Chronique
 

LA POLITIQUE RACONTÉE AUX ENFANTS

Ce n’est certes pas un discours de la méthode que nous proposons aux générations montantes, mais quelques idées simples pour qu’elles sachent pourquoi, en cette fin de siècle, on ne peut plus rien construire loin de leurs ambitions et qui, exactement, torpille la reconstruction du Liban et sabote l’entente nationale. 
Il est grand temps que les préoccupations sociales, aussi controversées soient-elles, soient mises sur le même plan que les préoccupations économiques et financières. Tout le reste relève d’une technicité subtile, sans plus. L’obsession d’un Liban nouveau aussi chauvine soit-elle, n’est pas seulement inspirée par les exigences de la modernité, mais par les Libanais eux-mêmes. Le combat social n’est pas un alibi, mais une priorité qui, tôt ou tard, doit triompher. 
Ce ne sont pas uniquement les erreurs flagrantes et impardonnables commises dans tous les domaines et à tous les niveaux qui ont porté M. Rafic Hariri au pouvoir, mais le discrédit d’une classe politique devenue hétéroclite et sans vergogne, corrompue jusqu’à la moelle; le discrédit, surtout, des idées futiles, en l’absence d’une force prééminente capable de prendre la relève, après un effondrement généralisé sans précédent. 
Par malheur, l’opposition, s’il en est encore une digne de ce nom, continue à nourrir en son sein des sensibilités d’un autre âge, dont le fond est partout le même, le plus souvent inspiré de recettes improvisées et creuses. 
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Et pourtant, depuis qu’il est au pouvoir, M. Rafic Hariri est sur la sellette. La politique tout comme l’histoire est la meilleure niveleuse des particularités individuelles, dont il se sert au quotidien pour neutraliser ses détracteurs et les ambiguïtés entravant ses projets. Puisse-t-il éviter ce chemin de croix qui risque d’être assez long. 
Il a engagé un combat avec des chefs de file, les uns impopulaires et défaitistes, d’autres dépassés, responsables de multiples décon-venues, n’ayant ni projet de rechange, ni programme astucieux d’avenir. Et pourtant, ils se veulent, après tout, hussards indis-pensables de la République. 
Loin de nous l’intention d’applaudir aveuglément à la politique socio-économique, du consortium Hariri, entachée souvent de graves lacunes, car nous ne comptons point former le carré autour de lui et nous laisser prendre à sa politique hasardeuse et incantatoire. Nous lui suggérons, cependant, de gouverner avec toutes les forces actives de ce pays solidairement et non solitairement. Aussi, loin de renchérir, nous disons sincèrement aux princes qui nous gouvernent comme à leurs opposants, d’intervenir objective-ment, de corriger les erreurs passées commises à nos dépens, de trouver les réponses exactes aux problèmes qui nous menacent. En ce faisant, nous traduisons tout simplement le sentiment des Libanais de tous bords frustrés par les scandales et les abus. 
Il est temps de prendre les Libanais au sérieux. Ils ont appris, à leur insu, que les politiques sont souvent incontrôlables et que l’idéologie, étatique ou libérale fut-elle, est à elle seule impuissante à les infléchir. Ils sont de plus en plus sceptiques quant à la capacité de leurs gouvernants à combattre l’inflation galopante, l’exclusion sociale, le chômage, à rétablir une économie saine comme l’exigent les normes internationales, les déficits budgétaires en premier. Pour remettre en marche un Liban en proie au doute et au repli sur soi, il faut bien se situer à la fois sur une ligne d’orientation et dans une démarche pragmatique. Qui mieux que l’Etat, l’Etat de droit bien entendu, peut convaincre les Libanais que le temps de l’analyse et de la réflexion doit précéder celui de la décision et de l’action? Si certaines réformes fiscales ou autres s’avèrent impératives, par souci d’équilibre budgétaire, d’autres en revanche sont contraignantes et corrosives, par exemple le nouveau projet de loi sur les loyers, la surtaxe sur l’essence tout comme le projet d’emprunt de 800.000 dollars, lesquels témoignent à eux seuls, une carence de l’analyse et de la méditation objectives. 
Les Libanais voudraient, aussi, que leurs élus prennent au sérieux leur représentativité et qu’ils aient d’autres préoccupations que de paraître sur le petit écran. Ils sont là pour partager la réflexion avec l’Exécutif, pour exprimer les doléances et les enjeux qui entravent les affaires publiques. 
L’Etat devrait, pour sa part, prendre les organisations professionnelles au sérieux. Cela veut dire, d’abord, pour le gouvernement, d’être un arbitre veillant à corriger toutes les démesures d’où qu’elles viennent et non être partie prenante comme c’est souvent le cas. Aucune de ces prises de position ne sauraient être critiquées. 
Est-ce trop demander? 
Tant que le cabinet Hariri n’aura pas retrouvé l’équilibre dans ses rangs, il continuera à patauger dans les rivalités partisanes et à payer au prix fort toutes les déceptions qu’il va engendrer. 
M. Hariri, à la tête de “l’establishment”, restera-t-il fidèle à la stratégie qu’il s’est promis de mettre en œuvre et qui fait de lui le champion de la lutte contre les réactionnaires et les nihilistes, dans le but non avoué de revenir en force à la tête de sa propre armée? Le gageure est de taille. Puisse-t-il être à la hauteur de sa tâche! 

 
 

“La morale politique, passe par le respect des lois et leur juste application, la lutte contre les abus et l’établissement de l’Etat de droit.”  

George Orwell


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