LE VIRTUOSE, LE POÈTE
ET LE GÉNIE DU PIANO
BIENTÔT UNE FONDATION WALID AKL À BEYROUTH
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Une des riches bibliothèques du pianiste. |
à Louveciennes, à l’entrée de la maison de Walid Akl. |
Depuis la nouvelle
de sa tragique disparition, je suis sous le choc, n’arrivant pas à
l’imaginer inanimé et sans voix, lui qui donnait, extraordinairement,
vie à son piano dès que ses doigts s’y posaient.
La nouvelle de sa mort annoncée par les médias libanais et
français, s’est propagée comme une traînée de
poudre, semant l’affliction au Liban et dans le monde musical où
il était aimé et respecté.
PÈLERINAGE À LOUVECIENNES
Sa sœur Nada et son frère Ziad m’ont annoncé: “Walid demeurera
toujours parmi nous, car nous avons décidé de créer,
dès aujourd’hui, une Fondation Walid Akl qui aura pour siège
Beyrouth et dont le but sera d’aider les jeunes musiciens libanais à
poursuivre leurs études et leur carrière. Ainsi, Walid sera
immortel à travers eux et les diverses activités de la fondation.”
Avec Nada et un ami, nous avons pris la route de Louveciennes, dans les
Yvelines, où Walid avait acquis la maison de ses rêves, perdue
dans la nature, rappelant, étrangement, sa maison de Mhaïdssé
près de Bickfaya. Là, nous avons retrouvé sa femme
Dina abattue par son chagrin.
Pendant des heures, nous avons parlé de lui le sentant parmi nous.
Puis, je fis le tour de la magnifique demeure où chaque objet rappelle
l’artiste, surtout, le piano à queue, un “Steinway” où étaient
posées quelques partitions avec des annotations écrites de
sa main. Plus loin, son arsenal de travail ultra moderne: un ordinateur
très sophistiqué, un minitel, un camescope, un magnétoscope
et une caméra à trépied. Dans son bureau du début
du siècle, traînait un dernier fax qu’il avait rédigé
réglant les derniers dispositifs du concert qu’il devait donner
à la grotte de Geïta le 19 septembre.
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La chambre à coucher de Walid Akl, |
LA COLLECTION DE TINTIN
Au salon, un ancien piano qui aurait appartenu à Haydn et dont il
était fier; deux immenses bibliothèques bourrées de
précieux ouvrages traitant de musique, de peinture, de philosophie
mais, aussi, toute la collection de Tintin dont il raffolait.
Au second étage, j’ai retrouvé son boudoir, son reposoir
et sa chambre à coucher, toute tapissée de rouge avec un
lit sobre, deux beaux portraits de lui, ainsi qu’un gros nounours trônant
sur une chaise à bascule. Sur sa table de chevet, “L’Etoile Mystérieuse”
de Tintin: ronronnant sur un coussin, sa chatte semblait languir de l’absence
de son maître.
IL A PORTÉ HAUT LE NOM DU LIBAN
Sa carrière a été brillante, entièrement dédiée
à la musique. Tel un pèlerin de la paix, il a sillonné
le monde pour interpréter les plus grandes partitions classiques.
Il a été, en quelque sorte, le plus ardent ambassadeur de
notre pays. En Amérique et en Europe, il a subjugué bien
des parterres, portant haut le nom du Liban.
Un jour d’octobre 1985, alors que la guerre faisait rage au Liban et que
nous regagniions ensemble Paris, via Larnaca, il voyageait avec pour seul
bagage un smoking et une grande croix en bois. Il m’avait donné
une leçon de patriotisme. “On peut aimer son pays, dit-il, même
en en étant éloigné”.
Malgré sa réussite fulgurante, il ne s’était pas départi
de sa modestie, ni de son angoisse, toujours tourmenté et soucieux
de ne pas avoir atteint la perfection. Ce qui, peut-être, a épuisé
son grand cœur.
A Louveciennes, un ami qui s’était rendu au funérarium de
St-Germain-en-Laye, nous a confié: “Sur son lit de mort, Walid semble
dégager beaucoup de force, de majesté et de beauté”.
Avec lui, le monde perd un autre Chopin, un Mozart, un Liszt ou même
un autre Proust (qui est mort à son âge) ou un autre Gebrane.
DES FUNÉRAILLES NATIONALES
Mercredi 1er octobre à Paris, sa famille, ses amis et ses fans lui
ont réservé une émouvante cérémonie
religieuse en l’église russe de la rue Daru dans le 8ème
arrondissement.
Samedi 4, le glas sonnera dans son village natal de Mhaïdssé
où des funérailles nationales, lui seront faites.
BIOGRAPHIE
Né au Liban
en 1945, Walid Akl parcourt une grande partie du monde à partir
de 1969, date à laquelle il termine ses études à Paris,
à l’Académie Marguerite Long, au Conservatoire National Supérieur
et à l’Ecole Normale de Musique. Ses maîtres furent Germaine
Mounier, Yvonne Lefebure et Jacques Février. Le CD consacré aux œuvres pour piano du philosophe Nietzsche vient de paraître. L’une des compagnies de disques les plus importantes du monde: la compagnie américaine Koch Discover International, a signé un contrat avec Walid Akl pour la distribution et la promotion de toute sa discographie dans le monde entier à partir d’octobre 1997. Walid Akl, passionné par l’histoire gréco-romaine, venait de publier un ouvrage sur Jules César, commentant la vie du grand homme d’Etat romain et faisant un rapprochement avec certains aspects de la musique. Cet ouvrage était accompagné d’un de ses CD, pour expliquer et soutenir ce point de vue. |