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EN ATTENDANT ALBRIGHT |
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M. Dennis Ross est venu. Il est reparti. Mme
Albright viendra ou elle ne viendra pas. Elle-même ne le sait pas
encore. Elle attend de savoir si la confiance est rétablie entre
M. Arafat et M. Netanyahu. Cette confiance, par quel miracle sera-t-elle
rétablie... toute seule? D’elle-même? Et d’ailleurs, a-t-elle
jamais existé? Mme Albright peut attendre. Et nous l’attendrons.
*** Ainsi va le parrainage américain du processus de paix. Au vu des résultats, on peut se demander à quoi sert cette présence américaine dans les négociations. Déjà, les accords d’Oslo avaient été conclus dans le plus grand secret. En marge du processus lancé officiellement à Madrid en 1991, Oslo était l’aboutissement inattendu de nombreux contacts, secrets, à Tunis et à Paris, établis depuis 1982 sur des initiatives privées entre agents israéliens et O.L.P. Washington en a été le premier surpris. Et il a fallu que M. Clinton prenne le train en marche en organisant, sur la pelouse de la Maison-Blanche, la rencontre historique entre Arafat et Rabin. Ainsi, l’Amérique rattrapait son rôle de parrain. Pour quel résultat? Un dégradation totale sur tous les fronts de la négociation: Liban, Syrie, Palestine, dans toutes les directions Israël a tout bloqué. Et la plus grande puissance du monde, son alliée, est frappée de paralysie. Est-ce la conséquence uniquement de l’arrivée au pouvoir de M. Netanyahu? N’est-ce pas aussi la conséquence du renforcement de la position de M. Netanyahu par la faiblesse de la position américaine? La presse de New York et de Washington révélait, il y a deux semaines, qu’avant de décider l’envoi de M. Ross à Jérusalem et à Gaza, M. Clinton avait eu une longue consultation avec ses principaux collaborateurs. Il en ressortait cette idée qu’il faudrait éviter à tout prix la moindre prise de position publique qui apparaîtrait comme une critique de la politique de M. Netanyahu. M. Clinton et ses conseillers, au bout de 90 minutes d’analyse de la situation, avaient conclu qu’il faudrait ménager les susceptibilités de M. Netanyahu. A l’adresse de M. Arafat, on pouvait y aller. Il a la peau plus épaisse. *** Ainsi va la médiation américaine. Après cinq mois de tergiversations pendant lesquels la situation sur le terrain s’est complètement dégradée, cette médiation est relancée dans l’état d’esprit qu’on vient de voir. L’objet en est limité, comme le veut M. Netanyahu, à la “sécurité” des Israéliens. Et la méthode adoptée est fondée sur la nécessité de ne pas prendre M. Netanyahu à rebrousse-poil. Cela étant, M. Ross a échoué dans sa mission. Il ne pouvait pas en être autrement. Certes, il a pu mettre sur pied un organe de consultation au niveau policier entre Israéliens et Palestiniens, en présence d’agents de la C.I.A. Mais il n’a pas rétabli la confiance, ni un début de confiance. Il faut se rendre à l’évidence: ni les Américains, ni les Israéliens n’ont jamais fait confiance à Arafat. Les premiers ont été surpris par Oslo; les seconds après avoir assassiné Rabin, se sont acharnés à saboter l’application des accords. Les uns et les autres étaient persuadés, au départ, au moment de la conférence de Madrid, que c’est avec le roi Hussein que le sort de Gaza, de la Cisjordanie et des Palestiniens serait réglé. Oslo les a pris de court. Le souverain hachémite a préféré se mettre en réserve et laissé faire Arafat. Mais il faut croire que M. Netanyahu ne désespère pas de remettre sur le tapis une formule de solution dans le cadre du royaume hachémite. Comment expliquer autrement cet acharnement contre Arafat que même la presse américaine, avec des signatures juives notables, condamne maintenant comme une faute politique et, en tout cas, un abus moral? Aux yeux des dirigeants du Likoud, ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est de paver la voie à un Etat palestinien. Toute leur stratégie est fondée sur ce dogme. Ils préfèrent n’avoir jamais la paix plutôt que de céder sur ce point. L’Amérique de M. Clinton n’a pas su leur faire comprendre qu’ils avaient tort. Peut-on maintenant tabler sur la fermeté légendaire de Mme Albright? *** Quand on passe en revue les efforts de conciliation ou de médiation entrepris depuis cinquante ans pour résoudre le conflit de Palestine, on trouve à chaque étape, un médiateur américain ou, avant 1967, un fonctionnaire de l’ONU opérant sous l’égide de l’Amérique. Tous ont échoué. Il y a eu, bien sûr, l’exception de “Camp David”. Mais à son origine, il y avait une initiative directe égyptienne (la visite de Sadate à Jérusalem); puis, la restitution du Sinaï ne posait pas à Israël le même problème idéologique que la Cisjordanie: ce n’est pas une “terre promise”. Il n’y a qu’à lire, à ce sujet, la réponse de Begin à Reagan quand, en 1982, le président américain lui demandait de stopper la colonisation et de négocier la restitution de la Cisjordanie. Il n’y a pas de Cisjordanie, répliquait-il; cette terre biblique s’appelle Judée-Samarie. Et tout est dit. Que faut-il en conclure? Que les Etats-Unis ne sont pas qualifiés pour servir de médiateurs entre les Arabes et Israël? Ou que les Etats arabes et les Palestiniens ne devraient plus rien espérer d’une quelconque médiation? Qu’ils devraient compter uniquement sur eux-mêmes à l’instar d’Israël qui sait prendre les armes et pomper l’argent de l’Amérique mais n’entend pas suivre ses conseils? On touche, là, le fond du problème: le rapport des forces n’est pas équilibré. Les Arabes n’ont jamais su se tenir longtemps sur une position unifiée. Et pris séparément, un à un, aucun ne fait le poids. Dans ces conditions, ils peuvent toujours attendre Mme Albright, comme ils ont attendu autrefois M. Christopher et, avant lui, M. Baker, ou M. Shultz ou M. Johnston et combien d’autres... *** Mais à propos, puisque l’Amérique et Israël mobilisent le monde contre le “terrorisme”, comment qualifient-ils le bombardement de Saïda et de ses environs, le 18 août, qui a fait autant de victimes civiles que la récente bombe du marché de Jérusalem? Washington se contente de nous dire “Maitrisez vos nerfs!” Merci bien. |
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