La Cour d’appel de Paris a ordonné le 6 novembre l’exhumation du corps de l’artiste au Père-Lachaise. Objectif: une recherche en paternité et de ce fait, un prélèvement d’ADN est prévu pour être comparé avec celui d’Aurore Drossart, qui prétend être sa fille.

De son vivant, Yves Montand avait refusé de se soumettre aux tests sanguins destinés à vérifier si elle était bien sa fille, comme elle l’affirme depuis 1989. Mais, étant donné que la loi sur la bioéthique de juillet 1994, pose le principe de «la primauté, l’indisponibilité et l’intégrité de la personne» à laquelle «nul ne peut porter atteinte» et que le Code civil prévoit que le consentement doit être recueilli, interdisant donc tout prélèvement si l’individu s’y oppose - Me Laurent Merlet, avocat de Carole Amiel, la dernière compagne de l’artiste, explique que les juges se sont fondés sur le fait que les ayants-droit d’Yves Montand, décédé en 1991 n’avaient pas exprimé d’opposition à une telle démarche aussi pénible et malencontreuse puisse-t-elle être!

Aurore Drossart.	Les années Simone Signoret.	Yves Montand et son fils Valentin.

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L’AFFAIRE

Elle suscite une belle émotion en France: l’annonce que le corps d’Yves Montand, six ans après sa mort va être exhumé au motif qu’un juge y voit le seul moyen de répondre sérieusement à la demande d’une jeune femme qui se dit sa fille naturelle. Aurore Drossart c’est son nom. Elle entend être reconnue faute de l’avoir été en 1991. Choc émotionnel parce qu’il s’agit du sort post mortem d’un artiste attachant et que cette exhumation paraît de bien mauvais goût. Notre époque a beau s’être laïcisée à grande vitesse, on ne déterre pas un mort aussi légèrement et le Code pénal français punit sévèrement toute exhumation sauvage et toute violation de sépulture. «J’espérais qu’on laisserait Yves Montand en paix» aurait dit un membre de sa famille, sans songer au fait que ces restes ne sont plus Montand, mais de simples restes! Ce sentiment honorable est contrebattu par un autre qui ne l’est pas moins. Dans la détermination d’Aurore Drossart, qui prétend être la fille naturelle du grand chanteur, on peut supposer un réel appétit pour les avantages matériels que lui vaudrait cette reconnaissance. Mais il est aussi certain que cette jeune femme peut éventuellement être mue par une attente autrement essentielle:

ETRE RECONNUE.

Pour une enfant naturelle qui doute encore de sa filiation, c’est bien plus que régler un problème d’état civil. Cependant, si elle parvient à ses fins, elle aura beau faire, il lui manquera toujours le regard unique d’un père pour sa fille!

L’OPINION PUBLIQUE

Alors que la justice a ordonné l’exhumation du corps d’Yves Montand, on dirait qu’une certaine cohésion s’est faite dans l’opinion pour le respect du repos éternel. Musulmans, juifs, chrétiens et bouddhistes semblent accepter avec beaucoup de réserves ou tolérer que l’on trouble la paix d’un défunt. Ainsi, Mgr Michel Moutel, archevêque de Tours, souligne que la décision du tribunal de Paris n’a pas à être discutée: «On peut admettre l’exhumation du corps d’un défunt, à condition que cela contribue vraiment à la recherche de la vérité. Bien entendu, si la famille est croyante elle peut demander une bénédiction en cas de nouvelle inhumation». En revanche, des religieuses soutiennent qu’«il y a des choses que nous ne devons pas savoir. Des choses qui échappent et n’appartiennent même plus aux individus!» Quant aux scientifiques, selon le généticien notoire Axel Kahn: «Si Yves Montand a été sollicité et a refusé et qu’on lui fait quand même le test, on se trouve en contradiction avec le respect dû à la parole donnée, car la loi de 1994 sur la bioéthique impose pour un examen de ce genre, d’obtenir le consentement éclairé du patient!» Effectivement, de son vivant, Yves Montand avait refusé de se prêter aux expertises. Ces raisonnements à la fois logiques et contradictoires, au regard du commun des mortels ne semblent-ils pas opposer, du moins apparemment la loi à l’Ethique?

TOUTE RÉFLEXION FAITE

On admet, bien sûr, que le progrès de la science, dans la mesure où il permet de réduire la portion de l’incertitude judiciaire, constitue un bon auxiliaire pour un tribunal privé d’éléments probants, surtout si l’on risque, en l’écartant, de condamner un innocent; ceci d’une part. De l’autre, le respect dû aux morts n’est pas une affaire religieuse. Il touche tout un chacun, celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas. Pour décider de cette affaire familiale qui est aussi une histoire d’argent, on va donc creuser la terre, extraire un cercueil, l’ouvrir, etc... Toutes choses qui, dans la vie habituelle, quand un cimetière est profané, provoquent répulsion et colère. Aussi bien, Montand avait-il refusé de son vivant tout test de cette nature. Cela étant, sa volonté explicite doit-elle être balayée d’un revers de manche - celle-ci fut-elle recouverte d’hermine - après sa mort? That is the question!