“LE FRANÇAIS? UN PRIVILÈGE!”
Malraux et Julien Green, l’académicien américain d’expression
française, étaient de très bons amis. Chacun admirant
l’autre, ils avaient des échanges homériques et historiques.
Julien Green n’a jamais renoncé à sa citoyenneté
américaine, mais il écrivait en français
Un jour que Malraux et Green discutaient de l’avenir des deux langues,
Malraux s’est enflammé et a lancé à son ami: “Il faut
absolument défendre la langue française...” Et Julien Green
de rétorquer calmement: “Laisse mon cher... L’anglais est une nécessité,
mais le français est un privilège.”
En réalité, de nos jours, on peut faire le tour du monde,
en passant par la Chine et le Japon, sans compter l’Inde et les pays ex-bloc
de l’Est et on se débrouillerait en anglais. En n’importe quel anglais.
Personne ne songerait à rire à toutes les fautes commises.
Par contre, le français n’accepte pas de médiocrité,
que l’on fasse une erreur en parlant, en employant le “tu” avec “madame”
ou “monsieur” en lieu et place de “vous”, ou qu’on emploie “le” à
la place de “la” et c’est, en général, un fou rire qu’on
déclenche.
Alors, cette défense acharnée de la langue française
est-elle admirable ou ridicule? Elle a de bons côtés, mais
il ne faut pas tomber dans le chauvinisme inacceptable même par les
Français qui, n’en déplaise à M. Toubon, continuent
à parler de “football” et pas de “ballon au pied”, alors que certains
speakers s’entêtent à prononcer le “foot...balle” (foot étant
anglais et balle étant français).
Idem tous les Français parlent de “drugstore”, de “drive-in”,
de “drop-goal” et de dumping, etc...
Il faut cesser de matraquer le monde en parlant de “cette défense
d’appui ou de soutien à la langue française”. Cela fait hérisser
les gens “anti”, qui rétorquent: “On ne soutient que ce qui tremble,
ce qui flageolle...”
Laissons l’anglais être une nécessité et considérons
“le français comme un privilège”.
L’important est de se comprendre.
***
RETOUR À L’ESCLAVAGE???
Une circulaire de la Banque du Liban demande à toutes les banques
d’étendre leurs horaires jusque tard dans l’après-midi, arguant
du fait que les matinées seules de travail ne répondent pas
aux nécessités de l’heure.
Cela est excellent et part d’un bon naturel. La Banque Centrale aurait
dû ajouter que, quant à elle, elle va utiliser le “double
shift” (c’est-à-dire une double permanence)... Aucun de ses employés
ne fera la semaine de 53 heures...
Le Conseil des délégués de la Fédération
des syndicats des employés de banques a fait paraître un communiqué
où il est dit: “concernant la prolongation de l’horaire dans le
secteur bancaire, il faut l’adhésion des employés. Elle doit
être facultative et les employés devront percevoir le cas
échéant, une compensation matérielle équitable
en sus de leur salaire...”
Et c’est là, la pierre d’achoppement, car certaines banques
ont, d’ores et déjà, fait savoir à leurs employés,
qu’en cas de nouveaux horaires, ils devront s’y conformer et “sans aucune
indemnité supplémentaire... Et que ceux à qui cela
ne plaît pas, démissionnent...”
Et voilà les requins à l’œuvre.
Un spécial “Banques” réalisé par Roger Melki,
par notre confrère “L’Orient Le Jour”, titre en grand “Période
faste pour le secteur ban-caire libanais”... Et tout au long de ce supplément,
il est démontré que jamais les banques n’ont réalisé
autant de bénéfices...
Alors, pourquoi ce capitalisme sauvage? Les banques gagnent suffisamment
pour pouvoir se permettre d’augmenter leurs employés dans le cas
d’une augmentation de travail.
Les banques au Liban n’ont jamais joué (et ce n’est pas leur
rôle), à Caritas, à Saint Vincent de Paul ou à
“Cor Unum”... Leurs responsables ne sont pas des “Mère Teresa”...
Ils sont bien plus proches de Harpagon, autrement, ils n’auraient pas fait
autant d’argent.
Selon les spécialistes, le Liban est un des rares pays, pour
ne pas dire le seul, où le taux d’intérêt payé
aux déposants est de loin inférieur, et même de très
loin à celui exigé des clients débiteurs. C’est-à-dire
si vous déposez de l’argent et selon la devise choisie et la période
bloquée, vous recevez entre 7 et 10%, au cas où vous empruntez,
le taux que la banque percevra sera de 16 à 20% approximativement.
Alors, payer quelques heures supplémentaires, même à
des milliers d’employés, ne mettra pas en danger les banques.
Faire du Liban un paradis fiscal pour une très petite minorité
et un enfer pour la majorité, est-ce cela gouverner?
Entre un “Etat-providence” à la manière des pays scandinaves
et un “Etat-requin” (le Liban), il existe un juste milieu, qu’il faudrait
trouver pour le Liban.
***
ET SI L’ON IMITAIT TONY BLAIR?
Tony Blair a renoncé à la hausse salariale qui lui a
été concédée et à laquelle comme tous
ses ministres il a droit. Un exemple étonnant à suivre.
Tony Blair a demandé à ses ministres, de “faire preuve
de retenue” et de ne pas accepter l’augmentation proposée.
Les salaires des ministres sont décidés en Grande-Bretagne
par une commission indépendante...
L’exemple de Tony Blair n’a pas beaucoup plu à quelques-uns
de ses ministres. Certains voulant toujours accepter l’augmentation suggérée.
Ses détracteurs ont souligné que Tony Blair étant
marié à une avocate de renom qui gagne plus que confortablement
sa vie, il lui était facile de renoncer à cette augmentation.
Le chancelier de l’Echiquier, M. Gordon Brown, est quant à lui
célibataire et n’a donc pas les mêmes exigences que les ministres
qui ont des familles. Lui aussi a renoncé à l’augmentation
de son salaire.
Peut-on imaginer une seule minute, une seule seconde, voir M. Hariri
ou M. Sanioura ou M. Murr ou tel ou tel ministre, député
au Liban renoncer à l’augmentation qu’ils s’octroient eux-mêmes
via la Commission parlementaire des Finances? Et non pas par une commission
indépendante?
Allons, allons, trêve de naïveté, nous ne sommes
pas en Grande-Bretagne (malheureusement) mais dans une république
bananière où le seul slogan de l’Etat est “Charité
bien ordonnée commence par soi-même et finit comme elle a
commencé”.
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