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LE CHEMIN DE JÉRUSALEM OU LES RATÉS DE LA PAIX FROIDE(1) |
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Vingt
ans après l’accord de Camp David entre l’Egypte et Israël,
le chemin de la paix au Proche-Orient reste long et plein d’embûches.
L’ancien secrétaire général des Nations Unies, Boutros
Ghali qui fut aussi ministre des Affaires étrangères d’Anouar
el-Sadate, dresse un bilan des accords israélo-égyptiens
dont il a été l’un des principaux artisans. Selon lui, l’échec
du volet palestinien semble bien être l’une des causes de la stagnation
des relations égypto-israéliennes, actuellement au stade
de ce qu’on appelle “la paix froide”. Boutros Ghali, ne croit pas que les
Egyptiens avaient placé la cause palestinienne au-dessus de toutes
les autres; ce sont plutôt la déception et le ressentiment
nés de cet échec, qui ont empêché l’établissement
du climat de confiance à la faveur duquel auraient pu être
bâties de nouvelles relations. Aujourd’hui, il est évident
qu’il existe des relations plus confortables entre Jordaniens et Israéliens,
même entre Palestiniens et Israéliens, qu’entre Egyptiens
et Israéliens. Toutefois, cela ne signifie pas que le bilan de Camp
David soit négligeable. Preuve en est, depuis vingt ans, aucun conflit
armé n’a surgi entre les signataires de Camp David, dont il faut
inscrire à son actif, la fin de cette obsession de la confrontation
qui régnait et règne encore dans cette partie nébuleuse
du monde. Et l’ancien chef de la diplomatie égyptienne d’arguer:
“Chacun, au Moyen-Orient a bien compris qu’en l’absence de l’acteur principal
qu’est l’Egypte, on pouvait encore se livrer au terrorisme, mais on ne
pouvait plus faire la guerre à Israël. C’est, aussi, un acquis
de Camp David qu’après vingt ans, Egyptiens, Jordaniens et Palestiniens
ont choisi le chemin de la négociation. Les Syriens eux-mêmes
étaient sur le point de s’y engager, lorsqu’on assista, successivement,
à l’assassinat d’Yitzhak Rabin; puis, à l’arrivée
au pouvoir du plus vorace des faucons du Likoud, Benjamin Netanyahu. Ce
qui, après Camp David a paralysé les négociations
de paix, c’est que les Israéliens ont mis à chaque étape
de nouveaux défis qu’il fallait affronter. Souvenons-nous qu’en
1981, ils sont allés jusqu’à annexer Jérusalem-Est,
ce qui était contraire à l’esprit et à la lettre des
accords de Camp David.
Si Israël continue à défier la communauté internationale et à la placer devant le fait accompli, en créant de nouvelles colonies dans les territoires qu’il occupe arbitrairement, cela entravera davantage le processus de paix. Les Travaillistes, eux, partent du principe qu’il existe une identité palestinienne qu’il faut respecter, alors que le parti Likoud et ses alliés ne partagent pas cet avis, arguant qu’ils ont sur la Palestine des droits divins, donc éternels. A vrai dire, le retour du Likoud au Pouvoir sous la houlette de Benjamin Netanyahu est un désastre à tous les égards, les seuls bénéficiaires de ce conflit historique étant, indiscutablement, les extrémistes chevronnés, des deux bords. Certes, le fondamentalisme n’est pas un phénomène proprement islamique; on le trouve aussi accentué chez les Juifs et, peut-être, aussi chez les Chrétiens, notamment aux Etats-Unis et même chez les Hindous. Il s’agit d’une conséquence directe de la mondialisation. Epouvantés par la vision du monde à travers l’empire médiatique,
des hommes se replient sur eux-mêmes, sur leurs propres valeurs,
rejettent l’autre, l’étranger, et dans les pays du tiers monde,
se réfugient dans la religion, encouragés souvent par les
divergences politiques.
L’OLP de Yasser Arafat, longtemps diabolisée, a fini par être acceptée par Israël comme un partenaire indispensable de dialogue. Le tour du Hamas est-il venu également? Il est encore trop tôt pour l’affirmer, surtout sous le gouvernement Netanyahu. Cependant, une chose est certaine: les Israéliens évoluent et commencent à voir le problème palestinien dans toute sa complexité. 57% des Israéliens, selon les derniers sondages, ont déjà compris que sans l’émergence à terme d’un Etat palestinien à côté de l’Etat hébreu, le processus de paix n’aboutira jamais. Paraphrasant Yitzhak Rabin, nous dirons: La paix ne peut pas naître de l’Apocalypse, mais d’un destin partagé. La Bible n’est pas un cadastre, ni une carte géographique. La Bible nous enseigne des valeurs. n (1) Boutros Ghali, “Le Chemin de Jérusalem” vient de paraître
chez Fayard.
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“Alors, chante une chanson de paix, ne chuchote pas une prière, entonne à pleins poumons, une chanson pour la paix.” Yitzhak Rabin (2)
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