La
quatrième rencontre (et non la troisième, selon le dicton)
a été la bonne: les trois présidents sont tombés
d’accord, mardi soir, sur un “arrangement en six points”, au terme d’une
réunion de travail et de réconciliation au palais de Baabda.
Et ce, sans aucune médiation syrienne, du moins apparente. Le char
de l’Etat devrait donc redémarrer sans grincements! Cependant, l’opposition
demeure sceptique et comparant la “troïka” à un conseil présidentiel,
fait assumer au Pouvoir tricéphal la paralysie de la démocratie
chez nous...
L’heure de
la liquidation des différends a sonné, après celle
de la liquidation des comptes. Telle est l’impression qui s’est dégagée,
mardi, des déclarations faites par les chefs du Législatif
et du gouvernement, lesquels devaient se retrouver en fin d’après-midi
au palais de Baabda, pour une quatrième rencontre, sous l’égide
présidentielle, à l’effet de surpasser leurs divergences.
D’ailleurs, en ouvrant dans la matinée du même jour, la
réunion du bureau de l’Assemblée, en prévision de
la séance parlementaire du lendemain, M. Nabih Berri a qualifié
le climat de positif, «l’accord (avec M. Hariri) étant en
voie de se réaliser autour de toutes les questions litigieuses».
Interrogé sur le point de savoir si un sommet libano-syrien
allait se tenir, pour dissiper toutes les réserves et les réticences,
le président de l’Assemblée a répondu: «Point
n’est besoin de tenir un sommet, les sujets étant en voie de règlement».
En fait, en début de soirée, MM. Berri et Hariri quittaient
ensemble le palais de Baabda et tenaient une conférence de presse
commune, pour annoncer l’accord en six points auquel ils venaient de souscrire:
organisation des élections municipales et des moukhtars le plus
rapidement possible, au plus tard en avril 98; renforcement du contrôle
sur les institutions publiques et les différentes Caisses; application
du principe de l’alternance entre les différentes communautés
nationales, sans exception en ce qui concerne les fonctions publiques;
interdiction du recrutement d’agents de l’Etat, sauf sur base de la procédure
légale, par le canal du Conseil de la fonction publique; octroi
de la priorité dans les nominations de la première catégorie
aux fonctionnaires déjà en service; mise en marche du bureau
national du médicament.
Le chef du gouvernement s’est engagé à opérer
une «grande réforme administrative» et à permettre
à toutes les institutions étatiques de jouer leur rôle.
Pourquoi ne l’ont-elles pas joué jusqu’ici? Il ne l’a pas explicité!
Et d’enchaîner: «Le citoyen avait raison de s’inquiéter
et de convertir en dollars ses économies placées dans les
banques en livres libanaises».
Ni M. Berri, ni Hariri n’ont évoqué «l’annexe NÞ9»
relative aux impôts et taxes et l’ont passée sous silence.
Il a fallu que les reporters de presse les pressent de questions à
ce sujet pour en parler.
Ainsi, on a pu apprendre - et M. Sanioura l’avait déjà
assuré, en quittant la Chambre, au terme d’une réunion de
la commission parlementaire des Finances: le gouvernement ne tient ni à
l’annexe NÞ9, ni à aucun impôt. «Nous ne voulons
pas, précise le Premier ministre, faire ployer le citoyen à
revenu limité sous des surcharges fiscales... J’ai proposé
la création d’un organisme spécial des recettes, pareil à
celui en vigueur aux Etats-Unis, connu sous les initiales IRS, ayant pour
tâche de rechercher les moyens susceptibles d’accroître les
rentrées du Trésor, les impôts, taxes (et surtaxes)
devant être répartis de manière à soumettre
les contribuables au Fisc, chacun selon sa capacité».
Comme on le constate, le ton a nettement changé et s’avère
conciliant... Mais comme dit le proverbe: «Chat échaudé,
craint l’eau froide». Et on redoute toujours jusqu’à l’apparence
de ce qui nous a déjà nui...
Les accords et les promesses devraient, en principe, porter à
l’optimisme. Mais dans notre cas, alors que les gouvernants vendent souvent
la peau de l’ours avant de l’avoir abattu, il nous faut rester sceptiques
et ne pas prendre pour de l’argent comptant tout ce qu’ils débitent.
Leur nouvel accord et leurs déclarations d’intentions étant
du déjà vu et entendu! |