Editorial


Par MELHEM KARAM 

 

LE LEADERSHIP NE SE FABRIQUE PAS DANS LES USINES...
ET ON NE PEUT ASSURER SA MATURATION À LA MANIÈRE DES BANANES

Certains croient que le leadership, telle la confection d’un vête-ment, il vous suffit d’émettre le désir de l’avoir, de choisir un couturier adroit, de lui apporter le tissus, de lui fournir le modèle et l’argent, pour qu’il vous échoie. Après cela, “tout marchera”. En fait, il s’agit d’une affaire grave qu’on ne peut obtenir en pressant sur un bouton, sous l’effet d’un caprice. Telle est l’erreur dans la manière de penser, l’analyse et la vision des choses sous leur angle non pratique. Le leadership ne peut être improvisé et obtenu précipitamment, qu’un homme ambitieux a la possibilité d’acquérir sans y être habilité. Car il ne peut être fabriqué dans les usines, ni porté à maturation dans un four à bananes, sous une température que nous fixons nous-mêmes. Tout cela est stupidité, arrogance et complexe de supériorité. Le leadership est authenticité et se mobilise au service des gens, lequel procure une satisfaction, un bonheur et une grâce, sinon vous agirez en vain pour y accéder. Je répète ce que j’ai dit précédemment: le leadership est un temps ouvert, un cœur ouvert, une maison ouverte et une poche ouverte. Si tous ces éléments, en dépit de leur disponibilité, ne donnent pas des fruits, nous tentons vainement de faire d’un homme un leader. Il pourrait disposer d’une voiture à plaque bleue sur laquelle flotte un fanion, mais ceci est une apparence éphémère qui s’éclipse dès la première confrontation. Le commandement est un sentiment dans l’esprit, une passion dans l’âme et une artère dans le cœur battant en faveur des valeurs et de la moralité, sans hypocrisie ni duplicité. Sinon ce serait une poignée de terre, pour une fournée de gens ordinaires. Comme si l’homme politique était un bloc de viande dans des habits falsifiant la forme du leader, sans lui valoir ce titre. Il est plus important de s’occuper des gens que nous ne pouvons acquérir sans partager leurs souffrances, de vivre les moments sombres et difficiles de leur existence, que de dépenser l’argent et d’acheter les êtres humains. Faute de quoi, toutes les tentatives restent inutiles. Pour plus de précision, je dirai que toute prétention de leadership se manifeste dans des banquets copieux, des voitures luxueuses, des téléphones cellulaires ou non-cellulaires dont les “antennes” sont hissées bien en évidence. Tout cela suscite la risée des gens et ne crée pas le leadership. Surtout si ce dernier se cultive sous des serres en plastique artificielles et s’il est le fruit de l’improvisation. Tel le fait de dire: Nous voulons être des leaders et, du jour au lendemain, nos portraits apparaissent sur les murs, les calicots vantant nos qualités se tendent en travers des rues, alors que la publicité nous concernant est diffusée à travers les journaux et la télévision. Ainsi, nous nous faisons appeler chefs et leaders. C’est du camouflage... C’est un leurre que nous pratiquons sur nous-mêmes... Puis, nous généralisons ce leurre sur les gens. Mais nous ne pouvons pas les induire en erreur. Ils savent que nous voulons d’eux un service passager; c’est-à-dire un loyalisme momentané, sans toucher leur cœur, parce que nous sommes incapables de l’atteindre. Le leadership ne peut arriver à maturation et s’enraciner en un, deux, trois, quatre ou dix ans. Il doit être une famille, une histoire, un patrimoine ancrés dans les cœurs. Autrement dit, le leader doit être fils de leader et d’une famille ayant son authenticité, ses racines dans la terre et les cœurs, ce qui exige des générations. Tels sont les leaders solides. Quant aux leader-ships éphémères, ils sont tributaires d’un caprice, d’un désir et d’un souffle de vent. Chaque fois qu’il vente ou qu’un éclair déchire le firmament, un leader s’envole et un autre tombe, parce qu’ils n’ont pas de fondement. “Il rit et pleure, non par joie ou tristesse, à l’instar d’un amoureux ayant tracé un ligne dans la folle passion; puis, l’a effacée”. Il en est de même pour les leaderships improvisés, achetés n’étant pas fils de l’Histoire, ni les héritiers d’une gloire invétérée, fortifiée par le temps. La nouvelle gloire n’en est pas une; c’est une reproduction falsifiée et une image tronquée de la gloire. Ceux qui prétendent, par orgueil, être des leaders, doivent être les fils d’un leadership qu’ils ne peuvent acheter, ni falsifier ou le présenter sous forme d’une image qu’ils croient être la meilleure. Ce sont des faits stupides dont se rient les gens. Dans le passé, ceux-ci percevaient de l’argent de politiciens; puis, accordaient leurs suffrages à Saëb Salam et Sami Solh. L’argent ne peut fabriquer une autorité. Soudoyer un électeur pour l’amener à voter contre votre adversaire est une ingérence dans le jeu de la stupidité; parce que cet électeur vous promettra de voter dans le sens que vous désirez et ira relater aux citoyens ce que vous lui avez demandé de faire. A l’heure de la confrontation avec lui-même, il votera pour votre adversaire, celui-là dont vous vouliez le détourner. Quiconque recourt à ce procédé est à plaindre, car ce dernier s’est retourné contre ceux qui l’ont essayé. Le leadership est porté à maturation par l’Histoire seule; il est le fruit de services, d’un passé riche en initiatives et en sincérité envers les gens que votre père ou votre grand-père vous ont légués. Quant à vous imaginer en tant que leader, parce que vous l’avez voulu et que vous disposez d’une fortune vous permettant de transporter les électeurs qui vous tirent leur langue, surtout s’ils vous ont expérimenté au pouvoir, touché du doigt la faiblesse de votre capacité à donner, la fausseté de vos promesses et l’arrogance de votre comportement, à ce moment vous êtes condamné à disparaître. L’éclipse affecte ceux qui croient être en mesure de court-circuiter l’Histoire: elle les déçoit, les transformant en gens lâches, assistant au spectacle de l’orgueil de quiconque veut l’immortalité et perpétue l’oppression. L’heure de la confrontation est proche et la situation changera, suite à l’amoncellement des erreurs des gouvernants. Toutes les choses artificielles exagérément gonflées s’estomperont, après être devenues la risée des gens, l’objet de sarcasmes portant à rire et à tourner en ridicule les leaders de pacotille.

Photo Melhem Karam


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