Chronique


Par José M. LABAKI

JEAN-PAUL II À L’ÉCOUTE DES DEUX FRANCE

Quid de ce Pontife, de cet athlète de Dieu, courbatu et pourtant solide comme un chêne, de ce militant infatigable de l’œcuménisme, qui se veut l’héritier de St Paul, l’héritier de St Pierre? Le Pape le plus intervenant, le plus prestigieux peut-être, pour qui la mission apostolique est aussi importante que la responsabilité de dépositaire du Dogme à la tête d’un Etat minuscule, qui se veut aussi, en l’occurrence le tisse-rand astucieux, diplomatie vaticane oblige, des liens entre la France des droits de l’homme et la France fille aînée de l’Eglise. Souvenons-nous que c’est au Trocadéro que René Cassin fît adopter le 10 décembre 1948 la déclaration des Droits de l’homme, dont le Liban est un des signataires. C’est là, aussi, que Joseph Wesinski, défenseur acharné des sans-logis, lançait en 1987, son fameux appel au refus de la misère et que le 28 mai 1996, la France, toutes confessions et allégeances confondues, rendait hommage aux martyrs de Thibérine en Algérie. Faut-il rappeler que c’est au Champ-de-Mars, haut lieu de la révolution française, où fut dressé en 1794, l’autel destiné au culte de l’Etre Suprême, que se sont rassemblés en 1997 350000 jeunes du monde entier autour de Karol Wojtyla, véritable croisé de l’Europe catholique, en signe de solidarité et de fraternité univer-selle? Impact qui laissera longtemps ses traces, n’en déplaise aux lobbystes de l’indifférence et du refus de Dieu, dans les consciences et les cœurs d’une jeunesse; inassouvie d’espoir et de foi, déferlant des quatre coins de la planète pour célébrer son Dieu, se réconcilier avec son Eglise, redécouvrir en toute fierté l’Evangile, crier haut et fort sa confiance dans l’avenir.

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Au-delà de cette rencontre de la jeunesse et du renouveau avec le Pape, il y avait, surtout et d’abord, une âme à l’unisson d’un monde dévoré par la détresse et le désespoir pour lui offrir ce qu’il réclame, ce dont il a réellement besoin: l’espérance, au milieu de tant de soucis alarmants, de médiocrités et de mensonges. Au-delà de cette marée humaine, de cette explosion juvénile, au-delà de ce Pape, de cet humanisme dont il est le centre et l’inspirateur, il y avait une flamme deux fois millénaire, un souffle nouveau, une ère nouvelle qui sortait de la nuit des temps pour annoncer l’aurore d’un avenir meilleur et plus rassurant. Il y avait en plus la conviction qu’il y a en l’homme quelque chose de sacré et de divin qui le dépasse et constitue sa grandeur et sa dignité. Au Trocadéro comme au Champ-de-Mars, sur la longue avenue des Maréchaux comme au stade de Longchamp où a été célébrée la messe la plus spectaculaire de toute l’histoire de France, il y avait l’Eglise universelle qui, malgré menaces et controverses, demeure unique en matière de mise en scène populaire et mystique, capable de réussir des journées aussi édifiantes que celles vécues par la jeunesse mondiale. Des journées que l’on croyait exclusives à la Pologne, à l’Amérique Latine ou au Liban. C’est dire qu’en matière de foi et d’œcuménisme il n’y a pas de petites et de grandes nations, de petites et de grandes églises et qu’il n’y a pas non plus d’église éclatée. Une nouvelle génération œcuménique est en train de se constituer, signe des temps prometteur à tous les égards. Cette assemblée universelle autour de Jean-Paul II, catalysée par la foi, l’espérance et la charité, par la liberté, la fraternité et l’égalité dont la France est fière d’être le berceau, a une grande signification, puisque toutes les races étaient là, librement et fraternellement unies. Certes, la fête assumait aussi une autre dimension, comme l’a bien noté Jean d’Ormesson: elle était le contraire de l’intolérance et de l’exclusion; l’opposé de l’élitisme méprisant, de la violence, de la démagogie contagieuse et du règne de l’arbitraire; le contraire du scepticisme déroutant qui prévaut aujourd’hui.

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A l’exemple de l’apôtre Paul, Jean-Paul II aura exhorté dans son message pathétique, l’impressionnante assemblée de Longchamp estimée à plus d’un million de fidèles en ces termes: “Partez sur les routes du monde, votre chemin ne s’arrête pas là, le temps ne s’arrête pas aujourd’hui. N’êtes-vous pas les vrais témoins du peuple de Dieu racheté par le Christ? Soyez, puisque vous l’êtes, les bâtisseurs d’une civilisation plus humaine, d’une fraternité plus solidaire, d’un ordre mondial plus juste et plus proche de Dieu; pour être plus vigilants sur les ambiguïtés insidieuses qui entravent la marche de l’humanité vers la paix, la justice et l’Etat de droit. Vigilants, surtout, sur un retour camouflé du règne de l’argent, de l’adversité et du leurre. A l’orée du troisième millénaire, une révolution spirituelle à l’échelle planétaire est en marche. Ce ne sont plus les promesses fallacieuses et les discours creux qu’il faut écouter, mais les attentes réelles d’un œcuménisme à toute épreuve.” Ce message indubitablement fera école. C’est aux générations futures qu’il incombe de le soutenir et de le défendre, étant les premières concernées. Est-ce trop exiger que de faire honneur aux valeurs qu’elles représentent? Un défi im-périeux, héroïque même! Encore faut-il le relever. Mais le plus grand malheur du siècle finissant, c’est que les hommes ne sa-vent plus prier, ni évoquer les vertus enracinées dans la tradition!


“Tous les hommes sont croyants et quand ils prétendent le contraire, c’est qu’ils ne le savent pas”.

Franz-Olivier Gisbert (En marge des Journées mondiales de la jeunesse)


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