LES PEUREUX... ET LA PERPLEXITÉ
DANS L’ÉCRITURE DE L’HISTOIRE
L’interdiction
de l’interview télévisée accordée par le général
Michel Aoun à la MTV, dont le président du conseil d’administration
est l’ingénieur Gaby Murr, frère du vice-président
du Conseil, ministre de l’Intérieur Michel Murr, reste au centre
des préoccupations des hommes politiques et des citoyens, sans que
le temps en atténue l’acuité. Les Libanais sont malades de
liberté; ils ne sont satisfaits que lorsqu’ils l’exercent d’une
manière parfaite. Ils la rejettent et lui tendent la langue, si
elle leur parvient tronquée ou diminuée.
Nous n’écrivons pas cela dans un but
d’incitation. Cependant, nous n’imposons pas un silence à nos plumes,
ce qui pourrait être interprété comme un complot ou
une complicité visant à bâillonner les bouches, à
immobiliser les mains par des menottes, à rogner les ongles et à
enrouer les gosiers, prélude à un mutisme étudié
et planifié.
Ce qui est plus important et marquant que l’événement,
ce sont ses leçons et les études à en tirer. Le summum
de ces leçons sont les manifestations des jeunes, lesquelles n’ont
pas été réprimées, probablement pour servir
de prémice à leur autorisation, en tant que droit naturel
et consacré pour l’homme. Surtout si elles sont affranchies de la
violence et si leur motivation est sublime.
Puis, les grèves des quatre Ordres des médecins et des
avocats de Beyrouth et du Liban-Nord. Ainsi que la proposition formulée
par l’Ordre des journalistes, selon laquelle les textes en rapport avec
les libertés, soient consignés dans la Constitution et non
seulement leurs titres, alors que leurs détails figurent dans des
lois boiteuses, dans lesquelles se jouent l’arbitraire, le caprice et l’intérêt.
La Presse libanaise et arabe a dit que les milieux syndicaux ont unanimement
opiné que la meilleure proposition visant à prévenir
la crise des libertés, est celle formulée par l’Ordre des
journalistes dont le porte-parole a déclaré: Le minimum d’immunité
pour les libertés, suite aux lézardes apparues dans son édifice,
après la dernière épreuve qu’elles ont eu à
subir, n’a qu’un seul visage empêchant la réédition
et ne classant pas l’Autorité dans le régistre de ceux “qui
ont un antécédent” dans ce domaine.
Il s’agit pour le texte de faire mention des libertés, spécialement
la liberté d’expression, d’une manière claire dans la Constitution
et même dans son préambule, comme c’est le cas dans la Constitution
américaine, sans s’exposer à aucun amendement et sans qu’on
se contente de les mentionner dans les lois, en tant que texte ordinaire
non contraignant. Ainsi, il ne devrait pas être dit dans la Constitution:
“Conformément à ce que stipule la loi”. La Constitution elle-même
doit définir avec minutie et en détail, la procédure,
sans en référer à une loi ordinaire.
Cet aspect réformateur est de nature à protéger
la démocratie, en plus d’une autre instance, l’autonomie de la magistrature
qui constitue le rempart de la liberté. La Justice ne doit pas être
soumise aux hommes politiques, mais former une partie distinctive placée
au-dessus de ces derniers ayant sur eux une supériorité émanant
de sa moralité, de sa probité, de sa connaissance et ne se
laissant nullement influencer par le chantage. Tel le fait pour un juge
de craindre d’être muté vers les régions éloignées,
s’il rend une sentence juste, à l’encontre d’un gouvernant ou d’un
responsable.
Nous voulons une magistrature pareille à celle des Etats-Unis
d’Amérique où un petit juge ayant une taille de cent soixante-cinq
centimètres, a exigé de l’ex-président Nixon de lui
remettre les bandes d’enregistrement dans l’affaire du “Watergate”. Il
a refusé et l’a menacé de le limoger. En définitive,
Nixon a accédé à la demande du magistrat et lui a
remis les enregistrements. C’est donc le président des USA qui a
été exclu et non le juge Cereka, décédé
l’an dernier.
Nous voulons une magistrature indépendante à l’instar
de celle du Pakistan où le chef du gouvernement, Nawaz Chérif,
a dû se rendre au palais de Justice en vertu d’un mandat d’amener,
comme le dernier des citoyens.
Nous voulons une magistrature pareille à celle de France où
Henri Emmanuelli, ancien secrétaire général du Parti
socialiste, a été déchu de ses droits civiques, alors
que les socialistes sont au pouvoir. Une magistrature qui fait peur au
président de la République, au chef du gouvernement et à
tout ministre, chaque fois que leur nom est mentionné dans un dossier
chaud...
Ajoutez à cela le système de bipartisme qui transforme
l’opposition en pouvoir de l’ombre, se perpétuant avec toutes ses
fractions et ses slogans nationaux.
Et ce, si nous voulons un Etat digne de ce nom. Après les textes
complets destinés à préserver la liberté dans
la Constitution et l’indépendance de la magistrature d’une manière
parfaite, le système des deux partis et la persistance de l’esprit
du Pacte national de 1943, je me vois enclin à adopter la liste
électorale unique, en raison de la concorde nationale qu’elle procure.
Cependant, je ne demande pas aux citoyens de partager cette opinion, car
beaucoup d’entre eux ont des griefs à son sujet et je me retrouve
avec eux sur ce point.
***
La vie démocratique libre suppose que l’homme
se libère, à l’ombre, de la panique. Il n’existe pas sur
terre des gens qui font peur; mais des gens ayant peur; il lui est demandé
de ne pas en faire partie.
De même, parmi ses aspects radieux, souriants, vitalisés,
que l’homme ne capitule pas devant les événements de son
temps, mais qu’il les fasse. Seuls ceux qui écrivent les événements
de leur temps, écrivent l’Histoire. Quant aux autres, ce sont des
vivants, mais des marginaux, pareils au bétail et aux moutons, n’ayant
pas d’Histoire. Ce sont des êtres qui ne peuvent pas mourir, parce
qu’ils ne sont pas nés. Ce sont des “non-personnes”, comme les a
appelés Georges Orwel, dans la meilleure description de la prostration,
de l’échec, comme du fait pour le cerveau et la volonté d’être
affligés de la maladie de Parkinson ou de tomber dans un coma permanent
dont on ne se réveille pas. |
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