Titre+Châpo

Les médias ont été, plus d’une fois utilisés par Lady Di, telle une arme pointée vers la famille royale.
Ce que les Windsor n’appréciaient guère, ce n’est pas tant la simplicité de Diana, mais plutôt sa légèreté. Et c’est ce même malentendu qui est né entre les Anglais et leur royaume. Une concurrence avait fini par se former entre Buckingham et la princesse rebelle, reine des foules. Son statut de globe-trotter spécialiste des relations publiques et des œuvres caritatives, lui vaut l’affection de tous. Indépendante et aimée, Diana tient le début de sa revanche. A partir de là, l’équilibre s’inverse ; elle a le beau rôle et creuse l’écart dans le hit-parade de la côte de popularité. Ce que l’on oublie, c’est qu’enfin, derrière cette générosité se cachait la fortune de la famille royale. Affront
L’opinion publique n’a pas été fair avec la famille royale. Le protocole oblige une certaine rigidité. Même cette rigidité a été cassée, battue en brèche et a, enfin, dû s’incliner face à la pression. Le repentir public exigé par la nation ne manque pas de surprendre. La reine a plus d’une fois fait amende honorable. Le monde actuel étant sans références, il s’est fédéré autour de Diana la gentille, évoluant dans un univers de méchants. Cela ressemble à un conte de fées simpliste ayant tourné au vinaigre. Depuis son divorce, l’attitude de Diana tenait du règlement de compte. Lavage de linge sale – princier de surcroît – en public, déclarations tonitruantes à la presse, amourettes et autres futilités… On a souvent frôlé le reality-show de mauvais goût. L’interview du 19 novembre 1995 accordée au journaliste Martin Bashir de la BBC, était une erreur. Annoncer qu’elle doutait des capacités du prince Charles à assumer les responsabilités de la couronne fut une provocation supplémentaire dans sa révolte contre le protocole. Autre faute – fatale – celle d’utiliser Dodi al-Fayed pour chatouiller ceux qui l’ont répudiée. Son idylle avec le play-boy égyptien aura été des plus tapageuses. On peut également refaire sa vie de manière discrète et posée. Diana a déclaré au quotidien “Le Monde” : “La presse est féroce. Elle ne pardonne rien, elle ne traque que l’erreur…” Au contraire ! La mobilisation et les émotions ont prouvé toute l’antinomie de cette affirmation. Les gens oublient les erreurs et c’est tant mieux pour elle. Le conflit était d’ordre moral et non social. Et il demeure.
La perte des valeurs
Les Windsor acceptent mal l’offensive de Diana qui se sert des médias avec une aisance peu commune. Incarnant la morale s’il en est, la famille royale, au fil des combats, perd de sa superbe. Ceci ne fait que renforcer l’aura dont dispose Di. Sa popularité fascine. Au-delà des frontières, des idéologies, des appartenances sociales, des religions, Diana a réussi à unir et désormais à faire pleurer le monde entier.
Maudits soient-ils !
Doit-on faire le procès des photographes, des journalistes ou du public, perpétuellement friand de ce déballage ?
Car c’est, partant du principe du “si ce n’est moi ce sera un autre qui le fera” que les paparazzi vont à la chasse. Il n’est pas question de légitimer l’attitude de certains photographes, mais d’alléger les charges qui pèsent sur eux. S’il est une chose que sont les paparazzi, c’est bien le pur produit de notre société malade. Assoiffée de potins, gourmande de scandales, mise en appétit par la honte, le malheur, les “histoires”. Ces mêmes histoires qui fabriquent des légendes… puis les défont. Diana et les médias c’est une longue histoire d’amour ; elle pensait être parvenue à apprivoiser cette bête. Leurs liens étaient tellement étroits que l’animal aurait fini par cannibaliser sa poule aux œufs d’or ! Diana n’a jamais divorcé des médias ; or, sans divorce, il ne peut y avoir séparation. Mais, c’est bien connu : les histoires d’amour finissent mal…
“Reine des cœurs” ou “princesse du peuple”
Que traduit cette mobilisation mondiale, que signifient ces larmes planétaires ? Que le monde entier est amoureux du beau, que la féminité, l’élégance et la grâce sont des armes bien plus redoutables que des missiles. Que l’apparence est et restera reine. Car en dépit de ses écarts de conduite (et ils sont nombreux), elle était parvenue, malgré tout à se poser en victime, qui plus est appréciée et triomphante.
Au feu ! la couronne brûle…
“La nation s’unit contre la tradition…”, titrait l’hebdomadaire anglais “The Observer”. Diana avait enclenché le processus ultra-médiatique et ultra-libéral, surfant sur la vague en vogue. Elle connaissait parfaitement les demandes de sa Cour et les satisfaisait. Les experts en communication politique n’ont pas raté leur coup. Le Premier ministre britannique a saisi l’occasion, se faisant le héraut de la réforme moderne et du renouveau populaire. Sa “princesse du peuple” restera, tel un leitmotiv des années Di. Le discours de Tony Blair fit le panégyrique de l’amour éternel en hommage aux dons désintéressés (financiers et sentimentaux) de Diana aux plus démunis. Difficile de critiquer un mythe devenu, en quelques heures, si légitimé et unanime qu’il serait suicidaire de s’y attaquer. Certes, mais quantité ne signifie pas toujours qualité.
Déchirement
Le couple princier s’est littéralement déchiré dans un combat d’autant plus inutile que personne n’en est sorti grandi. La revanche des Spencer est toutefois double : les paparazzi ne pourront plus mitrailler leur “victime” préférée et la famille royale ne pourra plus faire de mal à Di. (Sic) Le prix à payer fut lourd ! Les griefs des Spencer sont nombreux. Les médias bien sûr, qui ont “du sang sur les mains” mais aussi l’establishment royal. Earl Spencer, le frère de Diana, en fait une sainte en croisade, une icône qui “a prouvé, ces dernières années, qu’elle n’avait nul besoin d’un titre royal pour continuer à produire sa magie propre”.
Le réquisitoire ne s’arrête pas là.
Le vindicatif comte Spencer assène enfin
qu’il est prêt à protéger ses neveux des
pressions (comprenez royales et médiatiques), tâche dans laquelle la royauté a failli. Ses prises de position véhémentes envers les tabloïds sont justifiées. Surtout quand on connaît le traitement de faveur dont il a profité, ceux-ci l’ayant régulièrement “opprimé”. Mais ce qu’il a omis de dire lors de sa déclaration à la presse (encore elle !) c’est que Lady Di est l’enfant des médias… et il est rare qu’un parent renie ou renonce à sa progéniture. Autre vindicte : les funérailles n’avaient pas l’appellation royale mais tout le faste. Telle fut la volonté citoyenne. Diana aurait sans doute apprécié : Elton John, Tom Cruise, Tom Hanks, Richard Branson, Steven Spielberg. Cet enterrement possédait toute la splendeur monarchique, mais avait également ce quelque chose “pop” qu’avait fini par imposer la défunte. “La princesse des autres” a effectivement dicté son style à toute une époque ; sa coiffure, sa gentillesse, sa générosité… Enthousiasme ou insouciance peu importe, peut-être était-ce elle qui avait raison. Dans la bataille Windsor-Spencer, l’ironie du sort a voulu que Diana ait le dernier mot. La reine-mère n’a jamais porté sa bru dans son cœur. La princesse de Galles le lui rendait bien. Et quand bien même cette animosité fut acquise du public, la sévérité de la reine Elizabeth lui a été reprochée. Sa conduite lui a valu l’opprobre des foules et, particulièrement, de ses sujets britanniques : trop de froideur, pas assez de compassion !
Compromis
Les concessions des Windsor auront été de taille : la déclaration de la reine la veille des obsèques, la mise en berne du fanion royal et la sortie à pied de la reine s’inclinant devant la dépouille de Diana. La famille royale s’est montrée – autant que faire se peut – irréprochable, à l’instar de Diana.
Responsabilité collective
On accuse la presse d’avoir du sang sur ses mains, mais cette même presse n’avait-elle pas une complice ? Le problème est plus complexe. Une réflexion commune est nécessaire, car ce cercle vicieux est sans fin. Les paparazzi traquent les contrats avec les éditeurs, les revues courent après les ventes et enfin les bénéfices se font grâce à la curiosité des lecteurs avides de sensationnel. Donc, le désossement de la pyramide risque, s’il est fait équitablement, de faire des dégâts. Allons ! trêve d'hypocrisie, les torts sont partagés. De tout temps, la presse a fait et défait des stars, des légendes, des mythes. Celui d’Icare qui se brûle les ailes est terriblement actuel. Tant d’émotions laissent rêveur, pensif. Finalement, le monde n’est pas si mauvais. Si, il y a ces vilains journalistes, paparazzi et autres responsables de tous les maux. Est-ce bien raisonnable de condamner la presse ? Celle-la même qui nourrit de milliers d’affamés et d’apprentis voyeurs. On l’évoque fréquemment lorsque les scandales explosifs finissent par éclabousser, mais on oublie trop souvent que ce sont ces mêmes personnes qui l’invoquent…

 Saër KARAM.