Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
NOUS NE SOMMES PAS RACISTES, MAIS LE PROCÈS PAPON COUVRE LES JUIFS D’OPPROBRE POUR L’HISTOIRE 

Nous ne sommes pas racistes et ne le serons aucun jour. Cependant, le jugement de Maurice Papon, ministre des Finances et du Budget dans le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing, directeur de la Sûreté sous le gouvernement de Vichy ayant coopéré avec les Nazis, auquel nous assistons au sud-ouest de la France, devant la cour d’assises de la Gironde, se déroule dans un climat juif, artificiel, celui d’Auchwitz, de la «Shoah», des rues des Rosiers et Copernic à Paris. Et ce, au milieu d’une mobilisation israélienne étudiée, visant à raviver la rancune contre une génération de gens et à mobiliser, aussi, les héritiers et les petits-fils des juifs qui le poursuivent, pour avoir déporté 1.700 de leurs coreligionnaires vers les camps de la mort nazis, quand il était secrétaire général de l’administration de la Gironde entre les années 1942 et 1944 (sic).
Ainsi a été constitué un comité de jurés, dont les membres sont appelés à se placer en 1997, dans le climat qui prévalait en 1944, avec les contradictions et les antagonismes que cela comporte.
Quant au chef d’accusation porté contre Papon, c’est celui du crime traditionnel: «Crimes contre l’humanité et violation des droits de l’homme». C’est le refrain évoqué en permanence par Israël, à l’effet d’entretenir un climat étudié et planifié, dans l’idée d’acquérir une popularité et de le montrer face à l’opinion publique mondiale sous l’apparence du martyr dont les droits ont été spoliés.
Sans montrer de la partialité, nous disons avec Me Jean-Marc Varaut, avocat de la défense dans cette affaire, que le jugement est superflu et déplacé. De plus, il est falsifié dans toutes ses parties et, par conséquent, doit être barré. Tous les jurés approchent de la quarantaine; ils ne peuvent donc vivre les heures embarrassantes auxquelles la France a été confrontée durant l’occupation, car ils n’ont pas été brûlés par le feu de l’épreuve. Puis, Maurice Papon sera incapable d’assurer sa défense d’une manière parfaite, pour la raison que la plupart des témoins de la défense, sont morts, y compris ses chefs hiérarchiques qui lui ont donné les ordres et les instructions conformément auxquels il a agi. La cour peut agréer la requête de l’avocat ou la rejeter. Il importe, toutefois, d’essayer, la logique utilisée n’étant pas une logique juridique, ni celle des avocats.
L’avocat juif extrémiste, Arno Karsfeld a dit aux juges: «C’est un affront à la mémoire des victimes. Je ne peux admettre au nom de la partie plaignante, c’est-à-dire les fils et petits-fils des victimes, qu’en ayant décidé de juger Papon tout en le laissant libre, vous l’avez rendu à la liberté d’une manière complète. Cette décision affecte la partie plaignante et le peuple français, en général. C’est pourquoi, j’ai résolu de me retirer, en signe de protestation contre la déportation de 1.700 juifs, dont deux-cents enfants».
Ainsi, si Papon était condamné, la sentence n’excèderait pas le blâme verbal. L’avocat de la partie civile a déploré le fait pour Papon d’être jugé libre, ceci ayant coïncidé avec le grand jour du pardon, le jour du «Kipour».
Cependant, le président de la Cour d’appel de la «Gironde», Louis Castagnede, connu pour être un juge ferme et dur, a répondu: «Nous ne nous laisserons pas influer par ce climat enfiévré». Il a laissé Karsfeld dire «qu’il se retirera et observera de l’extérieur tout ce qui se passe dans le prétoire et le jugement que rendra le tribunal, lequel, selon la partie civile, a révélé une attitude favorable à Papou avant le procès, prenant son parti et faisant fi des victimes; réservant à l’accusé un traitement privilégié, ce dont ne peut bénéficier un accusé poursuivi «pour crimes contre l’humanité».
Papon passe donc ses nuits dans l’un des hôtels les plus grands de la région, l’hôtel «Du Medoc», jouissant de la garde de l’élite de la police française et dînant, chaque soir, au «Margaux», restaurant huppé, avec les membres de sa famille.
Me Boulanger, avocat ayant présenté la première plainte contre Papon en 1981, a critiqué le cadre dans lequel se déroule le procès, permettant à l’accusé de rester libre, s’il venait à se pourvoir en cassation, si jamais il était condamné. Aussi, a-t-il demandé au Premier ministre, Lionel Jospin, de procéder d’urgence à une révision du Code de procédure pénale, en déposant un projet de loi en ce sens à l’Assemblée nationale. Il perd de vue, sans doute par ignorance, que la loi même amendée n’a pas un effet rétroactif, car le procès s’est ouvert à l’ombre d’une loi en vigueur.
La partie civile commet une erreur en exigeant le jugement de Papon en état d’arrestation. Me Boulanger a dit qu’il convaincra les plaignants, c’est-à-dire les vingt-six familles qui se sont portées partie civile, de ne pas renoncer à leur procès, de ne pas se retirer avec leurs mandataires et de dire: «Nous acceptons le résultat quel qu’il soit». Mais en contre-partie, et c’est du chantage - imaginez l’état d’âme dans lequel ils tentent de placer le tribunal - ils demandent au ministère de l’Intérieur «de protéger Maurice Papon après l’avoir libéré, pour ne pas connaître le même sort que René Bousquet, ce dernier ayant été assassiné en 1993. “Nous avons beaucoup de choses à dire à Maurice, Papon qui doit ouvrir ses oreilles, pour bien entendre ce que nous voulons lui dire», a déclaré Eliane Doumange.
Ceci n’est pas le procès d’une personne, mais d’un régime; le procès de la politique de Vichy contre les juifs. Maurice Papon sera jugé, comme avait été jugé Klaus Barbie et Paul Touvier. La mise au point du dossier comprenant 635 documents analytiques, a nécessité huit ans de préparation, ayant amené des juges et des enquêteurs aux dépôts et archives de la «Gironde», aux tribunaux militaires et au ministère de l’Intérieur. De même, les dépositions de 95 témoins et de 85 parties plaignantes ont été enregistrées. Maurice Papon a été entendu dix fois durant de longues heures. On s’attend que quarante des cente trente cinq témoins dont les noms sont cités, ne répondent pas aux convocations, parmi eux des personnalités politiques, tels l’ancien Premier ministre Raymond Barre, Pierre Mesmer et Olivier Guichard. Quant au président Valéry Giscard d’Estaing qui connaît Maurice Papon et sa résistance au nazisme, Papon ayant été ministre du Budget sous son mandat, il s’est excusé pour des raisons de force majeure.
Ainsi, les espoirs fondés par les extrémistes juifs sur la magistrature paraissent être tombés. Ils s’attendaient à un procès-bidon dont la sentence serait connue à l’avance, la vérité étant violée, éloignée de tous les magistrats qui pensent qu’il faut faire bénéficier le prévenu d’un non-lieu.
L’opinion publique réprouve le fait pour le militant auquel le général De Gaulle avait rendu hommage, de devenir un collaborateur cinquante années plus tard.
La poursuite et les prétentions ont suscité la dérision de tous, car ils considèrent qu’elles ne conviennent pas à un Etat de droit, un Etat comme la France. Toujours est-il que le fanatisme a, semble-t-il, une marge médiatique pouvant être orientée, stipendiée et ayant la rancune pour mobile. Et pour que le procès de Nuremberg ne soit pas le droit d’un instant, mais un instant de droit, les avocats de Papon ont appelé à la création d’une Cour criminelle internationale permanente que les gens attendent depuis quarante-cinq ans.
Il est établi qu’il y a pas d’arrangement entre le bien et le mal. On ne peut aider l’un et servir l’autre en même temps. Puis, il n’est pas permis de prendre position et de choisir un camp dans cette affaire pour cause de réserve, car cela malmènera la conscience et embourbera l’âme dans l’indignité et l’opprobre.
La justice et le réalisme exigent le renvoi du procès sur lequel on ne doit pas statuer, pour que cela ne soit pas une perpétuation, dans ce siècle, à aider l’homme pour porter atteinte à son frère l’homme. D’autant que nous n’avons pas encore trouvé un remède contre la chute une fois de plus dans la barbarie, sauf la mémoire. Ce que je dis n’est pas une leçon de pédagogie, mais la logique de la préservation de soi et de l’autodéfense.
Le procès falsifié et rejeté quant à la forme, s’insère dans une quasi-unanimité mondiale contre les conseils de Ben Gourion qui s’exprimait de la sorte: «Pour qu’Israël existe, il nous faut commettre, chaque jour, une agression, un acte terroriste et un crime; puis, de couvrir ce crime en feignant de pleurer et d’apparaître sous l’apparence du persécuté et du martyr».
Cette logique était courante au temps de l’obscurantisme. Mais aujourd’hui, en y ayant recours, qui Israël tente-t-il de leurrer? Il ne peut tromper personne, mais se ment à lui-même. Ainsi, il est seul dans la tentative de tromper et le seul à y croire. 

Photo Melhem Karam

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