RENCONTRE AVEC L’AMBASSADEUR D’ALGÉRIE LAHSAN BOUFARÈS: “LES ALGÉRIENS SONT EN MESURE DE RÉGLER LEUR CRISE INTERNE”
 

M. Lahsan Boufarès, ambassadeur d’Algérie à Beyrouth, a bien voulu nous entretenir des problèmes de l’heure intéressant son pays où, assure-t-il, le cycle de violence est en voie de perdre de son acuité.
De plus, il soutient que le terrorisme est un “phénomène universel” dont presque aucun pays ni société n’échappe.
De la récente tournée arabe du président Zéroual, M. Boufarès dit qu’elle a été bénéfique du point de vue du resserrement des relations arabo-algériennes et de la solidarité interarabe.
Par ailleurs, il indique qu’Alger décline toute offre de médiation de la part de pays frères ou amis, disant que “l’Algérie est capable de régler sa crise interne sans ingérence extérieure.”
Enfin, il dément les nouvelles d’agences prétendant que les récentes élections municipales auraient été entachées de fraudes et d’irrégularités.
 

SOLIDARITÉ INTERARABE
- Après la tournée effectuée par le président Liamine Zéroual à un certain nombre d’Etats arabes, comment traduire ses résultats sur le terrain: peut-on s’attendre à une initiative arabe pour tenter de régler la crise en Algérie?
“Il est certain que cette tournée ayant mené le président Zéroual en Syrie, en Jordanie, en Arabie séoudite et dans d’autres Etats arabes, reflète la portée arabe de la politique extérieure algérienne et le souci d’Alger de consolider ses relations avec ces Etats au double plan politique et économique, tout en affirmant sa solidarité avec ses partenaires de la Ligue, au moment où le processus de paix au Proche-Orient trébuche, à cause de l’intransigeance d’Israël et son refus d’appliquer les résolutions internationales.
“De notre côté, nous apprécions les prises de position en faveur de l’Algérie, surtout celles des Etats frères.
“En ce qui concerne certaines voix - isolées et peu nombreuses - qui prônent l’internationalisation de la crise algérienne, notre position à leur égard est ferme et connue. Dans la mesure où nous nous interdisons de nous immiscer dans les affaires des autres, nous nous opposons à toute ingérence dans nos affaires intérieures.
“Le peuple algérien - gouvernement et classe politique - a dit son dernier mot à ce sujet, d’autant que nous disposons d’institutions capables de trouver des solutions à nos problèmes.”

- Suite aux efforts déployés pour mettre fin au conflit interne en Algérie, y aurait-il une possibilité pour le gouvernement d’engager des pourparlers avec le Front islamique du salut?
“Je tiens à affirmer, à ce propos, que le dialogue avait été engagé de mars 93 à juillet 95 avec toutes les forces politiques ayant souscrit, alors, à deux conditions, à savoir: respecter la Constitution et répudier la violence.
“Ces forces participent, aujourd’hui, à la vie politique. Elles sont représentées à l’Assemblée populaire nationale multipartite qui a été élue, démocratiquement, en juin dernier, certaines parties étant représentées au gouvernement. Seuls n’ont pas pris part au dialogue ceux qui s’en sont exclus.”

Le diplomate algérien à Rania el-Hachem: 
“J’ai trouvé au Liban ce à quoi je m’attendais avant d’y venir”.
 

L’ALGÉRIE EST CAPABLE DE RÉGLER SA CRISE INTERNE
- L’Union européenne est-elle en mesure d’intervenir pour mettre un terme au conflit?
“Je crois avoir répondu à cette question. J’affirme, de nouveau, que l’Algérie est capable de régler sa crise sans intervention de la part de n’importe quelle partie extérieure.”

- L’Algérie traite-t-elle avec l’Union européenne et dans quel domaine?
“Nous traitons avec les Etats membres de l’U.E., collectivement ou séparément, à l’effet de renforcer nos relations économiques, raffermir la coopération, instaurer un climat de paix et de stabilité dans l’intérêt commun.
“De ce point de vue et, à titre d’exemple, Alger accorde de l’importance au processus de Barcelone où notre pays assume la mission de coordonner entre les Etats arabes.
“Je tiens à rappeler la quatrième session de la conférence méditerranéenne, ayant tenu ses assises en Algérie les 11 et 12 juillet dernier à l’échelon des ministres des Affaires étrangères. Cette conférence a jeté les bases du dialogue et de l’entente, en vue de rapprocher les points de vue à propos du partenariat euro-méditerranéen au double niveau bilatéral et multilatéral.”

- Dans quelle mesure le conflit interne a-t-il affecté l’activité économique en Algérie?
“A vrai dire, les appréhensions manifestées par certains à ce sujet, se sont dissipées. La situation sécuritaire n’a pas affecté les efforts déployés aux fins d’améliorer le processus économique. Elle n’a pas empêché l’afflux des investisseurs et des hommes d’affaires d’Europe, d’Amérique, d’Asie et des Etats arabes frères dont le nombre ne cesse de croître chez nous”.

LE TERRORISME, UN PHÉNOMÈNE UNIVERSEL
- A propos du terrorisme et de la violence, le diplomate algérien dit qu’il s’agit d’un phénomène universel qui ne se limite pas à des Etats ou à des sociétés déterminés.
“Ce phénomène est sujet à expansion, comme nous le constatons en divers endroits. Je ne crois pas qu’un Etat puisse assurer être à l’abri du terrorisme ou n’y être pas concerné. Aussi, la communauté internationale a-t-elle pris conscience des dangers pouvant découler de ce phénomène, comme de la nécessité de le combattre collectivement pour l’extirper.
“Cette prise de conscience, nous avons commencé à la toucher du doigt au niveau des organisations internationales et régionales, lesquelles accordent à ce sujet l’importance qu’il mérite.
“Il y a unanimité en Algérie sur la nécessité de faire face à ce phénomène étranger à notre société et d’y mettre fin. Il n’est pas exact de dire que des divergences opposent les gouvernants algériens quant à la manière de combattre ce fléau.”

- Les autorités algériennes assurent tenir bien en main la sécurité intérieure. Pourtant, des massacres sont perpétrés, quotidiennement ou presque, en Algérie...
“La lutte contre le terrorisme requiert un long souffle. D’ailleurs, la situation sécuritaire dans notre pays ne cesse de s’améliorer et s’oriente d’une manière sûre vers la stabilité.”

LA VIOLENCE EN VOIE DE DISPARAÎTRE EN ALGÉRIE
- Croyez-vous que la violence a pris fin?
“Je crois fermement qu’elle est en voie de disparaître.”

- Quelle est la nature de vos liens avec la France? Coopérerez-vous avec elle au plan de la sécurité et des renseignements? Et qu’en est-il des attentats à l’explosif commis en France, dans lesquels sont impliqués des islamistes?
“Notre coopération avec la France, comme avec les autres pays, tend à consolider les relations bipartites, conformément à des principes auxquels nous sommes fermement attachés, à savoir: le respect mutuel, les intérêts communs et la non-immixtion dans les affaires des autres.”

- L’Algérie assume, actuellement, la présidence de l’Union du Maghreb arabe: quel est le programme d’action de cette Union et serait-il question de tenir un sommet des Etats membres, comme certains milieux en propagent la rumeur?
“Je tiens à préciser, tout d’abord, que l’Union du Maghreb arabe est un choix stratégique par rapport à l’Algérie et une revendication populaire revêtant une grande importance, à l’ombre de blocs géants, auxquels aucun pays ne peut faire face seul aux défis qu’ils imposent.
“A l’instar de beaucoup de blocs régionaux, l’Union du Maghreb pâtit de certaines lacunes. Aussi, les efforts tendent-ils, actuellement, à les dépasser.”

 LE PROGRAMME GOUVERNEMENTAL

- Le programme annoncé par le Premier ministre Ben Yéhia connaît-il un début d’application ou bien a-t-il été reporté pour diverses considérations? 
“Le programme du gouvernement que préside M. Ahmed Ben Yéhia a obtenu la confiance de l’Assemblée populaire nationale et est appliqué conformément au plan établi.” 

- Qu’en est-il du forum de Qatar et l’Algérie y prendra-t-elle part? 
“Par rapport à la conférence de Qatar, la Ligue arabe a adopté au cours de sa dernière session une décision liant la participation à ces assises, prévues en novembre, à l’enregistrement de progrès du processus de paix au Proche-Orient.” 

- Comment qualifiez-vous les rapports officiels avec le Front de libération national? 
“Le FLN est un parti légal représenté au sein du parlement et du Cabinet; où est le problème?” 

- La Ligue arabe a-t-elle joué un rôle positif dans l’arrêt des massacres? 
“La Ligue et son secrétaire général, le Dr Esmat Abdel-Majid, n’ont jamais hésité à condamner les actes de terroriste perpétrés en Algérie. Nous apprécions ces prises de position, lesquelles se sont traduites par l’envoi d’émissaires tant qu’observateurs lors des élections présidentielles et législatives.” 
 

 LE TERRORISME EST UN PHÉNOMÈNE UNIVERSEL DONT AUCUN PAYS N’ÉCHAPPE 

 L’UNION DU MAGHREB ŒUVRE EN VUE DE DÉPASSER SES LACUNES STRUCTURELLES 

 

 

AMNISTIE ET MESURESDE CLÉMENCE

- Le gouvernement d’Alger a-t-il proposé d’amnistier les membres détenus du Groupe islamique armé (GIA), en contrepartie de leur désarmement? 
“En plus de l’amnistie stipulée dans la Constitution, les prévenus poursuivis pour actes de terrorisme et de sabotage ont bénéficié de mesures de clémence en février 95, pour s’être livrés aux autorités compétentes. Ceci a produit un excellent impact et encouragé beaucoup de personnes à revenir dans le droit chemin.” 

- En quelle année l’ambassade d’Algérie a-t-elle été ouverte au Liban? 
“Immédiatement après l’avènement de l’indépendance, le gouvernement provisoire algérien ayant ouvert un bureau à Beyrouth.” 

- Et quand ont été établies les relations diplomatiques entre Beyrouth et Alger? 
“Après la proclamation de l’indépendance en Algérie. Les relations entre nos deux pays sont anciennes et reposent sur le respect mutuel. Nous soutenons les efforts déployés par le Liban pour récupérer les portions de son territoire occupées par Israël, en application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité. 
“Si les relations politiques entre les deux pays sont excellentes, les relations économico-commerciales le sont moins et les deux pays manifestent un désir certain de les développer. J’évoque certaines conventions envisagées, notamment celle visant à encourager et à protéger les investissements de part et d’autre, ainsi que la convention relative à la double imposition fiscale.” 

- Quelles sont vos impressions depuis votre entrée en fonctions à Beyrouth? 
“En vérité, j’ai trouvé au Liban ce à quoi je m’attendais avant d’y venir: une forte volonté de reconstruire les régions dévastées par la guerre et de dépasser ses séquelles.” 

- La guerre libanaise a-t-elle affecté l’activité de votre ambassade? 
“Pas du tout; notre mission diplomatique n’a pas fermé ses portes durant les douloureux événements.” 

- La situation qui prévaut en Algérie a-t-elle entraîné le bâillonnement des libertés? 
“Les libertés d’expression et de création d’association sont garanties par la Constitution. De même, que celle autorisant la fondation de partis politiques.” 

- Des agences de presse ont fait état de falsifications dans les élections municipales. Serait-ce exact? 
“Ces élections se sont déroulées dans des conditions parfaites, la participation des votants ayant été, conformément aux critères internationaux, très élevés, contrairement aux prévisions pessimistes de certains milieux. 
“En ce qui concerne les nouvelles relatives aux fraudes électorales, elles sont tout simplement inexactes. 
“De toute manière, le droit de contestation légale est garanti auprès de la commission chargée de superviser le scrutin, cette dernière étant formée de magistrats.” 

(Propos recueillis par RANIA EL-HACHEM)  
 

LA SITUATION SÉCURITAIRE EST EN VOIE DE SE STABILISER 

NOUS COOPÉRONS AVEC L’U.E. EN VUE D’INSTAURER UN CLIMAT DE PAIX PROPICE À LA COOPÉRATION 
 

 

 

 

 


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