORDEMENTS PROBABLES
Actuellement, l’usine de la Quarantaine semble sursaturée. Les déchets hétéroclites sommairement hachés, se présentent sous formes de débris multicolores de plastique, métal, carton, papier et même de verre aux arêtes tranchantes. Ils s’accumulent, directement, par terre presque jusqu’au plafond avec un stade avancé de fermentation ayant largement dépassé le compostage aérobic, en dégageant des odeurs qui indisposent le voisinage. Ces tas immenses de déchets hétérogènes sont, paraît-il, triés manuellement, pour en retirer les particules de plastique et de verre coupant, pour être ensuite broyés, compressés et emballés, en ballots cubiques qui vont être stockés, soigneusement, peut-être dans le hangar de 10.000 mètres carrés du dépotoir de Bourj Hammoud. Mesures momentanées qui, en cas d’accumulations incontrôlables, risquent de provoquer des débordements discrets vers le dépotoir mitoyen du cinquième bassin. Au niveau d’une colline de terres polluées par les déchets toxiques italiens des années 1987-88 et dont le transport discret vers la région de Monteverde a été, heureusement, interrompu.


Suite à l’insuffisance du traitement des ordures,
le dépotoir a repris du service au niveau de l’incinération.


L’usine de la Quarantaine à l’entrée exiguë.


Un procédé primitif de triage plus propre que
la collecte polluante en vrac.


La seule solution restante pour Beyrouth-Est,
le «landfill» dans les fosses immenses
des carrières de Nahr el-Mot.

BEYROUTH-EST MENACÉE D’ACCUMULATION DE DÉCHETS ET DE MALADIES CONSÉQUENTES.
Etant donné l’insuffisance du ramassage et du traitement de déchets abondants, la région de Beyrouth-Est et de sa banlieue se couvrent de tas de déchets malodorants, aux carrefours, dans les rues latérales, sur le bas côté des routes, dans les vallées et au bord de la mer. Avec une prolifération massive de mouches qui véhiculent des maladies cutanées et infectieuses, de rats dont la morsure peut causer la rage et dont les puces peuvent transmettre la peste. Les mêmes calamités qui règnent dans la banlieue Sud, avec les émanations similaires irritantes et toxiques de mercaptans, hydrogène sulfuré et, même, de nappes asphyxiantes de monoxyde de carbone dégagées par la combustion lente des ordures dans leurs conteneurs.

MESURES ILLÉGALES ET SOLUTIONS DÉFINITIVES.
Pour traiter ce problème lancinant, plusieurs procédés illégaux sont adoptés par ceux qui sont chargés de le résoudre de façon hygiénique. Certaines municipalités de Ftouh-Kesrouan vident leurs bennes municipales dans un dépotoir situé sur les hauteurs neigeuses d’Ouyoune As-Simane, polluant les eaux des sources de Nabh el-Assal, Nabh el-Laban et menaçant gravement l’eau de la grotte de Jeita. Les débordements possibles vers le dépotoir du cinquième bassin sont à contrôler sérieusement. Le dépotoir du Monteverde doit être surveillé et traité avant les premières pluies, pour protéger la belle vallée du fleuve de Beyrouth sous-jacente et ses eaux pures. L’infraction violant l’arrêté du ministère de l’Environnement du 19 juillet, consiste en l’ouverture illégale des portes cadenassées du dépotoir de Bourj Hammoud à partir du 24 juillet. Et le passage d’une nouvelle noria nocturne de camions, suivie à nouveau le dimanche 27 juillet de l’incinération des déchets, dégageant une fumée épaisse et menaçant, surtout la nuit, d’asphyxie les habitants de Bourj Hammoud et d’Achrafié. Pourtant, la solution du problème des déchets solides est assez simple, même sans utiliser des infrastructures très onéreuses que le Liban, en état de récession, ne peut se permettre d’appliquer.

ÉDUQUER LES JEUNES
Une première partie doit comprendre des séances d’orientation pour les adultes et les jeunes, en même temps qu’une éducation écologique dans les petites classes. Les enfants assimilent vite ces notions primaires et mettent souvent leurs parents à leur place. Il s’agit, surtout, d’éviter des gaspillages inconsidérés polluants; de limiter l’usage d’innombrables sacs en polyéthylène au profit d’un filet grand et léger non jetable; d’utiliser pour les supermarchés, les légumes, les fruits et d’autres achats; enfin, de ne rien jeter que dans les conteneurs ou dans des corbeilles pour déchets volants. L’ABC du tri des ordures commence à la maison, avec un seul sac en plastique contenant les déchets de cuisine ou de toilette, comprenant à peine 20% de la quantité des autres déchets. Qui sont mis à part comme le carton, le papier, les plastiques mous ou durs, les verres séparés suivant leur couleur, les bois s’il y a lieu et, surtout, les métaux ferreux et non ferreux. Les conteneurs habituels reçoivent les sacs de déchets de cuisine et de toilette qui vont au compostage ou à la fermentation. Un petit kiosque couvert recevra dans des casiers les cartons pliés, le papier et les différents objets en plastique. Trois tiroirs seront affectés aux bouteilles en verre blanches, vertes ou rouges. Un tiroir sera affecté aux canettes et flacons en aluminium le plus commun. Les métaux ferreux et autres seront placés dans un casier spécial. Tous ces déchets non souillés seront vite ramassés par ceux qui les recyclent avec profit. C’est «l’or brun» qui, collecté dans tout le Liban pour le recyclage, représente un chiffre d’affaires de 15 à 25 millions de dollars par an et peut faire vivre au moins cinq mille familles (Etude de l’ingénieur Jean Jabbour). Certains sont même prêts à payer à l’Etat une redevance pour monopoliser ce recyclage. Pour les déchets de cuisine et de toilette contenant des résidus organiques transformables en compost, des particuliers sont prêts à les ramasser, gratuitement et à les acheminer vers leurs usines situées loin des lieux résidentiels.

SOLUTION ACTUELLE: LE «LANDFILL»
Le système du «landfill» que nous préconisons depuis au moins quinze ans au Liban, a été appliqué d’une façon partielle et tardive pour une solution urgente expéditive aux montagnes d’ordures puantes de la banlieue-Sud, dont les nouveaux déchets doivent être triés avant d’être ensevelis. Pour les déchets broyés de la Quarantaine et même ceux en emballage-cadeaux à stocker, leur solution finale consiste à les acheminer avec les ordures triées sur place dans la zone Est, vers les grandes fosses illégalement creusées depuis des années dans les carrières de Nahr el-Mot. Celles-ci, depuis quelques jours sont agrandies et les terres qui les encombraient ont été transportées vers un remblayage marin proche. Notre projet de «landfill» présenté au ministère de l’Environnement, à la Chambre des députés et à tous les médias, a fait son chemin et, va être appliqué suivant les directives présentées au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP). Une première étude hydro-géologique effectuée par notre collègue, le Dr Wilson Rizk, a montré que les eaux phréatiques au-dessous de ces grands fosses, étaient de débit faible et, de plus, fortement polluées par les eaux d’égouts des régions de Broummana, Roumié et Byaout. Il suffit donc d’étaler au fond une première couche d’un mètre d’ordures triées de cuisine ou riches en matières organiques, juste au-dessus d’un système d’aération horizontal, transversal et même vertical; ces déchets tassés débarrassés de leurs sacs sont, alors, régulièrement recouverts d’une couche d’une vingtaine de centimètres de bonne terre ou de sable. Et ainsi de suite, jusqu’à recouvrir cette fosse complètement avec de nouveaux apports journaliers de déchets triés et de terre. Cette fermentation à l’air est un véritable «compostage presqu’inodore opposé à une fermentation sans air qui produit des gaz maladorants et inflammables (méthane, mercaptau...), comme cela s’est formé dans les dépotoirs anarchiques du Normandy et de Bourj Hammoud et même des sables proches de l’aéroport. Il suffit donc durant la saison des pluies, de planter au-dessus des fosses comblées des milliers de plants d’arbres dont les racines puiseront dans ce sol riche, les substances nutritives nécessaires à leur croissance. Tout en épurant et en transformant ces couches de terres et de détritus urbains organiques. Nous aurons ainsi recréé les forêts primitives détruites ou incendiées qui représentent la future ceinture verte du Grand Beyrouth.

CONCLUSION
Ce projet de «landfill» encore schématique et simplifié à l’extrême, extrait d’une étude sur le terrain depuis au moins dix ans, ne coûtera presque rien à l’Etat et au peuple libanais, avec son installation et son entretien. Ces dépenses minimes pourront même être assurées par les redevances des industriels qui vont ramasser les substances triées recyclables. Solution saine et simple de nos déchets solides biodégradables qui vont participer au reboisement du pays dont la densité verte forestière est tombée au chiffre ahurissant de cinq pour cent.

PIERRE MALYCHEF et WILSON RIZK


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