A la question: Jusqu’à quel point l’adoption par le président
Khatami du principe de la “dignité d’Al-Fakih” contredit-elle le
programme pour le changement sur base duquel les Iraniens ont voté
pour lui aux élections?,
Bani-Sadr répond: “Tout d’abord, il y a lieu de signaler
que le tribunal religieux a condamné Montazeri à la résidence
surveillée à son domicile, en lui interdisant de rencontrer
qui que ce soit. La sentence englobe, aussi, Azri Qommi, autre homme religieux
mais non du niveau de Montazeri. Qommi était respon-sable des tribunaux
révolutionnaires et avait fondé le journal “Risalâte”,
actuellement porte-parole de la droite; il est âgé de plus
de 70 ans.
MONTAZERI A CHANGÉ DE POSITION
“Au début de la révolution, Montazeri était très
enthousiaste pour la “dignité d’Al-Fakih” dont les attributions
sont absolues. Mainte-nant, il a changé d’avis et ne lui reconnaît
pas un rôle autre que celui du contrôle. C’est un changement
radical dans sa position.
“En 1980, j’avais présenté au conseil des sages, neuf
preuves dénonçant la “dignité d’Al-Fakih”. Ce jour-là,
Mohamed Hussein Behachti était l’adjoint de Montazeri qui assumait
la présidence de cet organisme. Je l’ai rencontré et lui
ai posé la question suivante: Quelle est actuellement votre position?
Il a répondu: “Je suis le président du conseil des sages.
Mais mon adjoint, Behachti, en est le président effectif.”
“Je lui ai, alors, posé cette autre question: Si vous étiez
le guide suprême de la république et de la révolution,
accepteriez-vous la situation arbitraire qu’incarne la “dignité
d’Al-Fakih”, situation dont l’Iran n’a pas connu de pareille auparavant?”
“Je me rappelle qu’il n’a pas répondu à cette question.
Cependant, Montazeri est victime du régime qu’il a contribué
à instaurer. Et ce pour deux raisons: Primo, il a compris, à
présent, que les prérogatives absolues d’Al-Fakih ne sont
ni logiques, ni possibles parce que ceci ouvre la voie au pouvoir arbitraire
et dictatorial.
Le bazar n’est plus le foyer
du mouvement protestataire, mais les universités et les centres
religieux de Qom et de Mach’had
Montazeri a radicalement modifié sa position envers le régime de Téhéran |
“Secundo, Khaménéi ne dispose pas des capacités nécessaires pour assumer ses charges actuelles, car il n’est ni le plus instruit, ni le plus pieux. Or, il a été formé par Montazeri. Et voici que le maître dit de son élève qu’il n’est pas habilité à occuper sa fonction. Je crois que l’opinion publique iranienne réalise, dans sa majorité, que la “dignité d’Al-Fakih”, n’existe pas en Islam.”
SONT-ILS AVEC YAZID OU AL-HUSSEIN?
- Comment le président Khatami se comporte-t-il à
ce propos?
“Khatami a déclaré avec franchise que la Constitution
de la république islamique repose sur trois principes: l’Islam,
le peuple et la “dignité d’Al-Fakih”. Cela signifie deux choses:
d’abord, que la “dignité d’Al-Fakih” est en dehors de l’Islam et
du peuple; ensuite, pourquoi serait-il autonome s’il était issu
de l’Islam?
“Cet antagonisme dans lequel se trouve Khatami qui sait en son for
intérieur que la “dignité d’Al-Fakih” n’existe pas, le place
dans la perplexité, car il n’ose pas le proclamer publiquement.
Comme s’il reprenait la question qui avait été posée
aux gens d’Al-Koufeh: Sont-ils avec Yazid ou avec Al-Hussein?
“Il apparaît qu’ils sont avec Yazid par l’épée
et avec Al-Hussein par le cœur.”
- Comment l’opinion iranienne vit-elle ces conflits? Et quelqu’un
accuserait-il le président Khatami d’avoir renié le programme
sur base duquel il a mené sa bataille électorale?
“L’opinion publique n’est pas satisfaite de ce qui se passe. Elle désapprouve
Khatami pour avoir adopté le principe de la “dignité d’Al-Fakih”
et réalise qu’il n’a pas d’assise parmi les milieux religieux. La
première conséquence de vingt ans de révolution islamique
est que la “dignité d’Al-Fakih” a perdu sa présence, au double
plan pratique et théorique.”
KHATAMI ET LE SOMMET ISLAMIQUE DE TÉHÉRAN
- Où se situe le président Rafsan-djani sur la carte
des tractations en cours?
“Rafsandjani a considéré que la “dignité d’Al-Fakih”
est intégrée dans la “loi constitutionnelle”, alors que la
règle est que la Constitution trouve sa légalité dans
cette “dignité”.
“Cela affaiblit Khaménéi. Si la “dignité d’Al-Fakih”
tient lieu de légalité, cela signifie qu’il est sujet au
changement et le peuple peut le chan-ger à l’avenir. De ce fait,
Rafsandjani a asséné un coup dur au principe de la “dignité
d’Al-Fakih” qui n’est plus absolue, mais est, légalement, astrein-te
au changement et à la révision.
“De cette manière, il a fait tomber ce qui est sacro-saint et
avec lui la “dignité d’Al-Fakih”. Ceci est de nature à affaiblir
aussi Khatami, bien que le sommet islamique de Téhéran ait
renforcé sa position.
“Cependant, la droite conservatrice a élaboré un plan
en quatre points en vue d’affaiblir les libéraux (l’arrestation
d’Ibrahim Yazidi et son élargissement sous caution), la présidence
de la République, les intellectuels et les étudiants universitaires.
“Depuis la nationalisation du pétrole et la révolution
de Khomeyni, le bazar était le foyer traditionnel de l’action politique.
Maintenant, le centre des forces et du changement s’est transposé
aux universités et à l’institution religieuse à Qom
et Mach’had.
“Ce grand changement aura de profondes répercussions à
l’avenir sur la situation dans son ensemble.”