POUR DIANA
L’ÉTERNITÉ ET TOUTES LES LARMES
DU MONDE
Par Evelyne MASSOUD
Londres, toute la semaine, était devenu une vallée
de larmes noyée dans un océan de fleurs.
Des millions de fleurs, des millions de larmes ont accompagné Diana, lors de son dernier et plus long voyage. Planétaire en quelque sorte. Dans la dignité et le recueillement. De Kensington à Westminster et, de là, jusqu’à Althorp. Plus de deux millions de Britanniques s’étaient massés sur son parcours long de six kilomètres, rejoints par trente et un millions 500.000 concitoyens rivés sur leur petit écran pour rendre, aux côtés de deux milliards et demi de téléspectateurs, soit la moitié de l’humanité, un ultime et émouvant hommage à celle que Tony Blair a si bien nommée “princesse du peuple.” Moments d’intense émotion et images inoubliables. Le prince William, quinze ans, deuxième dans la ligne de succession au trône, qui suit la dépouille mortelle de sa mère sans lever un seul instant la tête, tandis que son jeune frère Harry, douze ans, se trouve brusquement embarqué aux côtés des grands. Le comte Charles Spencer qui s’adresse directement à sa sœur lors de son intervention à Westminster: “Nous voulons que tu saches que la vie sans toi est très difficile”. La chanson d’Elton John: “Au revoir, rose d’Angleterre” qui arrache des sanglots à William et de chaudes larmes à Clinton comme à des millions de témoins, téléspectateurs et sympathisants en Grande-Bretagne et dans le monde. Puis, aussi et surtout cette femme-policier, le dos tourné à la foule, qui se concentre et s’incline pour réciter, dans la ferveur, le “Notre Père.”
DU SOLEIL SUR LONDRES
Depuis jeudi, trente mille Britanniques ont choisi de camper,
jour et nuit, sur les pelouses de Kensington et Westminster. Depuis dimanche
1er septembre, ils sont venus tous les jours par centaines de milliers,
de tous âges, de toutes conditions, de toutes couleurs et confessions,
bouquets de fleurs et bougies à la main pour lui dire combien ils
l’ont aimée, attendant jusqu’à douze heures pour signer les
registres de condoléances, communiant à une immense douleur,
effaçant d’un trait tous les attributs de froideur et de flegme
liés à leur race. Au matin de ce samedi 6 septembre, fort
heureusement, le soleil s’est levé sur Londres. Des dizaines de
milliers de personnes silencieuses et en larmes sont massées autour
du palais de Kensington, résidence de Diana. La veille, sa dépouille
mortelle y avait été transférée de la chapelle
royale de Saint James où étaient venus, enfin, s’incliner
le prince Charles et ses deux fils. Deux prélats anglicans avaient
passé la nuit à ses côtés. Il est dix heures.
La levée du corps devrait avoir lieu dans huit minutes. Elle accuse
quelque dix minutes de retard. Enfin, le cortège s’ébranle.
Le cercueil est drapé de l’étendard royal de Saint Georges.
Placé sur un affût de canon, il est tiré par six chevaux
du Royal Horse Artillery, escorté d’un régiment des Welsh
Guards et précédé de quatre cavaliers de la police
montée. Des cris, des sanglots partent de la foule: “We love you
Diana”, “God bless you”. Pendant toute la semaine, les chevaux devant conduire
le cortège ont été entraînés pour recevoir
des fleurs et subir les cris de la foule. Aussi, passent-ils leur chemin,
trois fois prolongé et qui s’achèvera deux heures plus tard
aux portes de l’Abbaye de Westminster. Le cortège franchit Alexandra
Gate, traverse Hyde Park, longe Knightsbridge non loin de Harrod’s dont
les onze mille ampoules sont éteintes depuis l’accident, atteint
Wellington Arch pour se diriger vers le Mall. Dans quelques instants, il
va longer Buckingham Palace. Et là, surprise...
Sur le cercueil porté par les Welsh Guards, trois
bouquets
de Charles Spencer, William et Harry.
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LA REINE VIENT ENFIN À LA RENCONTRE
DU PEUPLE
La reine Elizabeth II enfreint toutes les règles du protocole,
quitte à pied Buckingham Palace, en franchit la grille et se rapproche
de la foule. A ses côtés, les princes Andrew, Edward, les
princesses Ann et Margaret, les Kent, Sarah Fergusson et leurs enfants.
Lorsque le cortège parvient à sa hauteur, elle le salue d’une
inclinaison de la tête. Tout à l’heure, l’étendard
royal (absent lorsque la reine quitte Buckingham) sera à nouveau
hissé, abaissé et remplacé par l’Union Jack, lequel
sera mis en berne à l’instar de tous ceux des monuments publics.
Le geste a valeur de symbole et veut dissiper l’animosité nourrie
à l’encontre de la famille royale confinée au château
de Balmoral, laissant seule la dépouille de Diana au palais Saint
James et apparemment insensible à l’immense douleur du peuple. “Toute
notre vie, la reine nous a appris ce que nous devions faire. Maintenant,
c’est à nous de lui dire ce qu’elle doit faire”, s’écrie
une jeune femme aux abords de Kensington. Toute la presse se fait l’écho
de ce cri. “Votre peuple souffre, parlez-vous Madame”, exige “The Daily
Mirror”, “Montrez-nous que la maison des Windsor a un cœur”, demande “The
Sun”. “Où est notre reine, pourquoi ne se montre-t-elle pas?” Un
député travailliste relève: “Le fossé entre
le peuple et la monarchie est plus grand que jamais”. La reine a, finalement,
entendu la clameur insistante de la foule et sur les conseils de Tony Blair
et de son fils Charles, a effectué une première apparition
publique en famille, aux portes du palais de Balmoral, lisant les messages
des citoyens enfouis dans des monceaux de fleurs. Elle a suivi, également,
un office religieux dédié à la mémoire de la
princesse morte. Et puis, elle a dérogé à ses traditions
renonçant à emprunter le train royal, quittant rapidement
pour Londres avec vingt-quatre heures d’avance sur l’horaire initial. Le
soir, elle s’est adressée à la nation. Evénement sans
précédent, depuis son accession au trône en 1952. Elle
l’avait fait, exceptionnellement, en 1991 après la guerre du Golfe
et se contentait de ses messages de Noël. Transgressant la devise
royale “ne jamais se plaindre, ne jamais se justifier”, Elizabeth II, vêtue
de noir, assise devant une fenêtre laissant apercevoir la foule,
a justifié son absence par son souci “d’aider William et Harry à
affronter la perte dévastatrice qu’ils ont, tout comme nous, dû
subir”. “D’abord, a-t-elle dit, je veux moi-même, rendre hommage
à Diana. Elle était une personne exceptionnelle et talentueuse
(...) Je l’admirais et je la respectais, pour son énergie et son
engagement envers les autres et spécialement sa dévotion
envers ses deux enfants (...) Je crois, pour commencer, qu’il y a des leçons
à tirer de son existence, ainsi que des réactions extraordinaires
et émouvantes qui ont suivi son décès. Je partage
votre détermination à chérir sa mémoire”.
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LES DEUX PRINCES ACCOMPAGNENT À PIED
LEUR MÈRE
Tandis que la reine quitte Buckingham Palace en voiture pour
se rendre à Westminster où elle sera accueillie par le révérend
Wesley Carr, doyen de l’Abbaye, les deux princes William et Harry, encadrés
du prince Charles, du duc d’Edimbourg et du comte Charles Spencer qui conduit
pratiquement le deuil, suivent à pied la dépouille de leur
mère. Ils lui ont offert deux bouquets de roses blanches dédiés
à “Mamy” déposés sur son cercueil de part et d’autre
de la grande gerbe de lys blancs du comte Spencer. Ils sont ainsi confrontés
à l’immense foule dans la douleur la plus profonde et la plus personnelle.
Derrière les princes, avancent 533 représentants des associations
caritatives en relation avec les quelque cent dix œuvres que parrainait
Diana. Aux premiers rangs, des handicapés sur chaises roulantes.
L’esprit de Diana est respecté à la lettre. Elle aurait souhaité
cela. Et le comte Charles Spencer, grand ordonnateur du cérémonial,
en collaboration avec Buckingham et le Premier ministre, s’est montré
digne descendant des Spencer, issus du roi Charles II d’Angleterre, un
Stuart et dont le domaine d’Althorp se trouve à 126 kilomètres
de Londres, dans le Northamptonshire. L’avancée du cortège
ponctuée toutes les minutes d’un glas sonné par les cloches
de Westminster, est accompagnée en parallèle par l’arrivée
des 1900 invités à l’Abbaye. Quarante-trois membres de la
famille royale. Peu d’hommes politiques, seulement des têtes couronnées
que Diana connaissait personnellement, les anciens Premiers ministres,
des épouses de présidents étrangers, Hillary Clinton,
Bernadette Chirac, Suzanne Moubarak, des ambassadeurs représentant
leurs pays, des membres des diverses confessions et, aussi, des vedettes
du show biz et de la haute couture: Valentino, Karl Lagerfeld, Cindy Crawford,
John Travolta, Tom Cruise, George Michael, Elton John, Pavarotti... La
reine-mère, 97 ans, appuyée sur une canne, était au
rendez-vous. Liée à Lady Fermoy, grand-mère de Diana,
elle avait pris avec celle-ci, une part active dans le rapprochement en
vue d’un mariage de Charles et Diana. La mère de Diana, Frances
Shang Kydd, qui l’avait quittée alors qu’elle avait six ans pour
divorcer du comte Spencer, aujourd’hui convertie au catholicisme, est venue
à Westminster, contrairement à ce qu’elle avait annoncé,
encadrée de ses deux filles, Lady Sarah Mccorquodale et Lady Janz
Fellows. La veille, elle avait fait célébrer une messe de
requiem à la cathédrale de Westminster par le cardinal Basil
Hume, primat des catholiques d’Angleterre.
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Jemima et Imran Khan, amis de Diana.
“GOD SAVE THE QUEEN” POUR ACCUEILLIR DIANA
Vers midi, le cortège s’arrête aux portes de Westminster.
Les soldats gallois ôtent leurs toques noires, soulèvent le
cercueil sur leurs bras et gravissent les marches de la cathédrale
où ils pénètrent au son de “God save the Queen”. Toute
l’assistance est debout. Accueillis par le révérend Wesley
Carr, ils traversent une haie d’aubes blanches le long d’une nef grandiose
sous les voûtes gothiques flamboyantes soutenues d’immenses colonnes
de marbre témoins de tant de mariages, couronnements et obsèques
royaux. Les chœurs de l’Abbaye de Westminster entonnent des cantiques dont
certains ont été composés au XVIIème siècle.
Arrivés au pied de l’autel, les Welsh Guards déposent, en
lui rendant les honneurs, le cercueil sur le catafalque. La reine Elizabeth
et le duc d’Edimbourg y portent une gerbe blanche, de même que le
prince Charles et ses deux fils. La famille royale s’est installée
à droite de l’autel. En vertu d’un accord passé avec celle-ci,
la BBC s’abstiendra de filmer en gros plans ses membres (certains tabloïds
avaient toutefois sollicité en vain des organisations de sourds-muets
afin de déchiffrer pour elles les propos échangés
à voix basse par les membres de la famille royale). A gauche, a
pris place la famille Spencer. Tout à l’heure, les deux sœurs de
Diana viendront lire de courts poèmes devant l’autel. “Si je meurs,
dit Lady Sarah, et que tu restes ici bas, ne sois pas affligé, pour
moi continue à vivre et à sourire. Achève pour moi
ces tâches que je chérissais. Peut-être ainsi pourrais-je
te réconforter! Le temps passe trop lentement pour ceux qui attendent,
ajoute Lady Jane. Trop court pour les autres. Mais à ceux qui aiment,
le temps est éternité”.
SI JE N’AI PAS D’AMOUR
Auparavant, le doyen Wesley Carr a confié l’âme
de Diana “à Dieu Tout-Puissant et à tous ceux qui la pleurent”,
tandis que l’hymne que Diana aimait tant et qu’elle avait choisi en 1981
à son mariage “I Vow to Thee, my country” va résonner sous
les voûtes de la cathédrale. Le soprano Lynne Dawson interprète
un extrait du “Requiem” de Verdi, et Tony Blair donne lecture du chapitre
treize de l’Epître aux Corinthiens de Saint Paul: “Je pourrais être
capable de parler toutes les langues des hommes et celles des anges, mais
si je n’ai pas d’amour, mes discours ne sont rien de plus qu’un tambour
bruyant ou qu’une cloche qui résonne. Je pourrais avoir le don d’annoncer
des messages reçus de Dieu; je pourrais posséder toute la
connaissance et comprendre tous les secrets; je pourrais avoir toute la
foi pour déplacer les montagnes, mais si je n’ai pas d’amour, je
ne suis rien...” Elton John, les larmes aux yeux, va interpréter
pour Diana “Candle in the Wind”, chanson qu’il avait composée à
la mémoire de Marilyn Monroe et qu’il a réécrite pour
elle. La foule massée à l’extérieur vibre à
l’unisson et le monde entier en est bouleversé. Le comte Charles
Spencer sort des sentiers battus, lance une véritable diatribe contre
la presse qui a pourchassé sa sœur, promet de préserver l’intimité
des jeunes princes et de poursuivre dans l’esprit de sa sœur leur éducation
afin qu’ils puissent “continuer à rire et à chanter”. Il
promet, aussi, de les préserver du carcan royal, afin qu’ils mènent
une existence normale. Encore une flèche à l’adresse de la
famille royale: “Diana n’avait pas besoin de titres royaux pour continuer
à semer la magie. Elle était le symbole, l’incarnation de
la beauté dans le monde et de l’humanisme”. “Diana m’a dit, confie
Charles Spencer, qu’elle avait quelque chose qui lui permettait d’entrer
en contact avec ceux qui souffrent”. Rejoignant son témoignage,
quelques jours avant sa mort, Diana avait fait ses confidences au journal
“Le Monde”: “Quiconque en détresse m’appellera, j’accourrai où
qu’il soit”. Je suis pour “une vraie relation d’intimité avec les
plus humbles”. “Je me sens proche des gens, quels qu’ils soient. On est
d’emblée au même niveau, sur la même longueur d’onde”.
Déplorant, les sanglots à la gorge, qu’elle ait eu une “demi-vie”,
le comte Spencer est relayé par l’archevêque de Canterbury,
George Carey qui conduit les prières et remercie Dieu “pour la joie
que Diana a reçue sur terre et celle qu’elle a donnée, pour
sa personnalité radieuse et vibrante, pour son rire retentissant,
pour sa capacité à s’identifier avec les gens de cette nation
(...) Nous prions pour ceux qui sont les plus touchés, ses fils,
sa famille, ses frère et sœurs. Seigneur des affligés, entends
notre prière. Seigneur des nations, entends notre prière
(...) Nous nous souvenons, aussi, de son ami Dodi Al-Fayed (son père
Mohamed Al-Fayed avait reçu un message de condoléances de
la part de la reine et avait été invité aux obsèques),
de sa famille et d’Henri Paul. Seigneur, accorde-leur le réconfort.
Seigneur des cœurs brisés, entends notre prière. L’archevêque
entonne le “Notre père”, repris par l’assistance et par les millions
de fidèles massés au cœur de Londres. Buckingham avait diffusé
la cérémonie tandis que quatre écrans géants
installés à Hyde Park, Regent’s Park et Bishop’s Park ainsi
qu’un livret du service funèbre publié dans tous les journaux
avaient permis de suivre les obsèques. La ferveur est unique. Un
dernier cantique et la dépouille est à nouveau portée
par les gardes gallois qui se figent à la sortie de la cathédrale:
une minute de silence est observée dans tout le royaume.
EN ROUTE POUR L’ÉTERNITÉ
“Pars de ce monde pour retrouver l’amour de Dieu qui t’a créée”,
avait dit à Diana l’archevêque de Canterbury, en guise d’adieux.
Les gardes la déposeront dans une limousine qui sert de fourgon
mortuaire, lequel la conduira à Great Brington (nord-ouest) où
se déploie le vaste domaine des Spencer en passant à proximité
de l’appartement de Dodi son compagnon, mort avec elle à l’âge
de quarante-deux ans après qu’il l’eût demandée en
mariage en lui offrant une bague de la valeur de 208.000 dollars. Lady
Di est soustraite à la ferveur de la foule et à la curiosité
des tabloïds qui avaient été interdits d’accès
à la cathédrale, tout comme les agences de presse qui l’avaient
pourchassée sous le pont de l’Alma, à Paris. Elle sera inhumée,
non point dans la chapelle familiale de la Vierge Marie de Great Brington
où reposent vingt générations de Spencer, mais sur
une île du lac artificiel aménagé dans les parcs du
château à l’ombre des chênes séculaires. Cérémonie
intime qui réunit Charles, les deux princes, le comte Spencer, la
mère de Diana, ses deux sœurs et leurs époux. Le comte Spencer
a annoncé que les grilles du château seront ouvertes au public
à l’occasion de l’anniversaire de Diana et qu’un mémorial
lui sera dédié à l’extérieur du parc. Là
aussi, la foule est venue rendre hommage à la fille du pays. Comme
elle a continué à le faire à Londres dans les divers
sites où elle était venue s’exprimer au cours de la semaine
et aussi auprès de la tombe de Dodi inhumé dès dimanche
soir dans le cimetière de Brooklands au sud-ouest de Londres. Des
fleurs ont encore été déposées et des bougies
allumées. Dans la sérénité toutefois, car déjà
Diana est entrée dans l’éternité. Que faire de ces
océans de fleurs? Celles encore fraîches seront acheminées
vers les hôpitaux et les maisons de retraite. L’économie de
Londres n’a fonctionné pendant une semaine qu’en fonction de la
distribution de fleurs et de journaux.
QUELQUE CHOSE A CHANGÉ EN GRANDE-BRETAGNE
Mais rien n’est fini. Tout commence.Quelque chose a bougé
en Grande-Bretagne. Certes, les 27.000 policiers déployés
dans la capitale ont dû pousser un soupir de soulagement. Pas d’incident
majeur en cours de journée. La BBC pouvait se déclarer satisfaite
après avoir réussi “la plus grande opération de retransmission
en direct de son histoire”. A son mariage, Lady Di n’avait mobilisé
que 270 millions de téléspectateurs. A sa mort, elle en a
touché 2 milliards et demi. Par le biais de BBC World, la BBC en
collaboration avec ITN a retransmis l’événement dans 187
pays et mis ses images à la disposition de 45 chaînes étrangères.
Elle a déployé à cet effet une centaine de caméras,
300 techniciens, 22 unités de production et offert ses services
“au tarif habituel” réservant ses recettes au “Fonds Diana, princesse
de Galles”. L’effet boomerang de la mort de Diana a valu à ce Fonds,
une avalanche de dons évalués en quelques jours à
plus de 160 millions de dollars. La sortie du CD d’Elton John devra battre
tous les records de vente et ses bénéfices seront versés
au Fonds. Les Rolling Stones lui ont emboîté le pas annonçant
la réalisation d’un album en hommage à la princesse. La vague
déferlante sur le monde a fait bouger les pays et les hommes. Des
rues des villes sont rebaptisées “Diana Princesse de Galles”. Des
diamants portent son nom, des Britanniques affirment avoir été
témoins de visions. Son ombre plane partout et son visage est présent
dans toutes les mémoires.
WILLIAM “PRINCE DES CŒURS”
D’ores et déjà, les Britanniques appellent de
leurs vœux la montée sur le trône du prince William qui, s’il
venait à succéder à la reine Elizabeth, sans laisser
cette chance à son père, le prince Charles que l’on estime
froid et figé, serait le quarante-deuxième roi d’Angleterre
et régnerait sous le nom de William V. Il ressemble tellement à
sa mère et incarne si bien les espoirs d’une monarchie rénovée
que ses futurs sujets, le jour des obsèques - sondage d’opinion
aidant - lui ont accordé leurs pleins suffrages. “The Independent”
a estimé que “Les Windsor se comportent aujourd’hui comme si une
révolution grondait derrière le palais de Buckingham”. Le
“Sunday Times” a relevé dans les événements des derniers
jours “le prélude à un réexamen du sens même
de la monarchie et de ce que le peuple britannique attend d’elle”. Dans
une interview à la BBC, Tony Blair a estimé que la monarchie
était “une tradition que les Britanniques doivent respecter” tout
en souhaitant sa réadaptation. Lui-même aurait proposé
à Diana, peu de temps avant sa mort un rôle officieux du Royaume-Uni
que Buckingham Palace lui avait auparavant refusé et qu’elle avait
accepté. D’ores et déjà les tabloïds britanniques
repentis ont solennellement annoncé qu’ils respecteraient la vie
privée des jeunes princes. “News of the World” a pu exprimer avec
bonheur les sentiments de la majorité des Britanniques: “Un jour
William (“prince des cœurs”) sera roi. Quand William V accèdera
au trône, une nation reconnaissante se souviendra de Diana et dira
avec fierté: il est le fils de sa mère.”
ELTON JOHN: “GOODBYE, ENGLAND’S
ROSE”
Au revoir, rose d’Angleterre Puisses-tu continuer de pousser dans nos cœurs Tu étais la grâce qui se plaçait d’elle-même Là où des vies avaient été brisées. Tu interpellais notre pays Et tu murmurais pour ceux qui souffrent. Maintenant, tu appartiens au paradis. Et les étoiles écrivent ton nom. Il me semble que tu as vécu ta vie Comme une bougie dans le vent Ne faiblissant jamais au crépuscule Quand la pluie a commencé de tomber. Les empreintes de tes pas s’inscrivent toujours ici, Sur les plus vertes collines d’Angleterre. Ta bougie s’est consumée bien avant Que ne disparaisse ta légende. Mignonne que nous avons perdue, Ces jours vides sans ton sourire, Ce flambeau que nous porterons toujours Pour l’enfant précieux de notre pays. Et malgré tous nos efforts, La vérité nous fait pleurer; Tous nos mots ne peuvent exprimer La joie que tu nous as apportée au fil des années. Au revoir, rose d’Angleterre, D’un pays perdu sans ton âme Qui regrettera les ailes de ta compassion Plus que tu ne le sauras jamais. |
LETTRE À UNE PRINCESSE MORTE Beyrouth, le 8 septembre Altesse, Vous nous avez quittés si soudainement que nous en sommes encore tout bouleversés! Ce dénouement brutal n’était pas au programme. Vous étiez si belle, si populaire et si douce que le monde entier vous pleure. Que toutes les fleurs blanches de la terre s’amoncellent sur les sites rappelant votre passage ou votre présence. Que les larmes sont à la une de toute la presse; cette presse qui, après vous avoir tant harcelée, vous pleure elle aussi aujourd’hui! Cette même presse dont vous aviez dit un jour - Coïncidence ou Prémonition - “qu’elle vous tuerait...” Ces derniers jours pourtant vous sembliez heureuse, un état d’âme qui convenait si bien à votre grâce un peu languide, à votre silhouette suprêmement élégante, à vos beaux yeux couleur d’amour, à votre corps qui, en se dénudant, ne craignait aucun défi! Oui, vous étiez belle. Vous étiez princesse. Et vous êtes morte en voiture, comme Grace de Monaco et James Dean. Et vous vous en allez en pleine gloire comme Marilyn Monroe. Par expérience nous savons, qu’on n’échappe ni à son destin, ni à l’image qu’on a donnée de soi-même. En voilà plus qu’il ne faut pour rassembler tous les éléments propres à une tragédie moderne. Mais cette belle image construite et diffusée par la presse l’a-t-elle été malgré vous, à cause de vous? Cette presse incriminée qui vous a, quoiqu’on dise, déifiée jusqu’à vous empêcher de vivre? Dans le milieu qui était le vôtre, aussi bien que dans les plus modestes, l’être humain est condamné à tuer ceux qu’il aime et vous avez été la victime de ceux qui vous prenaient en chasse pour mieux vous glorifier! Aujourd’hui, vous mourez dans les bras de votre dernier amour - le plus fort parce que le dernier - et les représentants des puissances de la terre sont venus se recueillir devant votre dépouille. Les visages se couvrent de pleurs: tant de dons dans votre berceau... et tout ce sang après... Dans ce bas monde, la vie la plus privilégiée ne pèse pas plus lourd que les vies les plus obscures. Au même moment peut-être, la mort fauchait qui sait combien d’autres êtres humains dont on ne connaîtra jamais le nom - comme elle faisait de la plus belle qui fût des princesses d’Angleterre! On pense aux uns, anonymes à jamais et à vous, dont le ravissant visage a hanté tant de rêves, avec une égale compassion. La mort unit curieusement ceux que séparent la vie et ses caprices. Peut-être, Altesse, auriez-vous dû être plus circonspecte dans votre course au bonheur. Les êtres jeunes et beaux, sont aimés des dieux et... des déesses, qui en sont jaloux. La Némésis, en particulier, qui veille comme une mauvaise fée au carrefour de tous les bonheurs... Même au bout de certains tunnels que l’on croit conduire à l’amour et que ses maléfices transforment en rendez-vous de la mort! Maintenant que des obsèques grandioses vous ont été faites; qu’un hommage aux dimensions planétaires vous a été rendu, que des centaines de milliers de fleurs ont tapissé le chemin de votre dernier voyage au berceau de vos ancêtres, il ne nous reste que le refuge du souvenir. Ce souvenir, nous le voulons impérissable pour qu’il soit à la mesure de votre légende. Parce que vous avez traversé, éblouissante et éphémère, le ciel de l’Histoire, comme sa plus belle étoile filante. Adieu Lady Di... |