Annie Caubet, Mortimer et Thérèse Sacler qui ont participé aux travaux d’un montant total de 22 millions de francs. |
Le département des Antiquités orientales au Louvre occupe onze salles au Grand Louvre. |
Des visiteurs lisant l’inscription sur la stèle du sarcophage d’Echmunazor. (IVe S. av. J.C.) |
Le 10 octobre eut lieu, à Paris, l’inauguration au musée du Louvre, de l’aile Sackler (du nom du mécène et généreux donateur, Mortimer Sackler), consacrée à la Perse, à la Phénicie, à Chypre, à l’Arabie et à Palmyre du premier millénaire.
L’aile Sackler dont les travaux viennent d’être terminés
dans le cadre du projet du Grand Louvre, comprend onze salles s’étalant
sur 1200m2, a coûté 22 millions de francs en aménagements
et comprend quelque 2000 œuvres ayant appartenu aux antiquités orientales.
A l’inauguration, on notait la présence des officiels français,
ainsi que de MM. Pierre Rosenberg, président-directeur du musée
du Louvre; Jean Lebrat, président de l’Etablissement public du Grand
Louvre et de Mme Annie Caubet, conservateur général, chargée
du département des Antiquités orientales.
La Première Libanaise, Mme Mona Hraoui, M. Joseph Pharès,
vice-président de l’ICOMOS (International Council on Monuments and
sites) et un groupe d’intellectuels libanais étaient également
présents.
FASTES ORIENTAUX
On avait un réel plaisir à se replonger mille ans avant
le Christ et à admirer la qualité, la finesse, la grandeur
et la majesté de l’art existant déjà depuis mille
ans avant l’ère chrétienne. Nous avons parcouru, à
travers les onze salles d’exposition, tout un millénaire de gloire
et de fastes orientaux. Notre fierté était encore plus grande
en parcourant la salle 17, consacrée au royaume phénicien
(Levant);
Voici comment elle est décrite sur les plaques du Louvre fixées
à l’entrée de la crypte.
SALLE 17-LEVANT - LES ROYAUMES PHÉNICIENS
(VIIIème - IIème SIÈCLE av. J.-C.)
La Phénicie est la région côtière de l’Asie
antérieure sur la Méditerranée (aujourd’hui Israël,
Liban, Syrie). L’appellation Phénicie est un terme grec qui fait
allusion à la couleur rouge (phoinix): rouge comme la pourpre dont
l’exploitation a fait la gloire de cette région, ou rouge comme
le teint de ses habitants brûlés par le soleil. Les Phéniciens
eux-mêmes se disent “gens de Tyr, de Sidon...”, tant ils n’avaient
pas conscience d’appartenir à un pays unifié. Ils étaient
les héritiers des Cananéens, population de l’aire syro-palestinienne.
Après l’invasion des “Peuples de la Mer” (vers 1200 av. J.-C.),
les Phéniciens s’organisèrent en cités-états
établies sur la bande côtière (correspondant au Liban
actuel), tournés vers le commerce maritime, laissant l’intérieur
des terres aux Araméens et aux Hébreux.
Le noyau de la collection phénicienne du Louvre est constitué
d’œuvres rapportées par Ernest Renan de sa mission au Levant (1860-61).
Les sarcophages, stèles et monuments sont désormais regroupés
pour évoquer les différents royaumes phéniciens durant
la période assyrienne et perse (VIIIe-IVe siècle av. J.-C.).
SALLE 17A 1ère TRAVÉE - BYBLOS
Byblos fit très tôt usage de l’écriture alphabétique,
attestée par une série d’inscriptions royales qui permettent
de retracer son histoire aux époques perse et assyrienne.
La stèle du roi Yehawmilk (v. 500 av. J.-C. - AO 22368) montre
le souverain de Byblos, en costume perse, présentant une coupe
à la “Dame de Byblos”, déesse de la cité, figurée
sous l’aspect d’Isis Hathor - la déesse de la fertilité pour
les Egyptiens. L’inscription donne la généalogie du roi,
énumère le précieux mobilier qu’il a offert à
la déesse et évoque la construction d’un autel. Un lion couché
en basalte (AO 4950), provenant sans doute d’un temple, s’inspire de modèles
égyptiens du VI-Ve siècle av. J.-C.
La vitrine 1 est consacrée à la sculpture votive en pierre
ou en terre cuite provenant de différents sites de Phénicie:
figurines d’Amrit, maquettes de chapelles (AO 1333 et AO 1471), char en
bronze portant deux divinités (AO 2265), masques funéraires
en or (AO 3988)...
2ème TRAVÉE - LA PHÉNICIE
DU NORD
* De nombreux sarcophages (Ve et IVe siècle av. J.-C.) proviennent
de la nécropole de Tartous. Ils sont taillés soit dans du
marbre des îles grecques et travaillés pour une clientèle
phénicienne, soit dans une pierre locale imitant le marbre (Tête
féminine - AO 4971). Il existait également une production
meilleur marché en terre cuite peinte: la Tête (MNB 1293)
est marquée par une forte influence chypriote, sensible dans la
coiffure et les bijoux.
Le sarcophage de marbre, avec une tête de jeune homme (AO 4801)
encadrée de longues boucles, viendrait de la région de Tripoli.
Son style archaïsant inciterait à le situer dans le deuxième
quart du Ve siècle.
* Amrit constitue une exception dans le monde phénicien car
une architecture monumentale y est conservée, avec un sanctuaire
de source. La dévotion aux dieux se manifeste par l’offrande de
stèles. La stèle d’Amrit (AO 22247) est l’une des plus anciennes
(VIIe ou VIIIe s. av. J.-C.). D’une hauteur de 1,78m, elle représente
un dieu guerrier vêtu à l’égyptienne - sans doute un
dieu de l’orage - maîtrisant un lion. Une inscription en phénicien
gravée au-dessus du lion - sans doute au Ve s. - est une dédicace
au dieu guérisseur, le “seigneur Shadrapha”. Ce dieu de l’Orage
bénéfique sera révéré, plus tard, sous
les traits de Zeus et de Jupiter.
* Les coutumes funéraires sont magnifiquement illustrées
par les monuments de la nécropole royale de Sidon. Un temps éclipsée
par Tyr, Sidon - l’actuelle Saïda - est la principale ville phénicienne.
Sous la dynastie d’Eshmunazor (Ve s. av. J.-C.), elle jouit d’un grand
prestige aux yeux du roi perse. Les fouilles du XIXe s., ont mis au jour
des sarcophages de pierre dans des chambres funéraires souterraines,
creusées dans le rocher. Leur luxe et la diversité de leurs
styles sont représentatifs de cette culture cosmopolite: certains
sont d’importation égyptienne, mais la plupart sont d’influence
grecque. Ils sont probablement l’œuvre d’artistes grecs travaillant un
matériau importé.
Le sarcophage d’Eshmunazor II (IVe s. av. J.-C. AO 4806) est une œuvre
égyptienne importée. D’une hauteur de 2,5m, il fut le premier
sarcophage à entrer au Louvre. Découvert par M. Pérétié,
il fut offert au musée en 1855 par le duc de Luynes. Taillé
dans de l’amphibolite noir, il est de style égyptien. L’inscription
gravée sur son couvercle donne le nom, les titres et la généalogie
du défunt. Le roi, qui a régné 14 ans, écrit:
“J’ai été emporté avant mon temps, fils d’un nombre
de jours restreint, misérable orphelin, fils d’une veuve”. Il rappelle
ses constructions de temples pour Astarté, Eshmun et Baal, ainsi
que ses acquisitions territoriales “Dor et Jaffa, les puissantes terres
à blé qui sont dans la plaine de Sharon”. Eshmunazor avait
ainsi été récompensé par le roi perse de l’aide
apportée par la flotte de Sidon pendant les guerres médiques.
Il comporte un texte d’imprécation à l’encontre des mains
sacrilèges qui pourraient profaner la dernière demeure du
roi.
Les autres sarcophages de cette nécropole sont en marbre grec.
Ils sont de forme anthropoïde: la cuve épouse à la manière
égyptienne la forme du corps momifié, mais les visages sont
des adaptations de l’art grec aux demandes des commanditaires appartenant
à l’élite phénicienne.
Parmi ces sarcophages de marbre grec, certains témoignent d’une
influence égyptienne, comme celui à la tête coiffée
du klaft égyptien (AO 4802). D’autres portent la marque de l’art
grec, comme sur l’un des plus anciens, où le corps du défunt
est entièrement modelé sur le couvercle (AO 4970 - fin du
VIe siècle). Le personnage tient dans sa main un vase utilisé
dans les rites funéraires. Tous ces sarcophages étaient rehaussés
d’une polychromie qui a presque totalement disparue.
3ème TRAVÉE - UMM EL-AMED
Umm el-Amed, l’ancienne Hammon, se trouve à l’extrême
sud du Liban, à l’actuelle frontière avec Israël. Les
fouilles y ont dégagé un sanctuaire remontant à l’époque
perse et héllénistique, composé de deux temples: le
temple de Milkashtart et un autre, peut-être consacré à
la déesse Astarté.
Ces édifices sont riches en statues votives et en stèles
montrant des prêtres et des dédicants en prière sous
un disque ailé, signe de la présence divine.
Les statues masculines, vêtues d’un pagne proviennent du temple
de Milkashtart. L’influence de l’Egypte y est très nette. Elles
pourraient dater de la période perse (Ve-IVe siècles). Selon
la mode égyptienne, trois d’entre elles sont adossées à
un pilastre qui, sur la statue (AO 4404), porte une dédicace au
seigneur Osiris.
Sur la stèle (AO 4062), l’officiant, qui porte le long vêtement
plissé et la toque empruntés aux Perses, fait un geste d’offrande
de la main droite levée. De sa main gauche, il tient une cuillère
à encens, ornée d’un sphynx portant la double couronne égyptienne.
L’inscription indique qu’il s’agit de Baalyaton, fils d’Abdhor, prêtre
de Milkashtart.
Renan a rapporté un petit trône votif (AO 4812), du type
trône d’Astarté, destiné à accueillir la divinité.
La statue en grès (VIIIe - VIIe siècles av. J.-C. - AO
4805) vient de Sarepta, ville satellite de Sidon (à 15 Km), qui
passa sous le contrôle de Tyr en 677. Le personnage - peut-être
un dieu ou un fidèle - porte un pagne égyptien et un pectoral
avec le disque dans un croissant. Il s’agit d’une sculpture en haut relief
sur un pilier carré qui devait constituer le jambage droit d’une
porte, sans doute d’un temple.
SALLE 17B - TYR ET SA RÉGION
Tyr a été édifié sur deux îlots rocheux
réunis. La ville connut une période glorieuse au Xe siècle
avant J.-C. et joua un rôle prééminent tout au long
de la domination assyrienne, réussissant à garder son indépendance.
Sidon faisait alors partie du royaume de Tyr. Tyr ville résista
victorieusement au siège des assyriens au VIIIe siècle, puis
à celui de Nabuchodonosor.
A l’époque perse, elle perdit sa suprématie en
faveur de Sidon. Elle tomba en 332 sous les coups d’Alexandre Le Grand.
Métropole de la colonisation, Tyr fut la grande puissance navigatrice
et commerçante.
Les trônes votifs étaient déposés dans un
sanctuaire, où ils matérialisaient la présence de
la divinité. Un trône (VIe s. av. J.-C. AO 4565), trouvé
aux environs de Tyr, a conservé les deux sphynx, privés de
leur tête, qui flanquaient le siège. La dédicace à
Astarté, gravée sur la base, pourrait justifier l’appellation
de “Trône d’Astarté”. Sur le dossier, deux stèles sculptées
représentent la divinité à gauche et le dédicant
à droite.
Les niveaux phéniciens ont été détruits
par les installations plus tardives. En proviennent les deux stèles
(v. 350 av. J.-C.) montrant l’une un prêtre (AO 1001), l’autre un
fidèle (AO 4821), sous le disque ailé.
La vitrine 2 regroupe des sculptures votives en pierre, terre cuite
et métal, dont certaines retrouvées en mer.
A la fin de la visite, nous avons vivement souhaité que les
responsables libanais s’activent à redorer le blason du musée
de Beyrouth, lequel une fois restauré, montrera, lui aussi, au monde
les merveilles de notre civilisation antique.