EMILE ZOLA SAUVAIT L'HONNEUR
D'UN HOMME
ET CELUI DE LA RÉPUBLIQUE!
L’écrivain Emile Zola.
Le 22 décembre
1894, Alfred Dreyfus, reconnu coupable d’espionnage au profit de l’Allemagne,
est condamné à la déportation et à la dégradation.
Celle-ci a lieu deux semaines après dans la grande cour de l’école
militaire. Journalistes, diplomates y sont invités. Les curieux
s’entassent par milliers derrière les grilles, attendant le moment
où l’adjudant de la garde républicaine jettera à terre
tous les insignes du grade: galons du képi et des manches, les bandes
rouges du pantalon et les pattes des épaules.
C’était il y a cent ans. Pour la France et pour la République,
c’est la fin d’une époque! Et pour Emile Zola, ce sera le début
des ennuis...
![]() La scène de la dégradation du 13 janvier 1895. |
![]() Après sa réhabilitation, le commandant Dreyfus (à droite) |
HISTORIQUE
Alfred Dreyfus est au bagne, plus précisément à l’île
du Diable, comme on sait et pour les raisons qu’on sait. A ce moment, Zola
ne connaît à peu près rien de cette affaire: il est
à Rome et ne lit pas les journaux. Il n’en entend parler que le
5 janvier 1895 quand le fils d’Alphonse Daudet lui en fait le récit
qui l’effare. Mais, ses activités de romancier l’absorbent trop
pour s’intéresser plus outre à cette affaire. Au printemps
1896, Zola ne met vraiment pas en doute la culpabilité du capitaine
et ne se sent pas encore concerné par ce cas. En revanche, il est
choqué par la vague d’antisé-mitisme qui déferle sur
la France et dont le journal d’Edouard Drumond se fait l’orchestrateur
le plus féroce. Car, il ne faut pas oublier que si Dreyfus est juif,
Zola l’est aussi. Zola, alors, signe son premier article où il dénonce
le fanatisme. Il ap-prend enfin que le colonel Piquart, ancien chef du
S.R. aurait admis le manque de preuves formelles dans le dossier d’accusation
et découvert l’identité du vrai coupable lequel serait le
commandant Esterhazy.
“J’ACCUSE...” OU LA LETTRE EN QUESTION
Elément décisif! Zola petit-fils d’immigrés italiens,
se résout à pourfendre l’injustice et à obtenir la
révision du procès. Il publie coup sur coup trois articles
dans le Figaro. Et le 10 janvier 1898, tout se précipite. C’est
à cette date que commence le procès du commandant Esterhazy,
dénoncé par le frère d’Alfred Dreyfus comme le vrai
coupable. L’audience est à huis clos. Zola flaire une procédure
“arrangée” pavant la voie à un acquittement. Les événements
lui donnent raison: le 11, Esterhazy est acquitté. Alors, deux jours
durant, le romancier se met à écrire: il écrit fiévreusement
dans son hôtel particulier, rue de Bruxelles. La lettre-réquisitoire
achevée, il décide de la proposer à “l’AURORE” dont
Georges Clémenceau est le rédacteur en chef. Après
avoir parcouru les 39 feuillets du manuscrit, Clémenceau accepte
la publication, tout en glissant à l’oreille de l’auteur “Vous
allez trop loin...” Mais il ne refuse pas sa tribune à Zola. Et
le titre qui s’impose, c’est Clémenceau qui le trouve “J’ACCUSE...”
Et le lendemain “l’Aurore” tirera à 300.000 exemplaires. Le réquisitoire
de Zola fait l’effet d’un séisme! Les suites ne se font pas attendre;
à 17 heures, le président du Conseil promet de poursuivre
Emile Zola pour ses “abominables accusations”.
L’écrivain sera jugé devant les assises de la Seine. Condamné
à un an de prison et 3.000 francs d’amende, il sera contraint à
l’exil. Vaincu juridiquement, Emile Zola a tout de même gagné
la partie. Si “l’affaire”, comme on l’appellera désormais, divisera
longtemps la France, la Justice mettra encore de longues années
à... se déjuger. Alfred Dreyfus ne sera réhabilité
qu’en 1906 - quatre ans après la mort d’Emile Zola, dont ce sera
le triomphe posthume.
CENT ANS APRÈS: L’HOMMAGE
Ce 13 janvier 1998, sous le haut patronage du président de la République
française, Jacques Chirac, un hommage sera rendu au capitaine Dreyfus
et à Emile Zola. Cette manifestation sera placée sous l’autorité
du Premier ministre Lionel Jospin et le comité de patronage comprenant
de nombreux ministres. Rétablir l’innocence d’un homme et sauver
l’honneur de la République constituent des preuves irréfutables
qu’il ne faut jamais désespérer du bon droit, du moins dans
les pays où ces deux mots ont encore un sens.
Pour la petite histoire, pendant plus d’une quarantaine d’années,
la famille Dreyfus n’a jamais su ce qu’il était advenu des insignes
du capitaine depuis la scène de la dégradation. Lorsqu’en
1957, inopinément, la fille d’Alfred qui vit dans la maison de son
père, découvre en ouvrant la porte un paquet: il contenait
les insignes pieusement conservées de l’uniforme de son père
alors qu’il était encore capitaine. Malgré toutes les recherches
entreprises, la famille n’a jamais réussi à connaître
le nom du mystérieux expéditeur.