Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

LE CHEMIN DE JÉRUSALEM OU LES RATÉS DE LA PAIX FROIDE(1)

Vingt ans après l’accord de Camp David entre l’Egypte et Israël, le chemin de la paix au Proche-Orient reste long et plein d’embûches. L’ancien secrétaire général des Nations Unies, Boutros Ghali qui fut aussi ministre des Affaires étrangères d’Anouar el-Sadate, dresse un bilan des accords israélo-égyptiens dont il a été l’un des principaux artisans. Selon lui, l’échec du volet palestinien semble bien être l’une des causes de la stagnation des relations égypto-israéliennes, actuellement au stade de ce qu’on appelle “la paix froide”. Boutros Ghali, ne croit pas que les Egyptiens avaient placé la cause palestinienne au-dessus de toutes les autres; ce sont plutôt la déception et le ressentiment nés de cet échec, qui ont empêché l’établissement du climat de confiance à la faveur duquel auraient pu être bâties de nouvelles relations. Aujourd’hui, il est évident qu’il existe des relations plus confortables entre Jordaniens et Israéliens, même entre Palestiniens et Israéliens, qu’entre Egyptiens et Israéliens. Toutefois, cela ne signifie pas que le bilan de Camp David soit négligeable. Preuve en est, depuis vingt ans, aucun conflit armé n’a surgi entre les signataires de Camp David, dont il faut inscrire à son actif, la fin de cette obsession de la confrontation qui régnait et règne encore dans cette partie nébuleuse du monde. Et l’ancien chef de la diplomatie égyptienne d’arguer: “Chacun, au Moyen-Orient a bien compris qu’en l’absence de l’acteur principal qu’est l’Egypte, on pouvait encore se livrer au terrorisme, mais on ne pouvait plus faire la guerre à Israël. C’est, aussi, un acquis de Camp David qu’après vingt ans, Egyptiens, Jordaniens et Palestiniens ont choisi le chemin de la négociation. Les Syriens eux-mêmes étaient sur le point de s’y engager, lorsqu’on assista, successivement, à l’assassinat d’Yitzhak Rabin; puis, à l’arrivée au pouvoir du plus vorace des faucons du Likoud, Benjamin Netanyahu. Ce qui, après Camp David a paralysé les négociations de paix, c’est que les Israéliens ont mis à chaque étape de nouveaux défis qu’il fallait affronter. Souvenons-nous qu’en 1981, ils sont allés jusqu’à annexer Jérusalem-Est, ce qui était contraire à l’esprit et à la lettre des accords de Camp David.
Si Israël continue à défier la communauté internationale et à la placer devant le fait accompli, en créant de nouvelles colonies dans les territoires qu’il occupe arbitrairement, cela entravera davantage le processus de paix. Les Travaillistes, eux, partent du principe qu’il existe une identité palestinienne qu’il faut respecter, alors que le parti Likoud et ses alliés ne partagent pas cet avis, arguant qu’ils ont sur la Palestine des droits divins, donc éternels. A vrai dire, le retour du Likoud au Pouvoir sous la houlette de Benjamin Netanyahu est un désastre à tous les égards, les seuls bénéficiaires de ce conflit historique étant, indiscutablement, les extrémistes chevronnés, des deux bords.
Certes, le fondamentalisme n’est pas un phénomène proprement islamique; on le trouve aussi accentué chez les Juifs et, peut-être, aussi chez les Chrétiens, notamment aux Etats-Unis et même chez les Hindous. Il s’agit d’une conséquence directe de la mondialisation.
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Epouvantés par la vision du monde à travers l’empire médiatique, des hommes se replient sur eux-mêmes, sur leurs propres valeurs, rejettent l’autre, l’étranger, et dans les pays du tiers monde, se réfugient dans la religion, encouragés souvent par les divergences politiques.
C’est ainsi que le gouvernement israélien a suscité la création du mouvement Hamas comme principal rival de l’OLP; qu’Anouar el-Sadate s’est appuyé sur les Frères musulmans contre les Communistes et que les Etats-Unis ont soutenu, en Afghanistan, la création de brigades internationales islamistes contre les Soviétiques, pour ne citer que ces cas.
Dans l’état de détresse où se trouve actuellement la Palestine, il est évident que le discours radical des islamistes a davantage de chance d’être écouté que celui modéré, de Yasser Arafat. La fin de celui-ci, n’est-elle pas ce que cherche Netanyahu?

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L’OLP de Yasser Arafat, longtemps diabolisée, a fini par être acceptée par Israël comme un partenaire indispensable de dialogue. Le tour du Hamas est-il venu également? Il est encore trop tôt pour l’affirmer, surtout sous le gouvernement Netanyahu. Cependant, une chose est certaine: les Israéliens évoluent et commencent à voir le problème palestinien dans toute sa complexité. 57% des Israéliens, selon les derniers sondages, ont déjà compris que sans l’émergence à terme d’un Etat palestinien à côté de l’Etat hébreu, le processus de paix n’aboutira jamais. Paraphrasant Yitzhak Rabin, nous dirons: La paix ne peut pas naître de l’Apocalypse, mais d’un destin partagé. La Bible n’est pas un cadastre, ni une carte géographique. La Bible nous enseigne des valeurs. n

(1) Boutros Ghali, “Le Chemin de Jérusalem” vient de paraître chez Fayard.
(2) On retrouvera ce texte ensanglanté dans sa poche. “Paix ou Guerres de Charles Enderlin, Stock 1997”.

 
 
“Alors, chante une chanson de paix, ne chuchote pas une prière, entonne à pleins poumons, une chanson pour la paix.

Yitzhak Rabin (2)

 

 


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