TOUS RESPONSABLES
A la question: Que pensez-vous des élections présidentielles
anticipées et celles-ci peuvent-elles contribuer à réactiver
la vie politique?, M. Wakim répond: “La manière de présenter
l’idée est erronée à la base, car ce qu’endure le
pays ne résulte pas de ce qui reste du mandat présidentiel.
C’est la conséquence de huit années de gestion défectueuse
de la chose publique.”
- Qui en est responsable?
“Le président de la République, en tout premier lieu
et, également, le gouvernement. En fait, toute l’équipe au
pouvoir assume une lourde responsabilité et chaque jour que cette
équipe passe au Sérail vaut au pays un lourd tribut, résultat
de la négligence, de l’arbitraire et de l’improvision. Puis, on
veut imposer de nouvelles charges fiscales au peuple qui n’est plus capable
de payer.”
- Tout le monde s’interroge sur le substitut aux impôts et
taxes; quel est-il à votre avis?
“Le respect de la Constitution et des lois. Ils ont assez violé
la loi fondamentale et ses clauses. Le chef de l’Etat est le protecteur
de la Constitution; il se doit de la protéger.”
LE DEVOIR DU CHEF DE L’ÉTAT
- Pouvez-vous méconnaître ses prises de position courageuses?
“Il n’est pas demandé au président de la République
d’être courageux ou lâche, mais de respecter la Constitution
et d’empêcher sa violation.
“Ce n’est ni lui, ni le gouvernement qui ont mis fin à la guerre,
évincé le général Aoun ou jeté le Dr
Geagea en prison, mais la conjonction de circonstances extérieures.
“Les gens au pouvoir prétendent avoir écarté Aoun.
Mais les catastrophes qui se sont abattues sur le pays, auraient-elles
été plus graves par le maintien du général
Aoun? S’ils ne l’avaient pas éloigné, la situation intérieure
aurait-elle été pire? Je ne le crois pas.”
- En votre qualité d’avocat, comment jugez-vous l’affaire
du Dr Geagea?
“Pourquoi le Dr Geagea a-t-il été emprisonné seul?
Toutes les milices ont perpétré des actes répréhensibles
tombant sous le coup de la loi. Beaucoup d’autres ont commis des crimes
et assument, à présent, des responsabilités officielles.”
- Prenez-vous donc la défense du Dr Geagea?
“Je prends plutôt la défense de la loi, car l’action de
la magistrature doit s’exercer d’une manière globale, sans aucune
discrimination.”
JE DÉFENDS LA LOI ET LA VÉRITÉ
- Auriez-vous entretenu des relations amicales avec l’ex-chef des
Forces libanaises?
“Ces relations étaient tellement “amicales” qu’il a chargé
quelqu’un de me tuer. Cependant, j’établis une distinction entre
les questions personnelles et publiques. Je dis, tout simplement, la vérité.”
- Vous avez évoqué l’action de l’autorité...
Le député de Beyrouth m’interrompt: “Ceux qui sont incarcérés
sont-ils les seuls assassins et ceux qui sont au pouvoir sont-ils les honnêtes
gens? Le criminel est le même partout où il se trouve.”
- Le Dr Geagea n’a-t-il pas été condamné en
vertu d’une décision intérieure?
“Non, mais par une décision extérieure.”
- Comment justifiez-vous les multiples pérégrinations
du Premier ministre?
“Ses voyages profitent à ses intérêts et à
ses projets personnels.”
- Vous critiquez Hariri depuis 1992 et il est toujours en place...
“Ce que je prédisais en 1992, on peut le toucher du doigt aujourd’hui.
Je soutenais, alors, que le gel d’un problème ne contribue pas à
le résoudre. Le coût de la présence de cet homme au
pouvoir ne cessera de s’alourdir chaque jour davantage. Et le peuple libanais
en paiera le prix dans le présent et à l’avenir.”
QUE HARIRI S’EN AILLE
- Que faire maintenant?
“Qu’il s’en aille; cela est préférable.” - Il dit qu’il le souhaite, mais on ne le laisse pas partir de crainte
d’un effondrement...
- N’en a-t-il pas le droit?
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Le milliard réclamé
par le Cabinet est destiné à combler le déficit de
la balance des paiements
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- Ces faits sont-ils authentiques?
“Certainement; ils sont étayés de chiffres.”
- Citez un exemple.
“Le taux de la dette publique pour les mois de juillet-août a
atteint la proportion de 92,5 pour cent de la totalité des recettes.
Il faut s’attendre à ce que l’année prochaine le service
de la dette publique engloutisse la totalité des recettes du Trésor.”
- Au cours des deux derniers mois, les première et troisième
présidences étaient en désaccord; puis, elles se sont
réconciliées...
“Lorsque la Banque Centrale intervient et jette sur le marché
financier 150 millions de dollars prélevés sur ses fonds
de réserve, alors qu’elle continue à intervenir, comment
pouvons-nous croire que la réconciliation interprésidentielle
a atténué l’acuité de la crise?”
L’AFFAIRE DU MILLIARD
- Qu’auriez-vous à dire de l’affaire du milliard qui remonte
au forum des amis du Liban à Washington?
“Ce montant n’est pas destiné à financer des projets d’utilité publique, mais à combler le déficit de la balance des paiements. Or, les pays s’endettent en vue d’exécuter des projets rentables, non pour combler un déficit ou rembourser les dettes.” - Il ne reste donc plus au gouvernement qu’à recourir aux
impôts et surtaxes; peut-être relèvera-t-il le prix
de l’essence...
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Les infractions
de Hariri ne se comptent plus et ses voyages profitent à ses intérêts
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- Qu’en est-il des crédits octroyés à titre
de prêts pour financer des projets d’équipement ou de développement?
“Des 320 millions de dollars, 200 millions ont été dépensés.
Il en reste plus de 120 millions destinés à des projets qui
n’ont pas été exécutés. L’affaire est en rapport
davantage avec la faillite financière qu’avec les projets proprement
dits.”
IRRÉGULARITÉS ET ABUS
- Y aurait-il vraiment des irrégularités et des abus?
“Si nous rassemblions les irrégularités et abus commis par le président Hariri, auxquels s’appliquent les dipositions du Code pénal, il serait passible de neuf mille ans de prison. Il n’y a aucun article qu’il n’a pas violé.” M. Wakim énumère certaines de ces irrégularités, à commencer par celles commises à la loi sur l’audiovisuel, notamment les articles 356, 351 et 367 traitant de l’enrichissement illicite. “Hariri s’est approprié une station de télévision et a accordé des licences pour d’autres stations à ses proches. Il déroge à la loi qui interdit la mise en location des biens de l’Etat au-delà de quatre ans et sur base d’une adjudication publique. Or, il signe un contrat avec une personne de la famille Zantout, en vertu duquel il lui cède 15.000 mètres de la gare ferroviaire proche du palais de Justice pour dix ans, moyennant un loyer symbolique d’une livre. “De même, il cède le bien-fonds attenant à la Cité sportive à un cousin, Amine Héjazi pour une période de quarante ans. Puis, il confie la zone franche de l’aéroport pour quinze ans à une société dont il est l’un des associés, de même que Mohamed Zeidane, partenaire du ministre d’Etat Sanioura. “L’agrandissement de l’aéroport pour lequel ont été affectés des crédits de l’ordre de 475 millions de dollars, nécessite le débours de plusieurs dizaines de millions supplémentaires, le chiffre définitif pouvant atteindre un milliard... Ce sont autant d’infractions effroyables.” |
Pourquoi seul Geagea
est en prison, alors que d’autres chefs de milices sont
au pouvoir? |
QUI GASPILLE LES DENIERS PUBLICS?
- Pourtant, le chef du gouvernement parle souvent de la nécessité
d’arrêter le gaspillage...
“Est-ce le citoyen ordinaire qui dilapide les fonds publics? Ce sont
les gouvernants qui dépensent sans contrôle les fonds du Trésor
et parlent en même temps de freiner les dépenses.”
- Est-ce possible?
“C’est plus que possible: le Liban est l’unique pays au monde où
il y a des crimes, mais non des criminels et des vols mais non des voleurs.”
- Et que dire de la magistrature et de la Justice?
“Je me propose de réclamer la constitution d’une commission
pour enquêter sur la situation de la magistrature et proposer des
idées en vue d’en relever le niveau et d’améliorer les conditions
de vie et de travail des juges.”
- Où en sont les procès qui vous ont été
intentés?
“Si le nombre des procès s’élevait à cent, je
leur consacrerais peu de mon temps, car ils sont basés sur des erreurs
et des infractions. En tant que député, j’ai pleinement le
droit de contrôler et de critiquer.”
- N’avez-vous pas peur?
“Je n’ai peur que de Celui qui m’a créé et, aussi, de
ma conscience. Tant que ma conscience est tranquille et que je continue
à défendre les droits des gens, de qui dois-je avoir peur?
Seuls ont peur ceux dont la conscience n’est pas en paix.”
LA IIème RÉPUBLIQUE, UN LEURRE...
- Qu’auriez-vous à dire à propos de la IIème
République?
“C’est un leurre. Vous me direz qu’elle a mis fin à la guerre,
mais le cessez-le-feu a été décidé sur base
d’une équation internationale.
“Puis, la situation politique au Liban repose sur des piliers régionaux
et internationaux: les Etats-Unis veulent s’en tenir à Madrid et
parvenir à un arrangement sur des données déterminées.
Je tiens à préciser que le différend au plan intérieur
ne tourne pas autour du milliard de dollars. Hariri dit juste quand il
soutient que le litige est politique, car il se concentre autour de Damas
et de Washington et a des retombées sur le plan interne. Le plafond
politique s’effondrera sur la situation intérieure branlante et
disloquée.”
- A quoi faites-vous allusion?
“A mon avis, les présidents Berri et Hariri ne se sont pas mis
d’accord. Ce qui s’est produit entre eux, c’est un arrangement provisoire,
le “parrain” étant celui qui a la haute main sur la situation intérieure.”
- Comment jugez-vous les bisbilles entre les présidents de
la République et du Conseil?
“Ils se disputent sur le quota des nominations à propos desquelles
des infractions ne manquent pas d’être commises.”
- Et les mésententes entre les membres du Cabinet ou entre
ces derniers et Hariri?
“Le ministre Farès Bouez tient des propos politiques, que vous
soyez d’accord ou pas avec lui. C’est le seul ministre valable; aussi,
est-il en mauvais termes avec le chef du gouvernement, parce qu’il veut
assumer entièrement ses responsabilités officielles.”
- Où va, en définitive, le pays?
“Tout ce que je peux dire, c’est que selon le leurre de la IIème
république, le pays doit être maintenu dans la salle des soins
intensifs jusqu’à sa désintégration.”
- Que voulez-vous dire par là?
“Jusqu’à sa désintégration. La IIème république
ressemble au vaisseau russe “Mir”: il a été lancé
au temps de l’ex-Union soviétique et après deux ans, sa remise
en état s’avère coûteuse. Il est donc condamné
à poursuivre indéfiniment sa rotation.
“Le hic dans l’affaire en ce qui nous concerne, c’est que le pays est
en faillite et le peuple ne peut plus supporter davantage de privations
et de misère.
“En fait, l’Amérique veut faire du Liban un second “Gaza et
Jéricho”, ce qui restera du Liban devant être soumis au régime
de l’autonomie.”
- C’est ce que soutient le général Michel Aoun; seriez-vous
d’accord avec lui?
“S’il tient les mêmes propos, nous nous rencontrons par télépathie
ou association d’idées.”
LE PROJET AMÉRICANO-ISRAÉLIEN
- Le Liban serait-il donc appelé à disparaître?
“Ils veulent le maintenir en tant qu’entité, sans souveraineté et sans les données d’un Etat, le capital israélien devant y exercer son hégémonie. Ainsi, ils rêvent de le transformer.” - Ne pouvons-nous pas nous y opposer?
- Ne croyez-vous pas que le confessionnalisme est à l’origine
de nos maux?
- Comment voyez-vous la situation économique dans son ensemble?
- Est-il possible de sauver l’économie?
- Comment sortir de cette situation?
- Que fait l’opposition?
- Quel serait le substitut à ce projet?
- Le peuple rejette les impôts et taxes; comment dans ce cas
le gouvernement peut-il réaliser son programme?
- Le président Salim Hoss peut-il redresser la situation?
- Comment expliquez-vous l’entêtement du président Hariri
à accorder la priorité aux projets des routes et autostrades?
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Le chef de
l’État est tenu de protéger la Constitution
L’effondrement de la parité de la livre par rapport au dollar est imminent |
- Etes-vous versé dans les questions économiques?
“Si je ne suis pas un expert en la matière, j’ai plus de compréhension
au moins que Sanioura et Riad Salamé. Je pars de ma position en
tant qu’homme politique, en ce sens que je défends les droits des
gens. Je me réclame donc de l’opposition nationale démocratique,
jouissant d’un soutien à l’échelle populaire, à l’instar
d’Elias Abou-Rizk; c’est pourquoi, on a agi en vue de l’évincer
en tant que chef de la CGTL.”
- La réforme administrative a-t-elle atteint ses objectifs
ou échoué?
“Une autorité corrompue peut-elle réaliser une réforme
valable?”
- Vous avez dit que le président Hariri est passible de prison...
“Oui et il sera jugé tôt ou tard, mais non à l’ombre
de la loi pour le jugement des présidents qu’ils ont élaborée
afin d’empêcher que ces derniers soient poursuivis en justice.”
- Pourquoi Hariri en premier? Et Sanioura?
“Hariri est le chef d’orchestre, quant à ,il exécute
les ordres qui lui sont donnés.”
- Les élections municipales seront-elles organisées
au printemps 98?
“Là il nous faut une diseuse de bonne aventure pour être
fixés sur les véritables intentions des gouvernants.”
- Approuvez-vous le projet de loi sur les loyers élaboré
par le ministre de la Justice, Bahije Tabbara?
“Celui-ci est incapable d’élaborer une telle loi; il reçoit
les instructions et charge d’autres d’en mettre au point le texte.”