Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
I - LE CAUCHEMAR DES 35 HEURES ET L’ÉCHEC DU SOMMET DU LUXEMBOURG

L’Europe vit en cette période des jours difficiles menaçant le sommet exceptionnel du Luxembourg devant se tenir les 20 et 21 novembre prochain. Ayant traité longuement la question, le parlement européen a abouti à une vérité éclatante: dans leur majorité, les députés ont réaffirmé leur engagement vis-à-vis des orientations de la commission pour les affaires européennes. La droite a refusé de prendre note de la semaine de travail de 35 heures, décidée par Lionel Jospin, Premier ministre français. En Italie, les employeurs ne veulent pas entendre parler de la semaine de 35 heures et, en Grande-Bretagne, le gouvernement paraît affligé d’une allergie à l’égard de la monnaie européenne unique.
Jurgen Schrempp, président du conseil d’administration de la Daimler-Benz se demande “comment un plan de flexibilité auquel il s’est mis d’accord avec les ouvriers peut-il vendre en l’an 2000, un million de petites voitures “Mercédès”, à l’ombre d’un horaire de travail calculé pour deux ans et sujet à modification entre 29 et 40 heures par semaine?”
La réponse à cette interrogation est que les Allemands sont soit des fous, soit des hommes super-intelligents.
Ainsi, le sommet du Luxembourg paraît menacé d’échouer, à l’ombre du cauchemar italo-allemand et mi-français, à l’égard de la semaine de 35 heures et du rejet britannique de la monnaie unique “euro”. L’Union européenne fait face à 20 millions de chômeurs. Aussi, tient-elle le sommet à l’effet de trouver des emplois à 12 millions d’entre eux et de réduire la proportion du chômage de 10,8 à 7%. Ce fait ne peut se décider sans possibilités financières. Le désir seul ne suffit pas, d’autant que l’enfer, comme dit le proverbe français, est pavé de bonnes intentions.
54% de Britanniques, spécialement, la moitié des électeurs travaillistes s’opposent à la monnaie européenne unique. Ceci n’est pas un orage dans un ciel clair, mais une position expliquant l’hésitation du Premier ministre Tony Blair qui a décidé de renvoyer à l’an 2002 la prise par Londres du premier train de l’euro. A travers la Manche, les marchés financiers suent l’angoisse et Gordon Brown, ministre britannique des Finances, se ronge les ongles avec une nervosité doublée de tension. Quant à la fédération des chefs d’entreprises, elle demande au président du Conseil d’intervenir en vue d’arrêter le déficit à trois pour cent, comme le veut Bruxelles. Puis, les Européens réclament plus de renseignements sur l’euro. Cela signifie, implicitement, qu’il leur répugne de trancher cette question avant de soumettre à un référendum général l’accord sur la stabilité monétaire adopté à Amsterdam et dont il n’a pas été fait mention dans l’accord de Maastricht.
Des Français craignent que la France devienne un pays où il fait bon vivre, mais à l’ombre d’un pouvoir d’achat plus faible qu’un autre, d’une proportion de chômage plus élevée, d’une logique au niveau réduit et d’une ambition moribonde. Il sied de préciser que la moyenne des heures de travail chez les Français est de 1530 heures par an, c’est-à-dire beaucoup moins que celle des Américains (1950 heures) et des Britanniques (1735 heures). Quant à l’Allemagne, elle travaille moins que la France, sa moyenne étant de 1508 heures.
Nous comprendrons d’une façon plus claire le problème européen, si nous savons que cinquante pour cent sont en chômage depuis un an, ainsi répartis: 20% de jeunes, 12,7% de femmes, contre 9,4% d’hommes. 45 pour cent des jeunes n’ont pas terminé leur enseignement secondaire, un pour dix d’entre eux suivant un programme de formation. Enfin, le tiers des chômeurs dans le secteur privé, travaillent dans des entreprises ne comptant pas plus de dix employés.
L’obsession qui envahit les têtes est que “le sommet du Luxembourg ne soit pas le sommet de la semaine des trente-cinq heures”, ainsi que l’a déclaré Manuel Primental, ministre espagnol du Travail.
L’initiative du gouvernement de Lionel Jospin, Premier ministre français, a suscité les appréhensions et la colère dans les pays du nord. Cependant, les réactions ont été plus tranchées  au sud de l’Europe où les gouvernements craignent que la contagion française s’y infiltre, comme ce fut le cas dernièrement à Rome.

II - LA VISITE DE LA LIBYE ET LE LOYALISME DE MANDELA AUX ENGAGEMENTS DE SA JEUNESSE 

La visite courageuse effectuée en Libye par le leader africain, Nelson Mandela, l’ex-plus vieux prisonnier politique du monde, ne cesse d’entretenir la tension entre Washington et Pretoria. Après avoir désespéré d’annuler la visite, l’Amérique a souhaité que les contacts diplomatiques entre les deux Etats se maintiennent à un niveau subalterne. Mandela a répliqué en taxant les Américains de stupidité. “Comment se permettent-ils d’être aussi arrogants en nous dictant la conduite à suivre, tel de nous indiquer le pays où nous pouvons nous rendre, les personnes avec lesquelles nous devons établir des relations et les Etats devant être nos alliés?”
Mandela ajoute: “En dépit de toutes les transformations survenues dans le monde, la haine des Noirs reste profonde”.
La violence de la confrontation ayant contraint les Etats-Unis à se rétracter et à proclamer leur respect à Nelson Mandela, dévoile le désir du président sud-africain, qui a toujours donné la preuve de sa modestie, d’avoir un rôle et une opinion quant au sort du globe. C’est ce qu’il a proclamé en toute franchise et d’un ton ferme, le jour où il a accueilli au Cap le Premier ministre indien, Inder Kumar Gujral en disant: “Nous pouvons détourner vers nous l’attention du monde, en demandant d’éliminer la disparité entre les riches et les pauvres”.
Cette activité manifestée par Mandela n’est pas sans risques pour le lauréat du Prix Nobel de la paix, lequel est intervenu en vue de trancher le litige entre Laurent Désiré Kabila et Mobutu Sessé Siko, pour arrêter l’effusion du sang au Zaïre. Les liens solides attachant son pays à Cuba et à l’Iran, deux Etats que l’Amérique tente d’isoler sur la scène mondiale, lui ont valu la colère de Washington qui le taxe de partialité... mais envers la dignité, la souveraineté et la fierté!
Cependant, il est demandé à l’Amérique de s’habituer aux comportements d’un leader ayant juré de rester fidèle à son histoire, à son combat, aux engagements de sa jeunesse, comme à l’aura qui l’a entouré et récompensé l’ère la plus noble, la plus honorable et la plus courageuse des combats héroïques sur le globe terrestre. 
 

Photo Melhem Karam

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