Par ALINE
LAHOUD
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SINON SILENCE DU MOINS DÉCENCE |
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Sa mort a réduit au silence le vacarme
du XXème siècle” (1), mais n’a pas réussi à
faire taire Walid Joumblatt. Walid bey, champion des non-sens et des contresens,
recordman du contre-courant et du contre-pied, spécialiste des fausses
notes, expert en déclarations qui balancent entre la méchanceté
et la vulgarité, ne sait plus qu’inventer pour scandaliser, choquer,
défier, pour focaliser sur lui l’attention des médias qu’il
courtise et pour se faire applaudir par la claque des courtisans qu’il
méprise. Après avoir invité le cinéaste Youssef
Chahine à mettre sa décoration “où vous voulez” (entendre:
là où la bienséance ne le voudrait pas), le voilà
qui s’en prend, sans rime ni raison, à la mémoire d’une jeune
femme que le monde entier pleure. Personne ne demandait à M. Joumblatt
de verser des larmes de sang sur la princesse de Galles, ni de s’associer
au deuil de la nation britannique. Personne ne s’atten-dait à ce
qu’il se précipite à Londres pour déposer des roses
devant les grilles du palais Saint-James, ni de marcher derrière
la dépouille mortelle aux côtés des princes William
et Harry. Per-sonne ne lui demandait non plus de se substituer à
l’archevêque de Canterbury pour prononcer l’élo-ge funèbre,
ni de sangloter dans les bras de la reine - mère. Personne, en fait,
ne lui deman-dait son avis, ni ne s’intéressait particulièrement
à son opinion. Quelle mouche (sans doute celle du coche) l’a donc
piqué pour s’attaquer ainsi à une princesse fauchée,
tragiquement, en pleine jeunesse et laissant derrière elle deux
orphelins? Pourquoi tenter de porter atteinte à la mémoire
d’une femme profondément humaine qui s’est toujours tenue à
l’écart de la politique, surtout dans le genre de celle malpropre
que l’on pratique chez nous et qui n’a jamais rien eu à voir, de
loin ou de près, avec les causes couleurs du temps que défend
Walid bey? A moins qu’il soupçonne la princesse d’avoir été
l’instigatrice de sa bête noire, le cheikh akl Bahjat Gaïth!
Dans sa première apparition, devant les caméras de la télévision,
le Premier ministre britannique Tony Blair, en rendant hommage à
la princesse de Galles l’a appelée “la princesse du peuple”. Cela
a grandement indisposé Joumblatt bey qui ambi-tionne, lui, le titre
de prince de la Montagne sinon du Liban, et chacun sait qu’entre altesses
on ne s’aime pas beaucoup.“ - Qu’a donc fait Diana pour être consacrée
princesse du peuple? Elle a mené campagne contre les mines antipersonnel,
mais nous ne l’avons jamais vue dans les camps palestiniens, ou au Liban-Sud
ou debout aux côtés des prisonniers palestiniens dans les
territoires occupés.” Enfin, en guise de conclusion, le ministre
des Déplacés dont les déclarations sont tout aussi
déplacées que ceux qu’il a contribué à déplacer,
de conclure: “Gloire à nous, gloire à la nation arabe et
islamique avec ses résistants et ses combattants du Liban-Sud et
de Jérusalem occupé. C’est avec leurs sacrifices qu’ils rabaissent
l’arrogance et la vanité de l’Occident”. Fin de citation. Et voilà!
Plus délirant que ça, on meurt. Que vient faire l’arrogance
de l’Occident dans la mort d’une princesse que son pays vénère?
Et en quoi cette mort exalte-t-elle, par contrecoup, la gloire de la nation
arabe et islamique? Suffit-il d’un accident de voiture pour redorer le
blason de la nation arabe? Pour ce qui est des camps palestiniens, eh!
bien non, la princesse Diana ne les a pas visités. Est-ce un péché
mortel? Qui parmi les maîtres à penser et les idoles de M.
Joumblatt s’est-il jamais rendu dans les camps palestiniens? Qui, parmi
les leaders et les chefs d’Etat arabes a-t-il jamais visité ces
camps et quelle valeureuse armée arabe s’est-elle jamais battue
- à part en paroles - aux côtés des résistants
du Liban-Sud? Selon quel ordre de priorité, quelle morale, quelle
logique demande-t-on à une princesse anglaise d’incarner l’honneur
arabe là où les Arabes se sont déclarés forfaits.
Que M. Joumblatt nous permette de lui suggérer qu’au lieu d’user
sa salive à salir une morte, qu’il fasse plutôt usage de sa
cervelle pour réaliser que ceux qui s’acharnent sur un cadavre portent,
en français (puisque sa culture, il la doit à l’Occident),
un nom que nous refusons de citer ici et qui n’est vraiment pas joli. n
(1) Winston Churchill, en apprenant la mort du roi George VI |