Chronique


De René Aggiouri

TOUS PRIS AU PIÈGE

On l’a dit: à des intervalles plus ou moins longs, il y a toujours eu des attentats en Israël contre la population civile. Et la réaction des gouvernements a toujours été la même: répression collective contre la population palestinienne ainsi condamnée à la misère et au désespoir. Quel que soit le parti au pouvoir à Jérusalem, le processus ne varie pas: attentat-répression-attentat. Les partisans de la paix, travaillistes, disent maintenant: vous voyez le résultat de la politique du Likoud, l’insécurité. Et les partisans du Likoud répliquent: sous un gouvernement travailliste, ce fut pire! En réalité, ce fut la même chose. Qu’est-ce à dire sinon que les dirigeants israéliens n’ont encore rien compris ou qu’ils ne veulent rien comprendre - et que leur objectif (plus ou moins avoué d’ailleurs) n’est pas la paix avec les Palestiniens, mais l’élimination totale et définitive du facteur palestinien, dans la recherche d’un modus vivendi avec les pays arabes voisins pris un à un séparément? Ainsi, la formule employée par le président Chirac lors de sa visite à Jérusalem: la meilleure garantie de la sécurité d’Israël, c’est l’existence d’un Etat palestinien avec lequel la paix serait conclue, cette formule va à l’encontre totalement de la politique israélienne. Et c’est bien pourquoi, quand l’Union européenne, au cours de sa dernière réunion, l’a adoptée, M. Moratinos, délégué de la CEE pour suivre et appuyer les efforts du “parrain” américain, a été prié, peu après, de se mettre à l’écart. On n’avait pas besoin de lui, ni de la formule que ses mandants préconisaient. Pour les dirigeants israéliens, il n’y a pas et il ne doit pas y avoir de Palestiniens. Mme Golda Meïr, de triste mémoire, l’avait jadis proclamé haut et fort. M. Rabin et M. Pérès ont paru se résigner à accepter Arafat en lui concédant une certaine forme d’autonomie. M. Netanyahu est venu remettre les pendules à l’heure, l’heure du sionisme le plus radical, celui de Jabotinsky dont il demeure le fidèle disciple: il n’y a pas place pour deux peuples en Terre Sainte.

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Certes, avec Rabin et Pérès, un assouplissement de cette doctrine, car c’est véritablement la doctrine fondatrice de l’Etat israélien depuis qu’il s’est militarisé, a pu être obtenu. Mais ce fut après de si longs louvoiements que les adversaires palestiniens d’Arafat ont eu tout le loisir de reprendre leur action de sabotage de la confiance et lui trouver des justifications dans les atermoiements d’Israël et dans l’état de misère prolongé à Gaza, prolongé par le retard des aides promises à Arafat et que va aggraver la décision de Washington de bloquer une subvention de 500 millions de dollars. Ainsi, M. Netanyahu a-t-il pu accéder au pouvoir et accélérer par ses méthodes brutales, ce sabotage de la paix. Maintenant, après avoir laissé faire pendant de longs mois, les Américains commencent à s’inquiéter. Leurs propres positions dans cette région riche en pétrole se trouvent menacées. Il était temps qu’ils se réveillent. Mais M. Netanyahu vient de leur faire savoir, dans une déclaration publique, qu’Israël “n’est pas leur client” et que l’Amérique ne peut pas lui dicter sa politique. En définitive, l’a-t-elle jamais fait?... Depuis l’époque où le président Eisenhower (“soutenu”, il faut le dire, par l’ultimatum du maréchal Boulganine à Tel-Aviv) menaçait Israël de sanctions s’il n’évacuait pas le Sinaï et exigeait une “soumission complète” aux résolutions de l’ONU que d’eau a coulé sous les ponts du Jourdain! C’était en 1956/57. Aujourd’hui, l’Amérique soutient Israël quand il rejette les résolutions onusiennes et invite même l’organisation internationale à ne pas se mêler du conflit de Palestine. L’URSS n’est plus là pour rappeler à l’ordre tout ce beau monde. On aurait presque envie de le regretter! En tout cas, nous avons les conséquences.

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Pendant ce temps, le gouvernement de M. Arafat se trouve accusé de corruption et, sa police, de complicité avec les poseurs de bombe. On le somme d’agir et on lui coupe les vivres! Le piège est en train de se refermer comme pour donner raison à M. Netanyahu. Mais Israéliens et Américains pourraient, à leur tour, se retrouver dans ce même piège. On n’a jamais rien vu d’aussi lamentable que ce fameux “processus de paix” qui traîne depuis six ans pour aboutir à ce que nous voyons aujourd’hui du gâchis. Quand la confiance est inexistante, aucune paix n’est possible. Et pour détruire tout espoir d’instaurer la confiance entre les ennemis d’hier, M. Netanyahu a réussi l’impensable: ébranler la confiance des populations dans leurs propres dirigeants: Aussi bien à Gaza où M. Arafat est contesté qu’en Israël même où les colons-miliciens ont pris en otage les dirigeants du Likoud. Il n’y a plus personne pour négocier; il n’y a plus personne pour signer une paix.



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