TATIANA  DIATCHENKO:
FILLE, FEMME, MÈRE ET CONSEILLER DU PRÉSIDENT ELTSINE

 
 
 
En vertu d’un décret du chef de l’Etat russe Boris Eltsine, Tatiana Diatchenko est nommée au poste de conseiller du président de la Fédération de Russie.

Tatiana Diatchenko, née Eltsina, est née le 17 janvier 1960, à Sverdlovsk (aujourd’hui Ekatérinbourg), dans l’Oural du Sud. Après ses études secondaires dans une école de mathématique et de physique, elle entre, en 1977, à l’université d’Etat de Moscou, à la faculté de mathématique et de cybernétique. En 1983, elle termine le cours universitaire. Jusqu’en 1994, elle travaille dans un bureau d’études; puis, dans une banque à Moscou. Mariée, elle a deux fils: Boris (1981) et Gleb (1995).

DÉPART POUR MOSCOU: SUCCÈS ET DÉCEPTIONS
Sa conquête de Moscou, la jeune provinciale de Sverdlovsk de 17 ans l’a entreprise, comme beaucoup le font à son âge, par l’université, en passant, avec succès, tous les examens d’entrée, dont les mathématiques (épreuves orale et écrite), la physique et la rédaction en russe. Avec les 280 autres veinards, elle fait partie des étudiants de la première année.
La faculté de mathématique et de cyber-nétique dure quatre ans. Première année: analyse mathématique et mathématique discrète. Théorie des maths et statistiques mathématiques, plus imagerie informatique, à la deuxième. Mécanique quantique, mé-thodes numériques de physique mathéma-tique, bases de l’informatique, théorie des jeux et stage pratique en informatique, à la troisième et à la quatrième. Voici la liste - non exhaustive - des matières dont les épreuves devaient être passées, avec des notes positives bien sûr et d’un seul coup.
- La jeune Eltsina, on ne la remarquait pas beaucoup. En plus, elle n’avait aucune charge sociale au sein des Jeunesses communistes, se rappelle -t-on à la faculté.  Il est vrai qu’elle jouait au volley et même faisait partie de la seconde sélection universitaire. Pour le reste, elle ne se détachait pas beaucoup de la masse des étudiants. Oui, elle était, peut être, un peu plus douée que les autres, mais les mauvaises notes aux épreuves, elle les avait parfois.
 Dans sa vie intime, elle a eu des problèmes aussi. Un roman qu’elle a eu à l’université, s’est dénoué de manière plus que bizarre. Lors de l’enregistrement officiel du mariage, elle a conservé l’ancien nom de famille et c’est sous ce nom, qu’a été inscrit dans les papiers son fils, Boris, qui est né pendant sa dernière année universitaire. Qui porte la responsabilité de cette aventure? Personne ne vous le dira. De toute façon. Tatiana, interrogée par les journalistes, n’a jamais soufflé mot sur son premier mariage.

PAR CONTRE, NOUS FABRIQUONS DES MISSILES...
Elle commence sa carrière de jeune “mathématicien et programmeur” - le diplôme définit ainsi sa profession - dans un bureau d’étude secret, “Saliout”, qui travaillait pour l’Espace. D’emblée, elle a été chargée d’un travail assez compliqué: le calcul des orbites des vaisseaux cosmiques, qui changent en fonction des variations saisonnières, de l’activité solaire et ainsi de suite. Elle s’acquitte de cette tâche. Rappelons que les programmes élaborés par Tatiana Eltsina, on les utilise jusqu’à présent et ils ont un prix commercial.
Les employés du bureau déjeunaient à leurs postes de travail. Le pays traversait une crise, les magasins d’alimentation étaient vides et le restaurant d’entreprise ne pouvait pas leur offrir grand-chose.
- Aux repas, Tatiana Eltsina n’était jamais trop difficile, même lorsqu’elle devint fille du président,  se souvient le chef de secteur Youri Tsourikov, docteur ès-sciences techniques et professeur. Son déjeuner comprenait des plats très simples, quelques patates, des tomates, parfois du hareng... Nous ne l’avons jamais vu déjeuner avec des sandwiches de caviar... Par contre, elle aimait offrir quelque chose à ses collègues.
Cas curieux, à toutes “les boîtes postales” - désignation populaire des entreprises d’in-dustrie de guerre qui n’avaient ni appel-lation officielle, ni adresse postale, seulement un numéro de cinq chiffres - les ingénieurs devaient, de temps en temps, passer par une “corvée de cuisine”; les restaurants d’entre-prise, faute d’équipements et, surout, de personnel auxiliaire nécessaire (en raison des bas salaires notamment), devant être desservis par le personnel technique. Cette “corvée de cuisine” existait au bureau d’études “Saliout” également; les ingénieurs faisaient la vaisselle, lavaient les plateaux et les tables, balayaient les sols... Régulière-ment, Tatiana faisait de même. Un jour, lorsque Boris Eltsine qui était déjà numéro un du Parti de Moscou - cette fonction lui réservant une place de choix au sein de l’élite politique du pays et du Parti communiste - est venu visiter l’entreprise, il a appris que sa fille était en train de “calculer les éléments d’orbite” dans les cuisines.
On ne sait pas où - dans la cantine ou au cours d’un samedi communiste, une journée de travail “bénévole” et donc non rémunéré dans un kolkhoz aux environs de Moscou pendant la récolte des pommes de terre - elle a fait connaissance de son futur mari, Youri Diatchenko, fils du constructeur principal de “Saliout”. On dit qu’il venait de temps à autre au secteur où travaillait Tatiana et il ne pouvait ne pas la remarquer. De l’avis de ses collègues-hommes, elle était fort sympa plutôt que franchement belle et savait en plus sourire de manière fort aimable. Le maquillage, elle devait l’éviter et parfois, on se demandait même si elle se farde en général; pour les cheveux, elle préférait les faire couper court.

DÉBUTS POLITIQUES
Selon les analystes russes qui suivent de près la situation dans l’Olympe du pouvoir, la fille cadette du président est le membre le plus politiquement influent de sa famille. Dans une mesure beaucoup plus grande que sa sœur aînée, Eléna, elle s’intéresse aux problèmes sociaux. Et si d’aucuns, finale-ment, devaient s’étonner face à l’invitation qu’on lui avait faite de travailler au sein de l’état-major pour l’élection présidentielle de 1996, lorsque son père décide de briguer un deuxième mandat présidentiel, ceux-ci n’étaient pas nombreux. Au bout d’un mois, cette femme énergique et intelligente, a réussi non seulement à s’intégrer complè-tement dans l’équipe qui a occupé des locaux au 10e étage du prestigieux Président-Hotel à Moscou mais, aussi, à en devenir un des membres les plus dynamiques. C’est elle qui obtient que son père en pleine campagne électorale abandonne la “composante anti-communiste”, qu’il a dû pourtant reprendre lors du deuxième tour, lorsqu’il devint clair que le concurrent le plus redoutable de Eltsine, Guennadi Ziouganov, chef des communistes, était distant de son père de quelques millions de voix.
Même après ces élections dont Boris Eltsine sort vainqueur avec plus de 50% de voix “pour”, Tatiana ne cherche pas à s’effacer, bien que chacune de ses apparitions, n’importe où en public, dans le sud du pays où un train heurte un autocar d’école faisant plusieurs morts ou en Suisse où elle réceptionne la version présidentielle d’un avion de ligne, s’accompagne d’une tempête d’accusations de “népotisme” de la part de l’opposition de gauche.
Elle explique, ainsi, ses débuts politiques: “Par rapport aux autres, il m’est évidemment plus facile d’aborder le président pour lui communiquer quoi que ce soit. Je suis en situation privilégiée pour lui dire des choses désagréables. Et, si je les lui dit, il lui est plus facile de les entendre...
“Enfin, il m’est plus facile de m’approcher du président pour lui, par exemple, ajuster la cravate, sans rien dire”.

- En parlant de votre père, vous l’avez appelé président. Vous faites distinction entre le président et le père?
“Non, je pense que je ne pourrai pas séparer le président du père. Et c’est pourquoi, les erreurs du président, je les perçois plus douloureusement que les autres”.

- Vous avez dit erreurs? Qu’est-ce que vous avez en vue?
“La Tchétchénie... Au début, je ne la considérais pas comme une erreur. Cela est venu bien plus tard. Je pense que c’est très important que le président a su être suffisamment courageux pour la reconnaître. Enfin, des erreurs, cela a lieu aussi lors des nominations”.

-Vous lisez ce qu’on écrit à votre sujet?
“Oui. Moralement, je suis prête à des choses désagréables et même à des mensonges... Mais déjà je suis immunisée contre cela. Cela ne me blesse pas comme auparavant”.

- Et les journalistes, vous ne les évitez plus?
“Un peu, oui. Dans notre pays, on reste quand même un peu méfiant par rapport à ce que font, par exemple, la fille du président ou sa femme... Je resterai à l’ombre. Je n’ai pas d’ambitions personnelles”.

En octobre 1996, Tatiana Diatchenko occupe la 19e place dans la liste des cent plus influentes personnalités politiques russes, en devançant Vladimir Jirinovski, ce “libéral-démocrate” mondialement célèbre.
En août dernier, elle monte déjà à la 7e place, en laissant derrière elle Evguéni Primakov, ministre des Affaires étrangères (8ème place). Rappelons que ce sondage a été réalisé auprès des rédacteurs en chef et commentateurs politiques de certains organes de presse, ainsi que parmi les politologues en vue. n
 

1- Moscou, mai 1996 - Le palais des Jeunes. Boris Eltsine, président de Russie, assiste au tournage pour la télévision d’un jeu d’étudiants, Le KVN (le club des Jeunes Erudits), auquel a pris part l’équipe de l’Institut polytechnique de l’Oural, dont le président est diplômé. De gauche à droite: Tatiana, fille du président; Naina Iossifovna, son épouse; Macha, sa petite-fille et Boris Eltsine.

2- Moscou, décembre 1992. Naina Eltsine avec sa fille Tatiana.

3- Juin 1996. Le président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine au cours d’un voyage de travail à Ekaterinbourg.

4- Juillet 1997, en Carélie. Tatiana Diatchenko et Youri Varov, chef-adjoint de l’Administration du président de la Fédération de Russie.


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